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LE VOYAGE DE JéNORME
LE VOYAGE DE JéNORME
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14 janvier 2014

KALININGRAD TOUR : Berlin - Ravensbrück (Allemagne)

Après avoir parcouru Berlin, en long, en large, en travers, en diagonal, de gauche à droite, de bas en haut sans toutefois avoir pu tout découvrir de la capitale allemande aux ressources multiples et aux intérêts variés, nous reprenons la direction du Nord. Car il ne faut pas oublier que notre objectif ultime est avant tout d'atteindre l'isthme de Courande.
Mais qu'allaient bien pouvoir nous réserver les routes allemandes ?
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

 

Il doit bien être 8 heures du mat lorsque un oeil, puis l'autre décident de s'ouvrir pour constater que Maître Arnaud et moi même, nous nous trouvons dans cette grande chambre à quatre lits de l'auberge de jeunesse 36 Rooms Hostel Berlin Kreuzberg, de la rue SpreewaldPlatz.
Tout est calme, comme le disait le titre de ce mini album de Yann Tiersen, sorti en 1999, où l'on découvrait qu'il n'avait pas de voix. Ça fait longtemps qu'on n'en a pas entendu parler de Yann Tiersen. Je me souviens l'avoir croisé à l'excellent festival "De Nevers à l'aube" en 1998. Il était venu donner un magnifique et prenant concert pour la sortie de son album "Le phare". Après la scène, nous l'avions invité à venir découvrir les joies et plaisirs du buffet agricole que nous avions organisé avec les artisans locaux. En pleine dégustation de poulets fermiers, fromages et autres vins locaux, Claire Pichet est venu l'engueuler pour retourner à l'hôtel. Ce qui était étrange dans ce moment de vie, c'est que l'homme était toujours calme, évasif et semblait manger pour la première fois de bons produits avec un plaisir certain. Je ne suis pas sûr de la pertinence de cette anecdote, mais elle est dite.

En tout cas, ce n'est pas avec...

yan tiersen le phare
la musique
de Yann Tiersen

 

 

Berlin, Lou ReedNi avec l'album "Berlin" de Lou Reed
qualifié d'album
"le plus mélancolique de l'histoire du rock"

 

 

 

...que nous quittons la capitale allemande.

Non, dans le poste-radio-CD de la voiture,
j'ai placé un peu de Tom Waits...

C'est la musique presque idéale pour reprendre la route et traverser, dans un premier temps, des paysages urbains et variés comme ceux de Berlin.
J'avais un de ses albums qui traînaient là, dans la boite à gants où on ne trouve jamais de gants, mais souvent tout un tas de trucs divers et variés. Par exemple, aujourd'hui, dans cette boite boite à non-gants, il y a une carte postale des Pyrénées, un plan de Budapest (je n'y suis pourtant jamais allé en voiture), une lampe frontale, un caillou (que j'ai du ramener d'un sommet ou d'un endroit dont j'ai oublié l'origine), un porte-clé "Talbot-Simca", un crayon au nom du coiffeur où j'allais quand j'avais 8 ans,...
Au dehors, derniers regards sur Berlin que nous traversons sans aucun problème de circulation et d'attente. La circulation est fluide. Vélos, piétons et voitures se partagent l'espace pendant que nous redécouvrons sommairement la ville. La Terre vue de la bagnole !

Tiens, nous passons à côté du mémorial du Mur...
IMG_2138

Tiens, nous traversons le Tiegarten,
où se trouve en son centre la monumentale Siegessäule (colonne de la Victoire)
que l'on retrouve également dans "Les ailes du désir" de Win Wenders.
IMG_2139

Nous arrivons dans la partie dite française de Berlin, située au nord de la ville. Des immeubles, des routes assez larges, pas grand chose à retenir ; et soudainement, c'est la campagne. de longues lignes droites bordées d'arbres. Nous prenons la direction de l'île de Rügen, mais avant de l'atteindre, je propose à Maître Arnaud de passer par Ravensbrück. J'ai bien tenté de le convaincre d'aller faire un tour à Sachsenhausen avant, mais il n'a pas voulu.
MAITRE ARNAUD : "- On ne va pas faire la tournée des camps de concentration comme Pascal Obispo fait la tournée des Zéniths !?!"

Oui, il a raison. Enfin, je voyais pas trop le rapport entre Obispo et les camps de concentration, mais bon. Peut être que pour Maître Arnaud, la musique du chanteur français se rapproche de... de... Ouais, j'en sais rien !
Peut être que Maître Arnaud est également inquiet de la tournure que pourrait prendre ce voyage. Surtout que je lui avais parlé du périple que j'avais réalisé avec Nick Canon en 2001 où nous avions construit un itinéraire qui nous avait amené à traverser plusieurs pays et à visiter des endroits comme :

              Le Struthof (France)
  Jénorme au Struthof
Seul camp de concentration français,
situé non loin de Schirmeck (67)

Dachau (Allemagne)               
Dachau, ancienne place d 'appel
Premier camp de concentration mis en place
par les nazis le 21 mars 1933.

       Theresienstadt (République Tchèque) 
                                    Photo : Tabibito
          terezin5

Endroit où les nazis réaliseront un film de propagande
"Le Führer donne un village aux Juifs"

pour contrecarrer les rumeurs d'existence
de camps de concentration.


Auschwitz (Pologne)                
Auschwitz 1, entrée du camp 1
Où officiait l'étrange et malsain Docteur Mengele.

                       Birkenau (Pologne)
        Auschwitz-Birkenau, le camp
Le plus grand camps de concentration. En cinq années,
plus de 1,1 million d'hommes, de femmes et d'enfants
meurent dans ce sinistre complexe (Auschwitz-Birkenau),
dont 900 000 immédiatement à la sortie des trains
qui les y transportaient. 90 % de ces personnes étaient juives.

Mauthausen (Autriche)                     
Mauthausen, nouvelle entrée du camp       
Connu pour être un camp d'extermnation par le travail
avec le redoutable escalier de la Mort.

 

Certains diront que cela a du être des vacances glauques. Certes, mais les vacances n'empêchent pas l'instruction et je ne pouvais me rendre en ces lieux à d'autres moments qu'en juillet-août. Bien sûr, j'aurais pu aller à la plage et bouquiner les livres référentiels au sujet du régime nazi et de la Shoah, mais j'ai voulu me rendre sur les lieux même des expériences et des assassinats perpétrés à une autre époque par un autre peuple.
Sans aucun malentendus, j'étais sinistrement fasciné par "l'incroyable inspiration" des nazis pour ridiculiser, anéantir et tuer d'autres êtres humains. Quelle incroyable débauche !

Mais, bon, eh oh :
on a vu d'autres choses aussi,
comme...

 

Le château de Neuschwanstein
fermé pour travaux !
Pas de bol !

       Château de Neuschwanstein
Et tout le monde croit que c'est ce château qui a inspiré le conte de Jean-Pierre Perrault... Charles Perrault, "La belle au bois dormant", alors qu'en fait, c'est celui d'Ussé en Indre-et-Loire ! Eh oui, par contre, c'est bien ce château qui aurait donné l'idée aux architectes des parcs Disneyland de construire le même pour représenter leur logo.


L'horloge astronomique de Prague en panne !
                        Pragues, devant l 'Horloge astronomique                         
En plus, nous n'étions pas allés voir celle de Munich en nous disant que celle-ci serait 20 fois mieux !

   Une rue de Katowice en Pologne !
       Katowice, ma voiture dans la rue
Oui parce qu'après le reste du temps, on l'a passé à l'hôtel à boire des Guiness en regardant une émission de télé française (je sais plus laquelle) qui diffusait un reportage sur Rémy Bricka, traversant l'océan Atlantique sur des rameurs.
Tu te souviens de Rémy Bricka ? Hein ? Hein ? Hein ? Mais si !

