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LE VOYAGE DE JéNORME
LE VOYAGE DE JéNORME
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29 juillet 2009

Serge Gainsbourg et Vézelay

D 'Ouroux-en-Morvan à Vézelay, il n 'y a pas énormément de kilomètres. Après avoir lu un texte dans un magazine que gardait précieusement ma grand-mère depuis dix ans, j 'avais envie d 'aller faire un tour du côté de ce village...


Suite II Bach Violoncelle Rostropovitch Partie I

"Vézelay est un gros bourg perché sur une hauteur de sommet de laquelle
s 'érige une basilique romane.

   
IMG_1792
Il y règne une atmosphère étrange, envoûtante.
Jules Roy écrivit, un jour de fulgurances,
qu 'aucun lieu n 'est à la fois plus léger et plus pesant,
car quelque chose d 'indéfinissable, peut être l 'infini,
y vibre dans les replis de l 'âme. (...)

   

   

   Je logeais à La Renommée, établissement modeste qui jouxte L 'Espérance, restaurant prestigieux, lui, dont les graviers du parking ne crissent qu 'au passage des berlines allemandes et de voitures de sport italiennes.
       IMG_1796                               IMG_1797
La patronne de La Renommée avait l 'habitude, dès mon arrivée, de
m 'apprendre, avec l 'oeil brillant de ceux qui savent, le nom des personnalités qui logeaient au palace voisin.

Ce jour-là, elle m 'informa que Serge Gainsbourg séjournait à L 'Espérance depuis plusieurs semaines, qu 'il avait fait tirer un feu d 'artifice à Noël, et elle ajouta même qu 'il venait chaque jour dans son établissement acheter des cigarettes, n 'hésitant pas à converser avec elle en consommant des boissons anisées.
Pour justifier ses propos, elle me montra une photo polaroïd. On la voyait, vêtue d 'un chemisier trop étroit laissant apparaitre entre chaque bouton des ovales de chair blanchâtre, aux côté de Gainsbarre qui, la cigarette aux lèvres, levait en riant un verre d 'alcool qui le tuait un peu plus.
       IMG_1804                                       IMG_1799
En reposant sa photo sur une étagère contre une coupe sportive de pilier de bistrot, la buraliste ajouta :
"Dans l 'hôtel à côté, y a aussi un violoniste polonais ou peut être qu 'il est pianiste, chai plus, il s 'appelle Markovich, un nom comme ça, mais il doit être connu car M. Serge m 'a dit qu 'il n 'osait pas lui parler."


L 'après-midi, je montais la rue principale de Vézelay pour une visite traditionnelle à la basilique où, malgré le froid de janvier, j 'arrivai en nage. (...)

IMG_1770_1
En entrant dans la basilique,
j 'entendis jouer du violoncelle.
J 'avançai dans la nef et je vis, sous la croix, un musicien qui répétait. deux grandes enceintes acoustiques anachroniques montaient sur les côtés du Christ à la place des larrons.
Près d 'un pilier, une femme souriait en regardant le violoncelliste.
   

   

Lorsqu 'il cessa de jouer pour enduire son archet d 'une substance étrange, elle me murmura :  "C 'est Rostropovitch, il travaille le prélude de la cinq."
Il se remit à jouer. Je ne savais pas de quelle cinq elle parlait mais c 'était beau à pleurer.

D 'ailleurs, tout près de moi, à demi caché par un confessionnal, un homme pleurait. C 'était Serge Gainsbourg.
Alors, j 'écoutai Rostropovitch et je regardai Gainsbourg.
Il savait qu 'il allait bientôt mourir et, soudain, c 'était comme si cet homme qui jouait du Bach lui démontrait l 'existence de Dieu.
Il croisa mon regard et, honteux qu 'on puisse le voir pleurer, essuya furtivement sa joue, renifla ses larmes à venir en relevant la tête d 'un coup de menton et
s 'approcha de moi en murmurant :
"Pas dégueux le père Rostro."

IMG_1755Puis, toujours en chuchotant,
il m 'expliqua que le violoncelliste
n 'avait jamais voulu enregistrer
ces Suites de Bach jusqu 'au jour où,
en montant les marches de la basilique
de Vézelay, il s 'exclama :

"C 'est Bach !"

   

Un mois plus tard, en même temps que les derniers feux de la guerre du Golfe, Serge Gainsbourg s 'éteignit à Paris où il venait de rentrer, comme s'il eût été indécent de mourir à Vézelay."

GUY CARLIER,
"Je vous ai apporté mes radios"
Editions Robert Laffont, 2002

Commentaires
N
eT bEN mON cADET...!
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J
Merci mon gamin !<br /> Ma chère Azoula, euh ben... voilà... mais avec plein de trucs dedans !
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A
Dommage que ce soit Guy Carlier qui ait écrit ce texte...Que fais-tu jénorme?
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E
Vache ! Gamin, c'est pour ce genre de choses que je reviendrai toujours visiter ton blog.
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