CLIP DE MOUTONS ET LAC BLEU (64)
J'étais tranquillement en train de rouler sur une route qui me menait quelque part lorsque quand soudain, ne voilà-t-il pas...
Remettons-nous dans le contexte.
Les paysages défilaient. De ces paysages variés qui font aimer la route pour son éclectisme.
Océan, montagnes, petits villages, grandes villes, centre ville, maisons particulières, pont, marché, petits commerces, tunnel,...
Éphémères, soudains, passagers, aléatoires,...
SUR LA ROUTE...
Croatie, Volnay, Espagne, Indre, Cher, Saint-Pierre-le-Moutiers, Pont de Normandie,
pont de Saint Nazaire, A6, Vézelay, Beffes, Biscarosse, Utah Beach, Nièvre, Tartas,
Vichy, Soulom, Lahonce, Limousin, Sarrance
Dans le poste de la voiture, Nova diffusait un de ces concerts auquel la radio se rend parfois le vendredi soir. En l'occurrence, il s'agissait aujourd'hui de la rediffusion de La Nuit Zébrée qui avait eu lieu au Rocher de Palmer, à Cenon.
Une soirée qui avait mêlé plusieurs groupes, dont un que je ne connaissais pas du tout : Spitzer.
A l'origine, Spitzer est un télescope spatial, placé sur orbite le 25 août 2003, pour une durée de 2 ans, par la fusée Delta II de Boeing depuis la base américaine de Cap Canaveral. Son but Depuis son orbite héliocentrique, dos au Soleil, son but était d'étudier notamment la formation des étoiles et des planètes ; l'Univers tel qu'il était il y a des milliards d'années afin d'aider les scientifiques à déterminer la façon et le moment dont les premiers objets se sont formés, ainsi que leur composition.
Photo : L'internaute
Et puis, Spitzer est devenu un cocktail...
15 cl de vin blanc californien
5 cl de
Perrier
2 tranches de citron vert
2 glaçons
... que boit Le Conducteur dans le film Drive, réalisé en 2011 par Nicolas Winding Refn...
Ou encore un nom de famille juif très répandu.
Mais Spitzer, c'est aussi le nom d'un groupe de musique électro français, qui a choisi ce nom en rapport avec une réplique d'Al Pacino dans le film Donnie Brasco (1997).
Pur produit lyonnais, comme ces autres groupes dub-électro-drum-techno-house tels qu'High Tone ou encore The Hackers, Agoria, Oxia, Spitzer est composé de deux frangins, à l'écoute de Tool, Fugazi, mais aussi Michael Jackson et Björk. Musique aérienne et oppressante, sombre et limpide, froide et bouillonnante.
Le son collait parfaitement à la nuit tombante.
Une fois arrivé là où je devais me rendre, j'allais regarder sur Internet quelles images pouvaient venir soutenir et illustrer cette musique envoûtante.
Après deux bonnes minutes de recherche, voici...
Le groupe avait demandé à la réalisatrice Louise Hémon d'interpréter à sa façon le morceau. Et c'est la lecture qu'elle en a faite.
Ben ouais ! Tous ces moutons, ces montagnes, ces champs... il ne m'en fallait pas plus pour me donner envie de partir au lac Bleu !
Je reprends la route...
SUR LA ROUTE...
Un peu d'autoroute. Sortir à Tarbes.
Passage dans le Haut...
...avant de me retrouver bloqué au milieu d'une randonnée de rollers...
La barre des Pyrénées au loin semblait s'avancer comme pour affaler sa masse rocheuse à mes pieds. Plus discret, le sommet du pic du Midi de Bigorre (2877m) observait la plaine à travers les nuages...
Rapide passage par Bagnères-de-Bigorre, qui portait autrefois le nom de Vicus Aquensis...
C'est en 28 avant J.C. que les Romains découvrirent les eaux chaudes qui s'écoulaient du Mont Olivet. Aujourd'hui, le même nom est utilisé par un spa thermal : baignoire de balnéothérapie, douche à affusion, douche à jets, bain hydromassant, douche polysensorielle, espace détente, espace tisanerie, hammam, jacuzzi extérieur, lit massant, piscine intérieure, sauna, soins pour le corps, gommages, toboggan à vagues, lit trampoline, ski artistique, bassin à bulles d'hydrogène concentré, boite de nuit autobronzante, bal costumé aquatique, cours de ventriloquie avec boue sur visage, ski nautique sur rivière d'huiles essentielles, canyoning dans l'espace modelage du corps, golf avec des balles vertes,... mais qu'est-ce que j'raconte ?!