Allez :

Mais oui, bien sûr ! Eh bien, ce gars là, incroyable, formidable, comme dirait Charlie Oleg, à qui Stromae doit tout !
BREF : ce gars là était dans la télé, en Pologne, en train de traverser l'océan Atlantique sur des rameurs !

Ben oui, c'est aussi le voyage : des moments où tu vas à un endroit pour visiter le plus grand camp de concentration qui ait existé et la veille, à l'hôtel, il y a une émission télé surréaliste.

rémy bricka
Photo : France 3

On continue ce périple passé.

La douane en République Slovaque ! 
   République Slovaque, frontière
Y'a sûrement d'autres trucs à voir là-bas,
mais nous, on a surtout vu ça !

La maison où Mozart composa Les noces de Figaro à Vienne...
Vienne, Figarohaus (maison de Mozart)                         
...ainsi que le carré des musiciens dans le cimetière Friedhofskirche
   où il ne fut surtout pas enterré !
                                 

Vienne, cimetière Zentralfriedhof, carré des musiciens                         

Les alpes autrichiennes
et leurs champs d'herbes vertes grasses intenses.

    La route du Romantisme (Allemagne)
 Oh putain, ça donnait envie de toucher
 des pies de vaches tout ça, tiens !         

Les pigeons et gondoles de Venise !   
Venise, baques et pigeons
  

Qui tombera le magnifique tube  
"Laisse les pigeons dans les gondoles à Venise".  

    Puis les champs de lavande provençaux...
    Sur la route
               Avec ses abeilles provençales.

Les rochers étranges de Castres     
castres 1          
Des fois, t'es là, tu regardes, tu mets les mains sur les hanches,
puis tu te demandes ce qui arrive à Dame Nature !

Et la Feria de Dax !
Dax, feria (40)

Eh oui, pendant trois jours, les gens se promènent dans la rue,
les bras levés en agitant un foulard rouge.

Incroyable non ? Cela fait penser à une secte,
un peu comme celle que l'on voyait dans "CocoBoy".

Hein ?

Tu te souviens de CocoBoy ? Hein ? Hein ? Hein ? Mais si !

Allez :

Mais oui, bien sûr ! Ah, quelle franche rigolade, hein ? ça n'a pas pris une ride, hein ? C'est pas comme l'humour de maintenant, hein ?


Bon, allez,

revenons en 2013 !

 

En ce 26 juillet 2013, nous passons à proximité de Sachsenhausen et nous ne nous y arrêterons pas.
Pour ceux qui connaissent Rémy Bricka et Cocoboy, mais pas Sachsenhausen, saches qu'ici, de 1935 à 1945, il y avait un camps de concentration nazi. L'entrée n'a pas changé ; ou du moins la grille d'entrée a été entretenue pour donner matière à photos-souvenirs, reprenant cette sentence typiquement nazi : "Le travail rend libre", légèrement empruntée au système concentrationnaire soviétique des années 1920.

SACHSENHAUSEN

800px-Entrée_Camp_Oranienburg

Photo : Wolfgang 26

"Oranienburg-Sachsenhausen dit « Sachso » succédait à l'époque au camp d'Orianenburg, ouvert en mars 1933 puis fermé en juillet 1934. Il est aujourd'hui aménagé en un musée-mémorial.
De 1936 à 1945, on estime que 200 000 personnes y ont été internées et que 100 000 y sont mortes.
C'est dans ce camp que Himmler installa son état-major et que l'inspection centrale des SS fit expérimenter ses méthodes d'extermination avant de les faire appliquer dans les autres camps.
En août 1941, un massacre de masse y a eu lieu avec l'exécution de plus de 13 000 soldats soviétiques, prisonniers de guerre.
En dehors des baraquements communs, le camp possédait des baraquements de détention destinés aux personnalités. Parmi celles-ci, on citera Georges Mandel et Paul Reynaud (politiciens français), Fritz Thyssen (baron de l'acier allemand), Kurt von Schuschnigg (ancien chancelier d'Autriche), Francisco Largo Caballero (chef du gouvernement de la République espagnole au début de la guerre d'Espagne) , Iakov Djougachvili (fils aîné de Joseph Staline), Salah Bouchafa (résistant algérien), ou encore Georg Elser, dont nous avons parlé ici, dans un précédent billet.
Fin avril 1945, le camp fut libéré par l'Armée rouge. De nombreux prisonniers étaient morts entre temps au cours de l'une des nombreuses marches de la mort. Il restait environ 3 000 survivants au camp dont la moitié de femmes. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le camp de Sachsenhausen fut occupé par les Soviétiques, qui y internèrent des petits fonctionnaires du régime nazi et des opposants au régime communiste de 1945 à 1950. On estime à 12 000 le nombre de morts lors de cette période, dus essentiellement aux épidémies et aux mauvaises conditions de détention." WIKIPEDIA

 

Comme noius n'y allons pas, nous continuons notre route par Löwenberger Land...
Ah oui, c'est intéressant comme nom. On pense de suite à une sorte de mélange de parc d'attractions et de bières. Un parc d'attractions à base de manèges ayant pour support commun la bière : le Space Bière, Mousse Land, Big Thunder Choppe, Pirates of the Caribibine, Peter Pan éthylique, Alice au pays des Galopins, La Binouse au bois dormant,...
C'est également ici que nous faisons une pause supermarché pour nous ravitailler en pain, jambon et salami. Oui, du salami ! Quand on me parle "nourriture allemande", je pense à kartoffel (pomme de terre), Wurst et salami. Car il faut le savoir : le salami n'est pas né en Italie, mais bel et bien en Allemagne, et plus précisément dans le Mecklembourg, dans le nord-est de l'Allemagne, non loin de la frontière polonaise.

SALAMILes Lombards, peuple germanique venu de la Baltique, en seraient les inventeurs et auraient emporté avec eux leur procédé de fabrication jusqu'en Hongrie puis en Italie, lorsqu'ils ont émigré vers le sud au VIe siècle et envahi le nord de l'Italie à partir de l'an 568. Le salami était autrefois fabriqué, en faisant sécher à l'air dans une peau, des morceaux de porc et du sel. Il est décliné aujourd'hui sous différentes formes selon les pays, plus ou moins aillé et assaisonné d'épices et de fines herbes, parfois avec du piment ou du poivron, et parfois cuit ou fumé avant d'être séché. Certains salamis ne contiennent plus de porc, mais du boeuf.


Courses pour pique-nique faites, nous reprenons la route en passant par Gransee. Comme son nom l'indique (Grans = "bec" ou "pic" et See ="eau", ou "terre entourée d'eau"), c'est ici que débute la région dite des lacs, tout simplement parce qu'il y a beaucoup de lacs et étangs aux alentours. Pas grand chose à signaler si ce n'est que nous avons pique-niquer dans un chemin complètement quelconque en bord de route avec aucune vue.
Quelques kilomètres plus tard, nous passons dans l'ancienne station thermale mecklembourgeoise de Fürstenberg-sur-Havel. Google maps nous indique que nous sommes cette fois-ci cernés par de multiples petites et moyennes étendues d'eau. A une autre saison et à une autre époque, cette région était également appelée "La petite Sibérie, un glacis de lacs environné de terres marécageuses, de dunes et de plages de sable blanc, d’îlots de bouleaux cendrés, balayés par le vent et la neige." (Le camps des femmes, de Christian Bernadac).

google maps
Carte : Google maps

Nous contournons une de ces étendues d'eau avant de nous enfoncer dans la forêt. On n'aime pas trop s'aventurer dans les bois lorsque nous savons que nous nous dirigeons vers un lieu autrefois redouté et malsain.
Nous coupons la musique. Une route composée de pavés émet un violent son de braillement au contact des pneus. Tiens, un tank ! Après deux ou trois kilomètres, nous parvenons au parking du camps de concentration de Ravensbrück.

