SUR LA ROUTE DE GAVARNIE : Huchet, épisode 1
Gavarnie !
Son nom seul évoque tant de choses dans les esprits des grands voyageurs que nous sommes tous un peu quelque part que quand, soudain, ne voilà-t-il pas...
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Oui, les beaux jours étaient revenus.
Je l'ai déjà dit dans le précédent billet, mais peut être que, toi lecteur, tu as oublié. Alors je le répète encore et encore : Oui, les beaux jours sont revenus....
On peut également le dire au présent du subjonctif :
"Il semblerait bien que les beaux jours seraient revenus."
J'entends au loin des gens demander le présent du subjonctif ?! Pas de problème. Accrochons-nous : "Ohlalalalala, mais dis donc, ne serait-ce pas les beaux jours qui soient revenus !?"
Mais déjà, au loin, des gens crient : "Le gérondif, le gérondif !!!!"
Ah non, pas le gérondif !
DONC :
Il n'y avait pas à se cacher ou avoir honte, c'était comme ça et pas autrement. Personne ne pouvait rien y faire : oui, les beaux jours étaient revenus et il fallait faire avec. Des évènements ne trompaient pas.
Premier signe :
nous avions attaqué la saison des barbecues de belle façon et tout en couleur...
viande !
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Dans les rues, de ci de là, les gens rayonnaient et prenaient l'initiative de porter pour la première fois de l'année qui de un short, qui de une jupe, qui de des tongs, qui de une cravate ; etc.
Éparpillés aux quatre coins de la France et de Navarre, la famille et les amis m'envoyaient quelques photos symboliques de ce changement de températures et de météo.
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Depuis Nevers
où les cerisiers étaient en fleurs...
Depuis Château-Chinon,
je sais pas ce que c'est que ce truc jaune,
mais c'était en fleurs aussi !
Tout comme cet arbuste
de couleur prune-mauve-lavande.
De son côté, François était à Lyon.
Non pas pour constater les belles couleurs
qui envahissaient les rues de la préfecture du Rhône
suite à un mouvement de grève des éboueurs...
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Photo : Joël Philippon
...mais pour mirer les arbres en fleurs du parc de la Tête d'Or...
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Pour sa part,
Aurélie s'arrêtait au milieu des ronds-points
pour constater l'éveil printanier
de la nature champenoise.
Je supposais également que,
comme chaque année à cette époque,
le bûcher de Jeanne d'Arc devait également
avoir de belles couleurs
suite à la montée des températures...
Quant à l'Île d'Yeu, chère au Maréchal Pétain,
le mimosa devait sûrement être en fleur
dans le jardin de cette maison
au nom si sympathique...
OUI : la couleur était partout !
Y compris dans les nouveaux dessins d'Axel, 4 ans 1/2,
qui a réalisé cette oeuvre pour mon cadeau d'anniversaire :
Couleurs encore en terrasse des bars montmartrois
d'où Céline m'envoyait un MMS à base de Michou
et sa traditionnelle veste bleue.
Sans oublier le long des routes
avec ces nombreuses affiches de vide-greniers,
lotos et autres manifestations
qui avaient disparu
durant les mois d'hiver !
Le tout sans oublier l'approche, chaque jour plus imminente (c'est con comme expression !), des élections présidentielles qui, par leur affichage parfois sauvage, ajoutait une touche colorée aux piles de pont, portes de transformateurs, pylônes électriques, cabines téléphoniques, arrêts de bus et autres panneaux d'affichages publiques ; mettant parfois une touche d'humour impromptue ou décalée...
Oui, les beaux jours étaient revenus.
Il faisait beau. Il faisait chaud. Un temps idéal pour aller à la plage. Si, si, si ! Déjà ! Oui, parfaitement ! Je n'ai pas aménagé dans le Sud-Ouest pour aller arpenter les rayons bio ou charcuterie à la coupe de Carrefour dès qu'il y a du soleil.
Je fais mon sac de plage, mêlant pèle-mêle (c'est con aussi comme expression ça !) serviette de bain, tongs, crème solaire, bouteille d'eau et magazines. Je monte dans la voiture. Je mets la musique adéquate qui sent le soleil...
Je démarre. Je roule... Mais où je vais aller au fait ?
Ben oui parce que c'est bien beau de vouloir aller à la plage, mais où ?
Pays basque ou Landes ? Landes ! Il me faut du beau sable fin, et non du granulé de chantier.
Landes sud ou Landes nord ? Landes sud avec ces grandes étendues.
Je gardais un excellent souvenir d'Huchet, situé non loin de Moliet-et-Maa, à deux pas de Vielle Saint Girons. Enfin, tu vois bien quoi...
Ce n'est pas tout à fait un village ; ce n'est pas non plus un lieu dit. D'ailleurs, il ne figure sur aucune carte...
Oui, je vais aller à Huchet... si je retrouve la route sur laquelle le soleil, déjà, jetait ses rayons troublant l'asphalte noire goudron.
Après avoir traversé des hectares de pins pas en fleurs du tout, tout comme ces quelques palmiers dispersés d'ici de là dans les jardins de particuliers, j'arrivais au lieu dit "Pichelèbe". Pas d'excentricité par ici. Il s'agit juste d'un pont enjambant le courant d'Huchet, qui tente à cet endroit de se frayer un chemin aquatique entre racines d'arbres et marais.
