ARTZAMENDI (64)

11 juillet 2012

Dans l'épisode précédent, Jénorme et Siensienne s'en allaient découvrir ce que pouvait bien cacher la mystérieuse grotte du Saint-qui-Sue, située quelque part dans les entrailles d'une montagne proche de Bidarray.
Ceci étant fait, pourquoi ne pas continuer à déambuler sur le GR10 pour découvrir, cette fois-ci, non pas la grotte du Saint-qui-chante-du-Eddy-Mitchell-en-boucle, mais bel et bien Artzamendi, dite "la montagne de l'Ours".
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Riiiiioooooo Riiiiiiio Grandéééééééé....
Ah pardon !
Siensienne et moi-même laissons à présent la grotte du-Saint-qui-Sue derrière nous. Par moment, nous nous retournions afin de nous assurer que personne ne nous suivait..
Ben oui, que veux-tu : ces lieux aux noms étranges me foutent parfois un peu les boules. Je ne comprends pas toujours ces présences pseudo-divines. Comment se forment-elles et pourquoi ? Ont-elles un réel pouvoir ? N'est-ce là qu'une facétieuse interprétation de nos croyances ou de nos doutes quant à l'existence d'une force ou d'une forme divine qui tirerait de ci de là les ficelles des destins ? Hein ? Hein ? Hein ? Et si ce saint suait, pourquoi n'y avait-il aucune odeur de sueur ou de chaussette mal lavée dans cette grotte ? Hein ? Quelle lessive utilisait-il ? Hein ? Alors ? Bon ?

Oui, avec Siensienne...
Enfin, je ne sais pas si Siensienne se posait toutes ces questions
lorsqu'elle découvrait une flaque de boue sur le chemin...

Mais toujours est-il qu'avec ou sans Siensienne,
je me demandais si la face du monde aurait été changée
si Jésus s'était essuyé les fesses plutôt que le visage
avec cet intrigant Saint Suaire, exposé à Turin ?

Et Lourdes...
Imaginons un seul moment ce qui se serait passé si,
dans cette brave ville des Hautes Pyrénées,
un hamburger géant était apparu à Bernadette Soubirous
plutôt que l'Immaculée Conception ?

Imagine la physionomie des rues, des places et des quartiers. Des statues d'hamburgers géants partout avec la petite bergère à genoux devant...

Des millions d'Américains obèses
venant poser une bouteille de ketchup
devant la grotte transformée en fast-food.

Et que dire encore de cette étrange apparition qui eut lieu le 20 avril 2011 dans une pizzeria des Etats-Unis ?

Ou encore de cette autre forme apparue le 13 mars 2009 à une fidèle de l’église Cambuston dans les plis d’un tissu matelassé installé sur le dossier du prêtre...

Hein ? Hein ? Hein ?

Non, j'avais beau chercher, je ne voyais pas à quoi pouvait servir ce saint suintant là, au fond d'une maigre grotte. Et pourquoi était-il apparu ici et non au milieu du rayon boucherie-charcuterie du Leclerc de Lannion, situé à deux pas de cette magnifique côte de granit rose exposant de la façon la plus naturelle possible des rochers aux formes étranges, comme...

Tiens d'ailleurs, tu ne trouves pas que le dernier rocher ressemble un peu à D.S.K. ?

Mais revenonzanomoutons !

La grotte du saint-qui-sue, c'est fait !
Poursuivons ce GR10 qui, normalement, devrait nous conduire au sommet d'Artzamendi. Et qu'est-ce que c'était encore que cette étrangeté au nom démentiellement basque ?

Pour le savoir, il nous faut d'abord affronter les odeurs brulantes d'un écobuage récent...

Puis gravir des pentes sournoises et espiègles...

Emprunter un sentier toujours plus étroit à flanc de falaise...

Croiser des présences osseuses peu rassurantes...

...dominées par des oiseaux d'envergures inquiétantes...

Le tout par un dénivelé avoisinant les 556750 mètres... ou 546 m... je ne sais plus exactement !
Et là, enfin... une première étape !
Nous atteignons le col d'Espalza. Depuis l'étonnante plate-forme rocheuse naturelle située au-dessus du vide de ce ravin formant la frontière franco-espagnole., nous pouvons constater l'effort accompli...

Nous avançons un peu pour marquer une pause à hauteur de la bergerie de Zelhaiburu, située à 627m d'altitude... Oui, dit comme ça c'est pas bien haut, mais si tu compares cette altitude au fait que cela représente deux fois l'ascension de la Tour Eiffel... Hein, eh oh, alors bon !
Alors, bon, fiers de nous, nous nous sommes donc arrêtés un peu afin, entre autre, de réaliser un petit comparatif paysager.

Pendant l'écobuage...

Quelques semaines après l'écobuage...

Siensienne prend ses allures de chienne de berger,
surveillant un troupeau inexistant

...pendant que je scrute le sommet,
là bas au loin et au haut, d'Artzamendi.