 

RAVENSBRÜCK

DSCN0511

La première fois que j'ai entendu parler de ce camp, je crois que je devais être en primaire. Mon école était jumelée avec une autre qui se trouvait en plein centre de Nevers, boulevard Victor Hugo. Hormis le fait de se trouver à deux pas du couvent Saint-Gildard où repose Sainte-Bernadette Soubirou, la femme aux 18 apparitions, la spécificité de cette école est de s'être installée dans l'ancien siège de la gestapo. Une plaque est apposée sur le bâtiment à la mémoire d'une institutrice neversoise, Lucette Sallé, qui fut déportée à Ravensbrück...

Plaque Nevers Ravensbrück

Je ne comprenais pas trop de quoi on parlait. Trop jeune. Mais, plus tard, on me reparla de cette femme et de ce camp, dont la première particularité est d'avoir été réservée aux femmes.
Himmler acheta ce lieu dit « Ravensbrück » (pont des corbeaux) en 1936. C’est la SS qui fit construire en 1938 le camp de concentration de femmes de Ravensbrück, par les détenus du camp de concentration de Sachsenhausen. Il était prévu pour 5 à 6000 détenues. Les premières déportées y arrivèrent en mai 1939 (Allemandes, Autrichiennes, détenues de droit commun et prisonnières politiques, témoins de Jéhovah et juives) en provenance du camp de concentration de Lichtenburg.
Mais à la fin de l'année 1942, la population carcérale est passée à 10 000, pour atteindre plus de 45 000 en janvier 1945. Parmi elles, des enfants arrivés avec leurs mères juives ou roms, ou nés sur place. Leur nombre augmente considérablement entre avril et octobre 1944. Une première vague est composée d'enfants tziganes amenés avec leurs mères après la fermeture du camp rom d'Auschwitz, suivie par les enfants polonais du ghetto de Varsovie après l'échec de l'insurrection, puis par ceux du ghetto de Budapest à la suite de la fermeture de ce dernier. La plupart meurt de dénutrition.

Le camp de concentration pour femmes fut constamment agrandi jusqu'en 1945. Un secteur industriel doté d'ateliers de fabrication fut aménagé dans l'enceinte du camp et, toujours jusqu'en 1945, plus de 70 camps-annexes, dans lesquels des détenues de Ravensbrück furent soumises au travail forcé dans les mines de sel et usines d'armement allemandes, virent le jour à travers le Reich.

 

Ravensbrück
Détenus au travail forcé dans le camp de concentration de Ravensbrück, entre 1940 et 1942.
Photo : US Holocaust Memorial Museum

 

Entre 1939 et 1945, environ 132 000 femmes et enfants, 20 000 hommes et 1 000 adolescentes furent immatriculés comme détenus à Ravensbrück. Ils étaient originaires de plus de 40 nations différentes. Parmi eux se trouvaient des Juifs ainsi que des Sinits et des Roms.
Des dizaines de milliers de détenus furent assassinés, moururent de faim, succombèrent aux maladies ou aux expérimentations médicales.
La surpopulation fut terrible. Sur 10 000 françaises déportées à Ravensbrück, 8 000 sont mortes : de faim, de maladie, d’épuisement, sous les coups, par injection de poison ou gazées. En avril 1941, un camp pour hommes fut également construit et accolé au camp des femmes pour être placé sous la direction du même commandant.

Aujourd'hui il fait chaud, très chaud. Pas un bruit, comme l'exige ce lieu de mémoire et de supplice...  Ah, si, sur la gauche, là, y'en a qui gueulent et qui rigolent ! Ce bordel irrespectueux provient de ces grandes maisons où s'agitent des jeunes. Cela ressemble à des centres aérés. Ah ? Un centre aéré à côté d'un ancien camp de concentration nazi ? Bon... En même temps, pourquoi pas ? Mais quelles sont les activités proposées dans ce centre ? Vont-ils au mémorial tous les jours ? Imagine les animateurs : "Alors aujourd'hui, les enfants, nous allons faire une sortie... Ben oui, au camps, encore !" Ont-ils des activités saines ? Comment sont-ils occupés ? Comment sont-ils habillés ? Euh... ouais bon, j'arrête là !
Nous avançons lentement vers le centre d'accueil. C'est étrange comme impression de venir en ces lieux en tant que visiteurs volontaires alors que quelques décennies plus tôt, venir ici était un cauchemar, une fin.
Nous entrons dans une grande pièce longue dont le sol est tapissé de parquet flottant. Plusieurs ouvrages et photographies emplissent les murs et le lieu. Une femme est postée derrière un guichet. L'entrée au camp est gratuite, mais nous nous procurons un plan afin de comprendre et savoir ce que nous allons et pouvons voir.

Nous sortons du bureau d'accueil pour nous retrouver face à ces grandes maisons qui servent, apparemment, de centre aéré. Il s'agit d'un ancien lotissement SS. La disposition stricte des bâtisses fait penser à celle présente dans le film de Steven Spielberg "La liste de Schindler" (1993) lorsque le spectateur découvre le camp dont s'occupe le commandant SS Amon Göth (Ralph Fiennes).

ravensbruck auberge de jeunesseSon agencement reproduit la structure hiérarchique de la SS : il comprenait notamment quatre maisons individuelles réservées aux officiers supérieurs de la SS, dix maisons abritant chacune deux appartements pour les sous-officiers, ainsi que huit maisons dans lesquelles étaient logées les gardiennes du camp. Après la libération, le lotissement fut essentiellement réutilisé jusqu'en 1994 pour loger les membres de l'armée soviétique puis de la CEI. Les anciennes maisons des gardiennes abritent elles depuis 2002 le Centre International de rencontre de la Jeunesse-Auberge de jeunesse de Ravensbrück.
Photo : Huguette Gallais

 

     LA KOMMANDANTUR

Nous nous dirigeons à présent vers l'entrée principale du camp, entièrement détruite, puis reconstruite pour accueillir depuis 1984 les expositions principales du Mémorial. Auparavant, c'était là le siège de la Kommandantur, regroupant la direction SS et l'administration du camp. Le rez-de-chaussée abritait la "section politique" de la Gestapo e les bureaux de la censure, ainsi que la section "médecin du camp". A l'étage se trouvaient les bureaux du commandant et de son adjudant, le secrétariat de la Kommandantur, ainsi que d'autres services administratifs. Toutes ces pièces ont été réaménagées pour exposer photos d'archives, textes, dessins et objets ayant appartenus aux détenus.

Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_001   Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_007  Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_002

Le camp de concentration de Ravensbrück connut deux commandants.
Max Koegel, officier SS Hauptsturmfuhrer, commandant du camp de son ouverture le 18 mai 1939 avec le transfert de 867 femmes depuis le camp de concentration de Lichtenburg, jusqu'en aout 1942. Il dirigera ensuite le camp d'extermination de Majdanek à côté de Lublin puis du camp de concentration de Flossenbürg. Il mettra fin à ses jours en prison, après sa capture en Bavière en juin 1946.
Fritz Suhren, officier SS de la Schutzstaffel, commandant du camp d'aout 1942 à avril 1945. Sa politique fut d'exterminer les femmes par le travail, les mauvais traitements et le moins de nourriture possible. Il mit des prisonnières à disposition du médecin d'Himmler le Docteur Karl Gebhardt pour des expérimentations médicales, et des stérilisations de Tziganes. Après s'être échappé des mains des Américains et une longue fuite, il fut capturé en 1949, jugé par un tribunal militaire français, puis fusillé, à côté de Baden-Baden le 12 juin 1950.
À côté du personnel masculin, environ 150 femmes SS sont assignées à la surveillance des détenues. L'autre particularité du camp de Ravensbrück est d'avoir formé plus de 4 000 surveillantes (Aufseherinnen) avant que celles-ci ne soient envoyées vers d'autres camps de concentration nazis.
Lors des différents procès après guerre qui eurent lieu pour juger ces femmes-gardiennes et tortionnaires, les juges posèrent souvent la question à ces femmes devenues de vraies bêtes agressives et violentes : "Pourquoi ?"
L'une d'entre elles, Herta Boethe, formée à Ravensbrück, puis envoyée au Stutthof (où les détenues l'appellèrent "La sadique du Strutthof"), répondit lors d'un entretien en 2004 :
"Que voulez-vous dire, j'ai fait une erreur ? Non ... Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à ça. Ai-je fait une erreur ? Non. L'erreur a été que c'était un camp de concentration, mais que je devais y aller, sinon j'y aurais été enfermée. Cela a été mon erreur." ("Nazi she devils", 21 novembre 2005, Miror News )

Une autre figure des plus perverses formée à Ravensbrück fut Maria Handl.