Continuons, continuons, continuons pour traverser le petit village de Campan, bien connu pour ses mounaques...
Autrefois, lorsqu'un homme de la vallée de Campan
se mariait en dehors de la norme, par exemple
un veuf qui épousait une jeune fille, il était l'objet
d'un charivari, manifestation de moquerie assez violente.
Le couple était représenté sous forme de poupées grossières,
les Mounaques (de l'occitan monaca, la poupée).
Pénétrons ensuite dans la vallée de Lesponne
et passons le petit village de...
...qui possède en son centre une...
Et là, au fond de la vallée, j'atteins le premier objectif :
le Chiroulet.
C'était le point de départ de la randonnée du jour,
dans les alpages pyrénéens.
Par contre, je ne suis absolument pas sûr
de l'intéret touristique et culturel
de la photo ci-contre.
LE LAC BLEU
Carte : Le Lac Bleu de Bigorre
Et là, tu me dis : "- Ouais OK mec, mais donnes-nous des chiffres bordel ! On veut des chiffres !!!!!!"
Pas de soucis !
LE LAC BLEU : DES CHIFFRES
Temps de la boucle complète environ 5h15 à 5h45.
Dénivelée : +1174 mètres puisque le lac Bleu se trouve à une altitude de 1950 mètres. Alors t'as qu'à voir !
121m de profondeur pour 51 hectares de superficie !
Depuis 1831, le lac est percé par une galerie afin de régulariser le débit de l’Adour et se trouve enchâssé au fond d'un petit cirque, où il est alimenté par des nombreuses cascades.
Et là, tu me dis à ce moment précis : "- Ouais d'accord, c'est bien tout ça, mais pourquoi ce lac Bleu s'appelle-t-il lac Bleu hein, toi qu'es si malin hein alors hein ?"
Eeeeeeeh bien, tout simplement parce que la couleur intensément bleu de ce lac est due à sa profondeur... 121 mètres, rappelons-le ; ce qui correspond, à peu près, à un tiers de la hauteur de la Tour Eiffel pour ceux qui aiment associer monuments parisiens et nature.
Pour le côté "je-vais-pas-mettre-que-des-photos-en-disant-que-le-lac-Bleu-c'est-beau !", notons que l'on trouve de nombreux lac Bleu dans la région ainsi que des lac Vert ou lac Noir.
Par contre, pas un seul lac rouge, ou rose, ou indigo, ou magenta, ou caca d'oie, ou amande, ou vermillon, ou parme, ou abricot, ou jaune fluo, ou beurre frais, ou chocolat, ou ébène, ou pinchard, ou queue de vache, ou... ouais, bon allez !
Avant de s'élancer sur les sentiers de prime abord abruptes, écoutons cette légende qui parfume de mystère le lieu où nous allons nous rendre...
LE LAC BLEU
La légende
Il y a très longtemps, à l'endroit où se trouve le lac Bleu, il y avait un village de riches bergers. Un soir, arrive un inconnu, un mendiant, qui va de porte en porte demander la charité. Mais les bergers, qui sont aussi riches qu'égoïstes, le chassent de leurs maisons, sauf un, pauvre, qui demeure dans une simple cabane à l'écart des autres habitations. Cet homme est tellement pauvre qu'il ne possède qu'une seule bête, mais il accepte de la sacrifier pour la partager avec son hôte. Le repas fini, ce dernier lui dit : « Ramasse les os et la dépouille de l'animal et place-les devant ta porte, puis allons nous coucher ». L'homme s'exécute et, le lendemain à son réveil, le mendiant a disparu mais il aperçoit un immense troupeau dans son enclos et, à la place du village, un immense lac.
Sur ces bons mots, il ne me restait plus qu'à partir vers les hauteurs, en longeant tout d'abord le ruisseau de Lhécou, soudainement pris d'une envie de cascade, là, dans cette forêt aux couleurs vertes dynamiques...
Une fois sortie des ombrages forestiers, la vue sur le sommet à atteindre se distinguait...
Mais je n'en étais pas du tout sûr finalement. Peut être était-ce un leurre ? Peut être que la direction que je devais prendre était ailleurs ? Peut être que tout ceci n'était que chimère et blanc bonnet ?
Alors, je grimpais, je grimpais en traversant la flore pyrénéenne, remarquant que, peu peu, je prenais une sacrée altitude...