Je gare la voiture. Je sors de la voiture. Je prends le sac de plage et je me lance le plus tranquillement du monde à l'assaut d'un petit chemin allant se perdre dans la forêt de pins séparant la route de l'océan, et donc le parking de la plage, et donc la voiture de Huchet !
Quelques mètres plus tard...
Huchet n'avait pas changé.
Les mêmes maisons abandonnées au sable
avec vue imprenable sur l'océan...
Ce même sable fin omniprésent,
recouvrant les hypothétiques chemins et terrasses.
Les mêmes maisons vides, fermées, désertées...
...rappelant de ces anciens villages désertés depuis la fin de la ruée vers l'or au XIXème siècle, dans le nord de l'Amérique, comme celle de Bodie, la plus connue, la plus touristique.
BODIE
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Photo : Amandine Durand, L'Internaute magazine
Un lieu pour se perdre, pour se dire que parfois les choses peuvent s'arrêter, un lieu où le temps n'existe pas. On pourrait peut être y trouver un de ces couples dont Gabriel Garçia Marquez parlent dans son roman "Pas de lettre pour le colonel"(1957)...
Depuis une quinzaine d’années, dans un petit village colombien isolé et pauvre, le colonel attend sa pension de retraite. Son existence est rythmée par cette quête passive de la justice, son dû pour services rendus à la grande muette et à la révolution. Tous les vendredis, il se rend à la poste dans l’espoir qu’arrive la lettre qui le délivrera de cette attente interminable et le récompensera de sa patience. En attendant, la misère est là et ne laisse pas de répit au colonel et à sa femme asthmatique. Il faut bien manger. Urgence de la faim et inquiétude du lendemain, inséparables de la pauvreté. Soucis pécuniaires et angoisse rampante, insidieuse. Les deux personnages font et refont les comptes dans leurs têtes ; anticipent sur d’hypothétiques rentrées d’argent, essayent d’estimer les biens de valeur et de les vendre comme ils peuvent. La lettre n'arrive toujours pas et le couple continue de se restreindre sur tout, toujours dans le moins. La pauvreté demeure, rongeant le quotidien, les pensées, les corps, les perspectives, la tranquillité. Comment s’en sortir ? C’est la question qui envahit leur vie. La femme asthmatique du colonel est un partenaire bien mal en point qui lui sert de soutien mais en même temps qui l’accable. Ces deux là ont en plus perdu leur fils récemment et ne se raccrochent plus qu’au coq de combat de ce dernier. Arrive alors ce dilemme : nourrir ce coq pour le faire combattre est-ce une question d’honneur ou de la stupidité alors que le vendre les soulagerait financièrement ?
Ici, à Huchet, rien ! Que le sable ! Les volets fermés ! On sent pourtant que des gens viennent de temps à autre combler ses maisons en bois. Sinon, comment cette façade aurait-elle été repeinte ?
Le vent soulevant quelques poussières tournoyantes ! Des oiseaux égarés venant siffler à proximité ta venue pour repartir aussitôt ! Que le bruit de l'océan et ses vagues incessantes ! Inquiétant ? Reposant !
J'avance dans le sable fin ; peut être suis-je chez des gens. Je ne sais pas.
Là, un panneau :
Suivons la direction indiquée afin de prendre le premier bain d'océan de 2012 !
Quelques mètres plus bas et plus tard, revoici cette longue et grande immense plage.
J'avance...
Personne non plus de ce côté là. J'avance. Des choses apparaissent devant moi...
Un troupeau de mouettes noires attendant le bus...
Ou était-ce une hallucination...
Une méduse orangée de bronzage...
Ou était-ce une hallucination...
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Une vue à perte de vue sur rien...
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C'est fabuleux le rien, finalement. Et qu'est-ce que le rien ?
Tu es seul avec ton esprit, tes pensées, ta connerie. Ton regard ne se concentre sur aucun détail, sur aucun tourment visuel, sur aucun repère factice et inutile.
Qu'est-ce que c'est reposant ! Un sentiment de douceur... Tu sais, de cette douceur dont Alphonse Gratry disait qu'elle était la plénitude de la force.
Ou encore ce qu'exprime Pinsonneault dans son livre "Les abîmes de l'aube" :
"Il y a des instants qu'on voudrait voir durer la vie entière. Cela tient à une scrète plénitude, à un mystérieux apaisement en nous de l'inquiétude, cette autre forme du désir."
AAAAh, il ne manque plus qu'un bar à Mojitos avec des fauteuils en soie diffusant de la musique Lounge, ou encore un supermarché qui ne vend que des Knackis, ou encore lààààà, une vasque avec une eau bouillonnante...
Oui, OK, je me casse !
Laissant là quelques empreintes de pas dans ce sable vierge...
...je regagne Huchet par la dune...
...puis le village isolé.
Puis la forêt de pins.
Puis le parking.
Puis la voiture.
Puis la route...
Force est de constater qu'il était encore trop tôt pour aller à la plage.
DANS NOTRE PROCHAIN EPISODE
Je ne serai pas surpris que cette fois-ci nous parliâmes enfin de Gavarnie pour de bon !