MARIA HANDL

Maria_MandelNée le 10 janvier 1912 à Münzkirchen en Autriche et exécutée par pendaison le 24 janvier 1948 à Cracovie en Pologne, Maria Handl fut gardienne dans différents camps de concentration nazis.
C'est en mai 1939 qu'elle intégra le camp de Ravensbrück avec d'autres gardiennes. Les mauvais traitements qu'elle infligeait aux détenues impressionnèrent favorablement ses supérieurs. Elle fut alors promue très vite au grade d'Oberaufseherin. Dans ce camp, elle supervisa les travaux quotidiens et l'installation des Aufseherinnen qui étaient sous ses ordres. Sous son commandement, les détenues subirent la loi de ces traitements cruels (des coups et du fouet).
En octobre 1942, Mandl fut mutée dans le Camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau et nommée SS-Lagerführerin. Là, elle fut surnommée par les autres « la Bête féroce ». Elle sélectionnait les détenues pour la chambre à gaz et participait aux mauvais traitements et humiliations. Surtout, elle prenait plaisir à sélectionner les enfants qui devaient mourir. Elle créa l'orchestre du camp d'Auschwitz.
Witold Pilecki résistant polonais déporté à Birkenau en donne le portrait suivant :
"Un des monstres les plus odieux de ce camp des femmes de Birkenau, est une garde travaillant depuis longtemps dans le camp, Mandl. Cette femme est la pire des sadiques qu’on puisse imaginer. Déjà dans le camp de concentration de Ravensbruck, elle était chargée du bloc correctionnel, elle a fait mourir de faim beaucoup de femmes et d’enfants. Cette femme pensait aux pires sanctions et pouvait sans mauvaise conscience regarder les femmes tomber et rester dans l’impossibilité de se relever sous les coups et les tortures qu’elle leur infligeait. Elle donnait systématiquement 25 coups de bâtons. À Birkenau elle est devenue la garde la plus ancienne et elle peut tranquillement laisser libre cours à son sadisme. Elle cherchait avec le plus grand plaisir les personnes à gazer et à punir. En général, ces sanctions n’avaient aucune raison d’être, juste parce que quelqu’un ne bougeait pas assez vite à ses côtés ou autres raisons de ce genre."
Mandl sera arrêtée le 10 août 1945 par l'US Army. Après avoir été interrogée sur ses activités dans les camps, elle sera extradée vers la Pologne en novembre 1946. Traduite devant le tribunal de Cracovie, un an plus tard (en novembre 1947), elle sera reconnue coupable et condamnée à mort. Pendue le 24 janvier 1948 à l'âge de 36 ans, ses derniers mots furent : « Vive la Pologne ».

Je continue à errer parmi dans les différentes salles, exposant chacune un univers. Vie des détenues, vie des surveillants, lettres, objets, dessins, écrits,...

Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_003   Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_004 Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_005    Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_008

Parmis ces détenues, Germaine Tillion :

Germaine_tillion"Germaine Tillion est maintenant à Ravensbrück. Elle y est arrivée en octobre 1943 avec le statut de NN (Nacht und Nebel). Elle n’en connaît pas le sens sinon qu’elle constate que les NN françaises sont regroupées, qu’elles ne partent pas en transport et qu’elles n’ont droit ni à la correspondance sur carte réglementaire ni à aucun colis. Elle n’a pas besoin qu’on lui explique qu’elle est destinée à disparaître parce qu’elle le constate d’elle-même. A l’automne 1944, elle estime l’espérance de vie de ses semblables à 2 ou 3 ans, à condition qu’elles échappent aux « scarlatines, typhoïdes, diphtéries et fluxions de poitrine », et qu’elles « se débrouillent pour ne pas travailler ». Elle ne connaît pas l’expression « d’extermination par le travail » (Vernichtung durch Arbeit) qui a fait l’objet d’une directive conjointe du chef de la SS Himmler et du ministre de la Justice en septembre 1942 et qui visait certaines catégories de prisonniers, mais elle voit le processus à l’œuvre sur l’ensemble des détenues. Le système de terreur institué par la faim, le manque de sommeil, le travail exténuant, les punitions cruelles, humiliantes, parfois imprévisibles et souvent mortelles, et surtout les assassinats de toutes sortes, réduisent la détenue à une condition qui « n’a rien de commun avec celle de l’esclave antique ou le serf du Moyen Âge », écrit-elle sur place. Ce n’est pas tellement de la perte de leur liberté que souffrent les détenues, mais de l’immersion dans un « Autre Monde »." HISTOIRE ET POLITIQUE

Pendant son internement au camp, elle écrit, sur un cahier soigneusement caché, une opérette Le Verfügbar aux Enfers. Les « Verfügbar » (de l'allemand verfügbar : disponible) sont ces déportées qui, non comptées à l'effectif des kommandos (équipes de travaux forcés), passent leurs journées à se cacher pour échapper aux corvées. Dans cette opérette, Germaine Tillion mêle, à des textes relatant avec humour les dures conditions de détention, des airs populaires tirés du répertoire lyrique ou populaire.
Grâce à une mise au Revier (infirmerie-mouroir) et à des complicités, Germaine Tillion échappe à un transport à destination du camp de Mauthausen. Des négociations entre Heinrich Himmler et le diplomate suédois Folke Bernadotte permettent à un certain nombre de détenues de Ravensbrück, dont Germaine Tillion, d'être transportées et soignées en Suède

Une autre détenue, arrivée au camp en août 1944, montre la même résolution de poursuivre le combat :
"Au soir de mon arrivée, dans la vision macabre de cette première nuit devant les « douches », après avoir contemplé le défilé des bagnardes rentrant de l’abominable travail, après avoir été dépouillée de tout objet, de tout souvenir, de tout chiffon qui nous rattachât au monde extérieur – de tout, sauf de ma croix de Lorraine –, j’entendais, en moi, comme une obsession, comme un écho lointain, le mot de la première résistance : « L’Espérance doit-elle disparaître ? Non. » L’espérance, c’était de pouvoir rester fidèle à la Patrie toujours en guerre, de demeurer partout l’ennemi de ses ennemis et non pas seulement leur victime.»
Bluette Morat réussira à échapper au travail en se cachant de block en block, dans ce qu’elle appellera le « maquis de Ravensbrück ». Mais lutter dans un système de terreur crée des cas de conscience pour les individus rebelles, soit parce que des représailles peuvent s’abattre sur le block entier, soit parce qu’en écartant une menace, on la déplace sur d’autres détenus. Le système de responsabilité collective allié à celui de l’extermination ne laissait aucun acte libre sans conséquences. Il en résultait d’innombrables débats, au sein même des résistantes, entre les « raisonnables » et les « réalistes » d’une part, et celles qui menaient le front du refus. Bluette Morat elle-même, si attachée qu’elle fût à la «mystique du 18 juin», le dit sans détour : « Les discussions, à vrai dire, furent multiples, éternelles, lancinantes." 
HISTOIRE ET POLITIQUE


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Ravensbrück, dessins et objets, juillet 2013_009

Objets et dessins réalisées par les détenues

Après être passé dans toutes les salles pour suivre l'histoire du camp et regarder les différents écrits-photos-objets des déportées, je sors de l'ancienne Kommandantur pour me retrouver au milieu du "camp des détenus".