Et nous repartons !
Bien sûr, il aurait plus facile de couper à travers champs puisque tout le monde le sait le plus court chemin entre deux points est la ligne droite. Mais non !
Vu qu'il faisait très beau et que le ciel qui n'en pouvait plus d'être bleu n'arrêtait pas de donner un impact vert des plus puissant aux étendues herbeuses qui nous entouraient, je décidais de contourner Artzamendi et ses antennes relais.

Nous redescendons alors dans un petit goulet où s'écoule un charmant ruisseau rafraichissant...

Puis nous remontons en longeant quelques bergeries solitaires avant d'atteindre un mini-sommet nous permettant de distinguer, à nouveau, cet étrange champ en biais...

Un arbre à la silhouette étonnante...

...nous conseille de poursuivre le chemin
nous menant dans un champ à chevaux sauvages...

Et c'est là que je pose la question : pourquoi Artzamendi s'appelle Artzamendi ? Hein ? Alors ?

Etymologiquement, Artza signifie l’ours et mendi, montagne ; DONC montagne de l'Ours... alors que nous n'y croisons que des chevaux et autres pottoks.
Y'a-t-il eu ici en des temps immémoriaux quelques présences de ces grands mammifères plantigrades ?
Je n'ai trouvé aucun renseignement à ce sujet. Artzamendi, "montagne de l'ours", ne semble jamais avoir connu la présence de cet animal sur ses pentes et son sommet s'élevant à 926 mètres ; sur lequel souffle, été comme hiver, un vent à décorner les boeufs ou à faire voler une escadrille de planeurs pendant trois semaines non-stop.
Par contre, lorsque les hivers sont rigoureux, il arrive que l’on trouve des cadavres de chevaux morts de froid. On pourra alors observer quelques vautours surveillant la montagne et attendant le départ des voyageurs.

Alors que trouve-t-on et qu'a -t-on découvert sur cette montagne de l'Ours ?

Photo : Docteur Jacques Blot
Tout d'abord, des sépultures protohistoriques à incinération avec enceinte circulaire de pierres (« cromlech »), datant du premier millénaire avant notre ère. On ne peut aujourd'hui expliquer précisément la fonction de ce type de monument. Certains chercheurs avancent l'idée de lieu de rassemblement culturel tandis que d'autres préfèrent l'idée d'un lieu d'observation des astres ou de la Lune. Certains auteurs vont jusqu'à postuler qu'ils étaient les marqueurs d'une géométrie mégalithique ancestrale. Cette dernière hypothèse est rejetée par la communauté scientifique.

Et puis, les cromlechs ont disparu pour laisser place aux émetteurs. Beaucoup furent démontés, car ils servaient à l’origine aux télécommunications avec le Portugal. Ils ont été supplantés par les satellites. Après le premier démontage, l’énorme masse d’antenne qui restait là-haut ne servait plus alors qu’à la communication maritime. Les satellites aidant, un second démontage de cette masse d’antennes fut effectué et il ne reste désormais, au sommet, que peu de vestiges de ces encombrantes installations.

L'autre particularité d'Artzamendi est de proposer un des plus beaux panoramas du pays basque. Une vision à 360° comprenant les côtes landaises, la Rhune, les plages basques, de Bayonne à Saint-Jean-de-Luz, quelques sommets pyrénéens et espagnols,...

EN CLAIR : le contournement du sommet commençait à être d'autant plus long que je ne parvenais plus à trouver un chemin ou un quelconque sentier nous permettant de rejoindre notre but ultime. Nous avons donc traversé des champs, des pentes, des buttes, des tas de caillasses, des flaques d'eau éternelles dans lesquelles baignaient des ossements et autres crânes d'animaux inconnus pour nous approcher au plus près de la route bitumée allant au sommet.

C'est là, à ce moment précis, pas plus tard, pas avant, pas après... que Siensienne marqua l'arrêt. Un arrêt de belle facture somme toute...

Mais qu'avait-elle bien pu pouvoir voir ? ,- tiens, mais quelle belle phrase -,
Un ours ? Le visage du Christ dans le ciel ? Un hamburger ? Eddy MItchell ?
Oh que noooooonnnnnnn !
Venus de nulle part mais bien décidé à faire chier leur monde, les nuages !
Incompréhensible ! Nous ne les avons pas vu venir !
Tout à coup, le ciel bleu disparaît dans un amas de nuages brumeux et rapides ! Le brouillard complet ! On ne voit plus à trois mètres ! Vent froid ! Humide !
Nous sommes passés d'une température de 35° à un bon vieux 12 !

"Le temps change vite en montagne !", qu'y disaient.
"Ah ben ouais, m'enfin eh oh là, quand même ! Premièrement une, nous ne sommes pas vraiment en montagne ; et deuxièmement deux, mais d'où viennent ces saloperies de nuages à la con ?!", pensais-je.
Plus de paysage ! Plus un bruit ! Nous continuons d'avancer pour atteindre le sommet que nous ne voyons pas. D'ailleurs, sommes-nous sûrs d'être encore sur la montagne de l'Ours ?

Et puis, soudain, surgissant du brouillard, une apparition...
Non, pas le Christ ! Non, pas l'Immaculée Conception !
Mais ceci :