Flore pyrénéenne Réservoir d'eau circulaire au loin
Et puis, tiens, d'un coup, comme ça, sans prévenir : je me retrouvais dans les nuages qui avaient eu la mauvaise idée de quitter le ciel pour venir s'écraser sur le sentier...
Petit à petit, les eaux de la rivière disparaissaient dans la neige...
Les randonneurs que je pouvais croiser arboraient des T-Shirts étranges...
...jusqu'à ce que je ne vis plus rien que de la neige !
Oui, vu comme ça, on pourrait croire à une de ces pistes de ski que l'on peut trouver été comme hiver dans un de ces hôtels de Dubaï.
Photo : Chez Maya
Mais non ! J'étais bel et bien en plein coeur des Pyrénées à une altitude de 1800 mètres environ et les 22° de tout à l'heure s'étaient évaporés dans l'obscurité brumeuse ambiante. Du coup, la randonnée prenait une toute autre allure.
Finis les paysages montagneux, les panoramas sublimes, la végétation luxuriante !
Bonjour neige, brouillard et température de 6° !
Il fallait continuer !
Je repensais aux sons de Spitzer qui m'avaient amené jusqu'ici malgré eux. Plus j'avançais, plus je montais, moins je voyais le rapport avec la musique entendue et les images du clip de Sergen. Pas un mouton ! Pas une montagne en vue dans le brouillard !
La pente était rude. Le souffle coupé, la gorge irritée, je m'époumonais..., comme chantait Alain Bashung dans "Angora".
Finalement, après 2H30 de marche, j'atteignais une ouverture dans la roche...
Et puis, et puis... LE LAC BLEU... peut être...
Ah ben merde !
Le Bleu intense, magnifique, sublime, dans son écrin de verdure, un des plus beaux lacs d'altitude des Pyrénées...
Oui, en ce jour et en cette heure, voire même à ce moment précis, le lac Bleu était gris.
Que faire ?
Trouver au plus vite un marchand de lunettes susceptibles de transformer les paysages en bleu ? Rebrousser chemin en disant que cette petite balade de 4 heures par un dénivelé de 1174 mètres à 300 bornes de la maison m'aura au moins fait prendre l'air ? Faire des photos du lac pour les envoyer ensuite à l'office du tourisme afin de montrer mon mécontentement quant au nom donné à ce lac ? Ou tout simplement, s'asseoir le cul dans l'herbe humide, se décapsuler une bonne bière et attendre que ce putain de merde à la con brouillard se dissipe ?
J'optais pour la dernière solution.
Une bière à la main, je prenais soin de m'instruire en observant la flore environnante...
Molène bouillon blanc Gentianes printanières
Rhododendron ferrugineux
...et en m'adonnant aux joies des mots croisés simples puisque l'altitude commençait sérieusement à me taper dans les tempes et empêchait toute profonde concentration...
Pendant ce temps, petit à petit, les nuages se divisaient pour poursuivre leur chemin un peu plus loin, laissant entrevoir alors un peu de ce lac Bleu bien compliqué...
Juste le temps de prendre ma tronche en photo devant ce paysage magnifique...
...et le Lac Bleu re-disparait dans la brume...
...pour prendre des allures d'Ecosse...
Bon... Ben c'est bien tout ça !
Et si j'allais voir le Lac Vert maintenant, que je me dis. Allez hop !
C'est reparti pour un petit quart d'heure de marche afin d'atteindre 2009 mètres d'altitude.
Une fois arrivé, attention, rien à voir !
Juste le temps de prendre ma tronche en photo (ENCORE !!!!) devant ce paysage sauvage, solitaire et silencieux...
...et la brume décidait de me rejoindre à nouveau...
Fait chier bordel de merde, y'a pas moyen d'être peinard à se foutre le cul dans l'herbe grasse à glander comme un couillon fourbu !
Juste le temps de prendre ma tronche en photo (TOUJOURS !!!) devant ce lieu devenu invisible, blanc et humide...
C'est ainsi que je décidais de redescendre dans la vallée pour mettre un terme cette randonnée qui, pourtant, s'annonçait belle et tranquille.
Une fois la voiture regagnée, il ne me restait plus qu'à allumer le poste et à écouter quelques notes de Calexico...
DANS NOTRE PROCHAIN EPISODE
Nous verrons vers quel paysage peut nous emmener ce groupe originaire de l'Arizona et dont la rythmique oscille entre mariachis, musique planante originaire et l'alternative country...