 

     LA PLACE D'APPEL

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Maître Arnaud errant sur l'ancien site des baraquements en 2013

Ravensbrück, baraques
Vue extérieure sur les baraques, entre mai 1939 et avril 1945
Photo : US Holocaust Memorial Museum

 

La place d'appel... C'est ici qu'étaient regroupées les nouvelles arrivantes, comme en fait part Jacqueline Pery d'Alincourt dans son témoignage sur la déportation.

"Les jours, les nuits se succèdent indistinctement. Je suis à peine consciente quand soudain notre convoi s'arrête. Les portes s'ouvrent avec fracas, nous sommes débarquées au milieu de nulle part. Fürstenberg. De ce lieu nous ne savons rien. Nous nous mettons en route sous les hurlements des gardiens accompagnés de leurs chiens qui tirent sur leur laisse, aboyant, montrant leurs crocs. Les coups pleuvent. Nous arrivons à la porte du camp. Cet enfer a nom Ravensbrück, dans le nord de l'Allemagne, vers la Baltique. Nous le saurons plus tard. L’angoisse nous étreint. Il fait nuit maintenant. Nous allons rester debout jusqu'au matin, pétrifiées de froid. Les gardes et leurs chiens omniprésents nous empêchent de franchir les limites assignées. Le lendemain nous devons nous déshabiller. C'est la première fois. Nous sommes dépouillées de tout ce qui rattache à la condition humaine. Vêtements, alliances, les quelques livres que nous avions pu sauver, les plus modestes souvenirs, lettres, photos, tout est confisqué. L’une ou l'autre est tondue au hasard. Nues, parquées, serrées les unes contre les autres, toutes générations confondues, nous allons passer aux douches. Nous évitons de nous regarder. Il faut attendre des heures, immobiles, avant de recevoir la robe rayée de bagnarde, apprendre par cœur en allemand le numéro qui nous est attribué, le coudre sur la manche. Nous n'avons plus de nom. Je deviens le numéro 35243. Un triangle rouge doit être également cousu au-dessus du numéro. Il indique notre catégorie: nous sommes « les politiques » .Maintenant complètement dépouillées, nous allons être enfermées trois semaines dans un block de quarantaine. Nous nous levons à trois heures et demie du matin et sortons pour l'appel qui peut durer des heures, debout dans le froid de l'aube, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. Quand la sirène retentit marquant la fin du supplice, nous rentrons au block, mais l'espace où nous sommes confinées est si restreint que nous ne pouvons jamais nous asseoir. A côté, le dortoir est vide. Nous ne sommes pas autorisées à y rentrer avant la nuit. Les épidémies se déclarent. Lune d'entre nous va mourir: la première.
Après cette période d'isolement, nous sommes intégrées dans le fonctionnement général du camp. Je rejoins mon amie Geneviève de Gaulle, nièce du Général. Pendant plusieurs mois nous allons partager la même paillasse. Jusqu'à son départ pour la prison du camp, nous nous soutiendrons mutuellement autant que possible. C'est dans cette farouche détermination à nous aider les unes les autres que nous allons trouver la force de ne pas nous laisser abattre par l'épreuve de tous les instants."  SURVIVRE A RAVENSBRÜCK

(Extrait du livre de François Berriot, Témoignages sur la Résistance et la Déportation. Autour de Jacqueline Pery d'Alincourt, L'Harmattan, 2008)

C'est ici aussi que chaque matin avait lieu le "recensement" de la population détenue ainsi que la distribution des punitions.
Les prisonnières de Ravensbrück faisaient l'objet d'abus permanents, battues, astreintes au travail et assassinées lorsqu'elles n'en étaient plus capables, pour un acte de rébellion ou sans raison particulière.
Jusqu'en 1942, les prisonnières jugées inaptes au travail étaient tuées par balle. Elles étaient ensuite transférées à Auschwitz et vers d'autres centres d'extermination. Plusieurs furent exécutées à l'infirmerie du camp par injection létale.
Certaines détenues se souviennent avec effroi d'une surveillante du camp, portant le nom de Dorothea Binz.

DOROTHEA BINZ

dorothea Binz"Envoyée à Ravensbrück le 1er septembre 1939, elle travailla dans différentes parties du camp, y compris la cuisine et la lessive. Plus tard, elle supervisa le bunker où les femmes prisonniers étaient torturées et tuées. Sa violence a été plus tard décrit comme inflexible. Elle aurait ainsi battu, giflé, coups de pied, coup, fouetté et piétiné plusieurs détenues. Des témoins ont déclaré que quand elle apparaissait sur cette place d'appel chaque matin, "le silence tombait de manière insoutenablement pesante". Elle se présentait face aux détenues un fouet à la main, accompagné d'un berger allemand. A chacune de ses apparitions, la population du camp savait qu'une détenue serait sélectionnée pour être battue ou mise à mort.
Binz avait un petit ami dans le camp, un officier SS nommé Edmund Bräuning. Les deux amoureux faisaient parfois des "promenades romantiques" à travers le camp en regardant en riant les détenues se faire fouettées. Ils vivaient ensemble dans une maison à l'extérieur des murs du camp jusqu'à la fin de 1944 jusqu'à ce que Bräuning soit transféré au camp de concentration de Buchenwald.
Fuyant la fin de la guerre et la débâcle nazis, elle sera capturée le 3 mai 1945, à Hambourg par l'armée britannique. Jugée quelques mois plus tard, elle sera reconnue coupable de crimes contre l'humanité et sera pendue le 2 mai 1947 à Hamnel., la veille de la pendaison d'une autre criminelle de guerre et surveillante de Ravensbrück, Greta Bösel." (Sources : Les femmes Camp: Les Auxiliaires femmes qui ont aidé les SS dans la course le système nazi de concentration camp,p.42)

 
Les détenues portaient un triangle coloré selon leur catégorie, une lettre au centre indiquant leur nationalité : rouge pour les prisonnières politiques, jaune pour les juives, vert pour les criminelles de droit commun, violet pour les Témoins de Jéhovah, noir pour les Tziganes et les prostituées, etc. Certaines ont le crâne rasé à l'arrivée, ce qui n'est toutefois jamais le cas des aryennes.
Les détenues françaises emprisonnées ici étaient pour la plupart des résistantes. C'était le cas de Simone Souloumiac.

simone souloumiacSIMONE SOULOUMIAC
Née le 13 août 1923, Simone Souloumiac entre en résistance dans le réseau Charette en 1942. Elle est chargée d’acheminer les armes et les explosifs parachutés par le SOE (Special Operations Executive) de Londres pour la Résistance. L’une des activités du réseau consiste à faire sauter les voies ferrées et le matériel roulant. Sous les traits d’une jeune voyageuse « innocente », Simone participe au transport des armes, à leur stockage et à leur distribution.
C'est à la suite d'une des ses missions que le 11 février 1944 (suite peut être à une dénonciation), la police allemande fouille son appartement et trouve les armes. Déportée à ravensbrück le 18 avril 1944 dans des wagons à bestiaux, elle retrouve son amie, Suzanne Hiltermann, et partegera la même paillasse, qui jouxte celle de Geneviève de Gaulle et de Jacqueline Péry.
Après avoir survécu pendant une très longue année, soutenue par l’annonce du débarquement d’abord, de l'arrivée prochaine des armées russes ensuite, elle est sauvée par les miraculeux « Bus blancs » du Comte Folke Bernadotte qui l’emmènent à Göteborg. De là, elle revient à Paris où son père l’accueille à l’hôtel Lutétia.
Comme pour beaucoup de résistants, son retour en France est un peu "décevant". Son mari Robert Join, l'homme qu'elle aime, est porté disparu. Elle découvre, qu’après avoir survécu à Auschwitz et Buchenwald, il est revenu et s’est épris d’une autre femme. Elle est confrontée aux tracas administratifs. On la dote d'un grade dans l’armée française, puis est démobilisée pour raisons de santé. Ses poumons sont en mauvais état. On lui donne une pension pour invalidité - au taux de 70 %.
La France veut mettre son passé entre parenthèses. Les budgets publics sont exsangues. Il faut arrêter les règlements de compte. La guerre est finie. Il s’agit de reconstruire. Après l’horreur qu’elle a vécue, Simone ne se décourage pas. Elle s’inscrit à la faculté de droit au Panthéon, mais les enseignements théoriques des professeurs de droit ne parviennent pas à retenir son attention. Elle part en Angleterre. Mais la vie y est difficile. Elle retourne en Allemagne. A Baden-Baden où elle devient journaliste.

 

Au milieu de ce grand espace autrefois occupé par de nombreux blocks (ou baraques ou baraquements), la direction du camp dut faire construire d'urgence des baraques d'infirmerie sur trois blocks. A partir de 1944, les conditions d'hygiène ne cessait d'empirer avec le surpeuplement croissant. De nombreux détenus furent atteints par le typhus, la diphtérie, la tuberculose et la gale. Peu à peu, ces blocks se transformèrent d'avantage en mouroirs.

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Emplacement du camp des détenues et place d'appel

Au fond de cette immense espace se trouvaient le secteur industriel et les ateliers de couture. Le premier regroupait les détenues assigner à coudre les vêtements des futurs détenues, ainsi que des uniformes pour la SS. Les seconds étaient composés de huit halls de fabrication reliés les uns aux autres. Construits en 1942, ils abritaient l'un des centres principaux de travail forcé.
Toujours au fond, derrière les arbres, le camp des hommes était à part. 20 000 détenus y furent internés entre 1941 et 1945. Ils furent essentiellement utilisés pour les travaux d'agrandissement du camp, mais d'autres furent internés ici par manque de place dans d'autres camps. On peut citer l'exemple de...

 

EWALD-HEINRICH VON KLEIST
eDWALD hEINRICH VON KLEIST

Grande figure de la résistance contre le nazisme et la folie furieuse d'Adolf Hitler, Ewald-Heinrich von Kleist est né le 10 juillet 1922 à Schmenzin (Pologne). Il était le dernier protagoniste vivant de l’attentat manqué contre Adolf Hitler en 1944 par des officiers de la Wehrmacht à Rastenburg (dans l’actuelle Pologne).
Avant le 20 juillet, plusieurs tentatives avaient vu le jour, mais sans jamais connaître d'aboutissements.

Claus Schenk Graf von Stauffenberg, le lieutenant Fritz-Dietlof Graf von der Schulenburg, le lieutenant von Kleist et le capitaine Axel Freiherr von der Bussche-Streithorst voulaient tuer Hitler le 11 février en faisant exploser une bombe lors d'une présentation d'uniformes dans la Wolfsschanze, le "Rempart des loups", le quartier général d'Hitler.

 

 Claus Philip Schenk       Sch-Schulenburg-Fritz-1-OLtn         Axel_Freiherr_von_dem_Bussche-Streithorst

 

 

 

Von der Bussche était prêt à dissimuler l'explosif dans la poche agrandie de son pantalon, à déclencher le détonateur et à se jeter sur Hitler pour l'empêcher de fuir jusqu'à l'explosion. Il devait utiliser un détonateur de grenade avec un mécanisme de retardement de 4,5 secondes qui était bruyant, mais il pensait pouvoir couvrir le bruit en faisant semblant de tousser pour s'éclaircir la voix. Il avait également un long couteau caché dans sa botte, au cas où le détonateur ne fonctionne pas. L'attentat échoua, car la présentation d'uniformes ne put avoir lieu, étant donné que le matériel à présenter avait brûlé dans le train qui le transportait lors d'un bombardement allié.
Le 11 mars, Claus Schenk Graf von Stauffenberg et son entourage chargèrent le capitaine de cavalerie Eberhard von Breitenbuch de tuer Hitler à coups de feu lors d'une réunion au Obersalzberg, où von Breitenbuch, en tant qu'officier d'ordonnance, avait l'une des rares opportunités de pouvoir approcher le dictateur. Mais l'attentat échoua en raison des mesures de sécurité renforcées : en dernière minute, il fut décidé d'interdire la présence des officiers d'ordonnance.
Claus Schenk Graf von Stauffenberg voulait faire un attentat à la bombe contre Hitler dans la Wolfsschanze le 6 juillet, mais ni Hitler ni Göring ne purent venir.
Enfin se présenta l'occasion tant attendue pour l'attentat !
Pour supprimer le Führer, le choix des résistants s'est porté sur le charismatique colonel (et comte) Claus von Stauffenberg. Ayant perdu une main (et deux doigt d'une autre) ainsi qu'un oeil en Afrique du Nord, cet officier de cavalerie aux convictions profondes est déterminé à aller jusqu'au bout. A l'origine favorable aux nazis, il a basculé dans la résistance après avoir pris conscience du désastre absolu vers lequel ils conduisent l'Allemagne. Son poste, hautement stratégique, devait lui permettre d'avoir accès personnellement à Hitler. Néanmoins, ses mutilations rendaient impossible l'utilisation d'une arme à feu. Il lui fallut donc se résoudre une fois de plus à un attentat à la bombe.

PLAN salle attentat HitlerSur les deux bombes que Stauffenberg emporte ce jour-là, il ne parvient qu'à en armer une seule qu'il dépose aux pieds du Führer dans une mallette. Manque de chance cette dernière est repoussée machinalement par un officier derrière un épais pied de table. Cela et l'aération du baraquement en bois (qui va atténuer l'effet de souffle) sauve la vie du Führer qui ne souffrira que de blessures superficielles (bien que la bombe tue quatre  personnes, en blesse gravement sept autres). cependant, en voyant l'explosion ravager les baraquements, Stauffenberg est convaincu de la réussite de l'attentat, ce qu'il fait savoir aux conspirateurs à Berlin.

Rapidement Walkyrie se met en place dans une capitale où la confusion règne. Si la nouvelle de l'attentat es très vite parvenue dans le quartier gouvernemental, un flou artistique règne encore sur son issue. Hitler est-il mort ? Gravement blessé ? Est-ce là un coup des SS de Himmler ou des Soviétiques ?
Tout cela aurait pu profiter aux conspirateurs, mais ils ne parviennent pas à couper les communications entre Rasenburg et Berlin. Résultat : le général Fromm apprend vite qu'Hitler est vivant et se retourne contre les conjurés. Afin de se couvrir, il ordonne l'arrestation de Stauffenberg, Olbricht et leurs collaborateurs qui après les brèves échauffourées sont exécutés sommairement afin qu'ils ne parlent pas.
Le lendemain, Hitler reprend la main avec un discours radiodiffusé où il affirme qu'une "clique d'officiers d'une stupidité crimnelle" a tenté de le supprimer.

après l'attentat contre HitlerS'estimant sauvé par "la Providence", il promet d'anéantir toute opposition subsistante. A cet égard, l'échec de Stauffenberg condamne la résistance allemande à une impitoyable répression, organisée de main de maitre par Himmler, le chef des SS.
Ce sont 5000 personnes qui vont être arrêtées dans les semaines suivantes. Militaires, mais aussi civils, ils constituaient un ensemble disparate d'opposants potentiellement dangereux pour le régime. Nombre d'entre eux sont condamnés à la peine maximale, pendus à des crocs de bouchers lors d'exécutions filmées pour l'exemple...

En ayant pu mettre fin au IIIème Reich, les conjurateurs n'auront paradoxalement que renforcé le caractère totalitaire. Après le 20 juillet, l'armée est mise au pas. Le salut nazi y remplace le salut traditionnel. Himmler prend la tête de l'armée de réserve et l'endoctrinement politique atteint des sommets jusque là inégalés.
Plus grave encore, nombre de militaires choqués que des camarades aient pu se résoudre à un assassinat, rejette désormais tout esprit de contestation. Une attitude qui trouve un écho inquiétant a sein d'une population qui a "tremblé" pour son chef. Dans ces heures difficiles, où l'Allemagne se prépare à défendre son propre sol face aux avancées de l'Armée Rouge, l'action des conjurés apparaît d'autant plus à contre-courant du sentiment majoritaire.


Ewald-Heinrich von Kleist avait été emprisonné au Bendlerblock à Berlin, où avait été mis au point l’attentat et qui sert aujourd’hui d’annexe du ministère de la Défense, avant d’être envoyé au camp de concentration de Ravensbrück, en Allemagne.

En 2010, lors de la commémoration annuelle de cette tentative d’assassinat, Von Kleist avait expliqué que la motivation principale des conjurés était de «vouloir mettre fin aux crimes épouvantables» du nazisme. L’échec de cet attentat a reporté de près de dix mois la fin du IIIe Reich et alourdi considérablement son bilan de millions de victimes, juives, allemandes, soviétiques et alliées.
Von Kleist était le dernier protagoniste de l'attentat contre Hitler en vie. Il est décédé le 13 mars 2013."

Sources : HISTOIRE POUR TOUS , LIBERATION et LE LIGNARD

 

Je longe cette immense place composée de gravier noir instable en passant devant ce qui était auparavant un bâtiment à un étage, qui abritait la cuisine des détenus et une salle de douche. Cet endroit n'existe plus, mais il reste gravé dans la mémoire de nombreux survivants : les détenus y étaient soumis au moment de leur arrivée à une procédure d'enregistrement humiliante.

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Je continue d'avance sous un soleil de plomb dont la chaleur rebondit sur le gravier noir. J'arrive maintenant à hauteur du bâtiment cellulaire, surnommé "bunker" par les détenus, faisant partie intégrante du système pénal en vigueur dans le camp.
Lieu à part tout de même. Noir et sombre, son architecture intérieure invite au silence...

 

     LE BÂTIMENT CELLULAIRE

"Le bunker" comportait 78 cellules aujourd'hui faisant office de musée. Dans chacun des cellules, un univers et un hommage aux victimes de tous les pays du globe.
L'établissement cellulaire fut le premier bâtiment en dur construit en 1939 dans le camp des détenus. Cette maison d'arrêt, qui ressemblait à une prison normale, était un rouage essentiel du système pénal concentrationnaire.
Outre les motifs de punition définis dans le règlement officiel du camp, les détenus se voyaient confrontés à un dédale inextricable de prescriptions informelle dont la transgression était sévèrement punie. Le commandant du camp pouvait condamner au cachot, clair ou obscur, au pain sec et à l'eau, avec un châlit en bois ou encore sans aucune possibilité de s'asseoir ou de s'allonger. Il pouvait aussi ordonner la bastonnade qui était appliquée dans le bâtiment cellulaire, une fois obtenue l'autorisation du Reichsführer SS, Heinrich Himmler.
Dans les premières années du camp de Ravensbrück, il n'était pas rare que l'envoi au cachot ne fut en réalité qu'une condamnation à mort camouflée. A partir du milieu des années 1942, avec l'exploitation croissante des détenus dans le secteur de l'économie, la SS avait adouci les conditions d'incarcération, afin de ménager la main-d'oeuvre concentrationnaire.

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Parmi les premiers détenus du bâtiment cellulaire se trouvaient environ 400 femmes témoins de Jéhovah qui, le 19 décembre 1939, avaient refusé d'accomplir des travaux de couture pour l'armée. Dans les années qui suivirent s'y trouvaient surtout des détenues politiques ou de prétendues "associales" en détention préventive ou mises aux arrêts.
C'est ici que Geneviève de Gaulle-Anthonioz, résistante française, passa les derniers jours de son emprisonnement à ravensbrück. En octobre 1944, elle est placée en isolement au « bunker » du camp. Cette décision est prise par Himmler afin de la garder en vie et de l'utiliser comme monnaie d’échange. Elle a tiré un livre de cette expérience, La Traversée de la nuit, écrit cinquante ans après sa libération, en avril 1945, livre qui raconte sa vie en camp de concentration et l'entraide entre femmes.
Isolée dans le bunker du camp, souffrant de pleurésie, de scorbut, priant, se récitant des poèmes, organisant des courses avec les cancrelats de sa cellule, offrant un cadeau  à sa geôlière le jour de Noël !

"Pour le moment, je suis dans un bâtiment à l'intérieur du camp de Ravensbrück, appelé bunker. C'est une prison qui sert aussi de cachot. En ce cas il n'y a pas de couverture, ni de paillasse, le pain est distribué tous les trois jours, la soupe tous les cinq jours. La condamnation au bunker est accompagnée d'une bastonnade : vingt-cinq, cinquante ou soixante coups auxquels la détenue survit rarement. Nous savons tout cela au camp et aussi que des jeunes femmes, cobayes humains, ont subi dans ce lieu les horribles expériences du professeur Gebbardt. (...)
La porte s’est refermée lourdement. Je suis seule dans la nuit. A peine ai-je pu apercevoir les murs nus de la cellule. En tâtonnant je trouve le bat-flanc et sa couverture rugueuse et m’y allonge en essayant de renouer avec le rêve interrompu : tout à l’heure je marchais sur un chemin éclairé par la lune, une lumière si douce, si bienfaisante, et des voix m’appelaient. Soudain il n’y eut plus que le faisceau d’une lanterne, le visage effaré de notre chef de baraque, l’ordre rauque de me lever et l’ombre de deux SS. Cauchemar ou réalité ? Baty et Félicité, mes voisines de paillasse, se sont réveillées. Elles ont rassemblé quelques objets, dont mon quart et ma gamelle, m’ont aidée à descendre du châlit, m’ont embrassé. Quel sort m’attend ? Il arrive que les exécutions aient lieu ainsi la nuit.GENEVIEVE DE GAULLE

Au "bunker" se trouvaient également des détenus du camp des hommes et des femmes du "camp de protection de la jeunesse", situé dans le voisinage, à Uckermark.
En 1944, une commission spéciale de la Gestapo occupa certaines parties du bâtiment cellulaire pour y mettre des personnes, femmes et hommes, en détention préventive et des "détenus pour corresponsbilité familiale" accusés d'être en relation avec la "Teegeseeschaft" (invitation à prendre le thé) chez Elisabeth von Thadden ou la tentative de coup d'état du 20 juillet 1944. Ces détenus placés sous régime spécial bénéficiaient souvent de conditions de détention privilégiée, bien que certains fussent soumis à d'atroces tortures lors des interrogatoires.

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Cellule Italie                                                                           Cellule Bulgarie


Ici, la surveillance était assurée par des femmes. Jusqu'en août 1942, elles appliquaient même la bastonnade. Des hommes de la SS surveillaient les personnes, hommes et femmes, de la Section politique du camp, en détention préventive, et participaient également aux séances de torture lors des interrogatoires.
Des hommes de la SS et des surveillantes étaient également détenus ici, mis en détention préventive ou aux arrêts. Ils étaient placés en détention cellulaire isolée pour manquement à la discipline, souvent pour trafic illicite ou vols, mais certains aussi pour avoir voulu aider des détenus.

HERTA OBERHEUSER

herta Oberheuser"Née le 15 mai 1911 à Cologne (Allemagne), Herta Oberheuse a officié à Ravensbrück de 1940 à 1943 en travaillant sous la supervision du Dr Karl Gebhardt. Elle prit part aux expérimentations médicales nazies (utilisation de la sulfanilamide sur les os, les muscles et les nerfs) menées sur 86 femmes. 74 d'entre elles étaient des prisonnières politiques polonaises du camp. Elle fut responsable du décès d'enfants en bonne santé, causés par des injections d'huile et d'hexobarbital . Elle prélèvait ensuite des organes. Le temps d'injection des doses allait alors de trois à cinq minutes, la personne restait pleinement consciente jusqu'au dernier moment.
Coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, elle fut condamnée à 20 ans de prison. Elle fut libérée en avril 1952 pour bonne conduite et devient médecin de famille à Stocksee. Elle perdit son poste en 1956, après qu'une survivante du camp de Ravensbrück l'ait reconnue ; son permis de pratiquer la médecine fut révoqué en 1958. Elle décéda le 24 janvier 1978."


Cet endroit fut le témoin de châtiment particulièrement cruels.
Pour exemple, à partir de l'été 1942, des expériences médicales furent menées par le Docteur Karl Gebhardt sur au moins 86 détenues, dont 74 polonaises. La première série portait sur l'efficacité des sulfamides dans le traitement des blessés de guerre, la seconde sur la régénération des os, muscles et nerfs et la possibilité de transplanter des os. Cinq en mourront, six seront exécutées souffrant de blessures non guéries et la plupart des survivantes garderont des séquelles à vie.
En 1946, quatre de ces femmes-cobayes témoigneront lors du procès des médecins en 1946.
En janvier 1945, le même Docteur Gebhardt se livra à la stérilisation de 120 à 140 femmes tziganes en les soumettant à de fortes doses de rayons X. Celles-ci avaient accepté ces manipulations en échange d'être libérées après l'opération ; accord qui n'eut jamais de suivi. 

VERA SALVEQUART

Vera-SalvequartNée le 26 novembre 1919, elle fut arrêtée en 1941 pour avoir une relation avec un juif. Elle fut alors transférée dans une prison de Flossenbürg où elle officia pendant 10 mois en tant qu'infirmière. En 1942, elle fut de nouveau arrêtée pour une autre relation avec un Juif, ce qui lui valut deux ans en prison. Le 6 Décembre 1944, elle fut à nouveau arrêtée, puis envoyé à Ravensbrück, devenu un camp de la mort. En raison d'une pénurie de personnel de la SS, elle fut choisi pour superviser d'autres détenus en raison de sa formation d'avant-guerre comme une infirmière. Elle servit alors dans l'aile médicale du camp comme infirmière pendant son séjour. Elle supervisa le gazage de milliers de femmes tout en remplissant les certificats de décès pour les morts, après avoir inspecter leurs cadavres pour récupérer les dents en or de ces dernières.
En Février 1945, elle prit un rôle plus actif dans les tueries en empoisonnant les malades dans l'aile médicale pour éviter l'effort d'avoir à les transporter vers les chambres à gaz . En Avril 1945, Salvequart fut capturée. Lors des procès, elle déclara publiquement :
"Je me souviens que les malades n'avaient pas confiance parce qu'ils pensaient que je prenais part à l'assassinat de masse.
Je dois dire qu'à leur place, j'aurais eu la même impression. J'ai été enfermée sans interruption, ne pouvant aller nulle seul, et tout ce qu'ils savaient sur moi, c'est que j'avais vécu là où beaucoup de détenues avaient été assassinées. En outre, les prisonnières voyaient que lorsque j'entrais dans la salle de bain, des cris en sortaient comme si je participais à l'assassinat des détenues."
Pour sa défense, elle affirma qu'elle avait agi d'une manière bienveillante à l'égard des prisonniers. Elle estimait ainsi avoir sauvé des femmes et des enfants de la mort en substituant les numéros d'identification des femmes vivantes avec celles de détenues déjà assassinées. Elle affirma également avoir caché un enfant et lui avoir apporté de la nourriture et du lait. S
oupçonnée d'insubordination, selon elle, les SS lavaient menacé de l'envoyer aux chambres à gaz.
Au cours de son procès, Salvequart appela à la clémence quant à ses différentes pratiques de renseignements. Elle aurait notamment volé les plans des V2 produits dans le camp avant 1944 dans l'espoir de faire passer à la Colombie. Un sursis lui fut accordé, mais la clémence fut rejetée et le 26 Juin 1947, elle fut pendue par Albert Pierrepoint à la prison d'Hamelin à l'age de 27 ans.

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A l'approche de l'Armée Rouge, les SS évacuèrent la prison. Les libérateurs ne trouvèrent qu'un bâtiment vide. La prison jouait un grand rôle dans les procès contre le national-socialisme : au cours du procès de Ravensbrück qui se déroula à Hambourg en 1946 et 1947, trois des seize accusés, hommes et femmes, furent condamnés pour crimes commis dans le "bunker".

 

     LE MÉMORIAL

Ce qui est appelé "mémorial" à Ravensbrück comprend plusieurs lieux de recueillement : la chambre à gaz, le crématoire, le Mur des Nations, la sculpture "Tragende".
Je sors du bâtiment cellulaire pour atteindre un étroit couloir extérieur où trône un petit panneau avec texte et photo.

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J'y distingue une sorte de gros rouleau en pierre ; un objet que devait apparemment tiré les détenues pour niveler le sol. C'est de cet objet dont parle, il me semble, Jacqueline Pery d'Alincourt.

"Je suis affectée avec nombre de camarades de toutes nationalités à des travaux de terrassement. Nous partons le matin, pelle sur l'épaule, harcelées par les gardes et les chiens. Les conditions dans lesquelles Geneviève travaille ne sont pas meilleures. Ce sont des prisonnières qui à l'origine ont asséché les marais et construit le camp dans cette région désolée du Mecklembourg. Serons-nous attelées comme des bêtes de somme à l'énorme rouleau de pierre dont la seule vue jette l'effroi ? Nous le serons effectivement : il faut aplanir les rues du camp. Les journées sont de douze heures, avec une pause d'une demi-heure pour la soupe de midi. N'étant pas affectées à une tâche fixe dans un atelier, nous risquons d'être envoyées dans une usine de munitions. La perspective de fabriquer des armes contre nos alliés est insupportable. Par deux fois, je suis prise au cours d'une sélection et parviens à m'échapper. Un troisième départ va s'organiser. J'apprends que les « galeuses » ne seront pas prises. Je me donne l'apparence de la gale en m'écorchant tout le corps avec une épingle et en infectant méthodiquement les écorchures. Quand nous passerons la visite devant les S.S., nues comme il est d'usage, ma fausse gale sera parfaite et je serai renvoyée." SURVIVRE A RAVENSBRÜCK 

Je crois qu'il s'agit aussi de ce que le guide appelle le Couloir d'exécution. Les sources historiques ne permettent cependant pas de prouver qu'il a servi de lieu d'exécution ; l'espace étant muré à certaines époques. La supposition selon laquelle cet espace vide aurait servi de "couloir d'exécution" ou de "couloir de la mort" a trouvé sa source dans les témoignages de détenus faisant référence à des coups de feu entendus  proximité du crématoire.

RUTH NEUDECK (Née Closius)

Ruth-Closius-Neudeck"Née à Breslau (Allemagne) le 5 juillet 1920, elle arriva au camp de Ravensbrück en juillet 1944. Elle ne tarda pas à impressionner ses supérieurs avec son inflexible brutalité envers les femmes détenues. A la fin du mois de juillet, elle fut ainsi promue au rang de Blockführerin (surveillant de baraquement). Dans le camp de Ravensbrück, elle était connue comme l'une des pires gardiennes de sexe féminin. Geneviève de Gaulle, ancienne prisonnière française du camp, se souvient avoir vu Neudeck "couper la gorge d'un détenu avec le tranchant de sa pelle" ("L'aube de l'espoir", Geneviève De Gaulle-Anthonioz).
En Décembre 1944, elle fut promue au rang de Oberaufseherin et déplacé vers le complexe d'extermination Uckermark sur la route de Ravensbrück.
Là, elle s'investissa d'avantage encore malgré son jeune âge dans la sélection et l'exécution de plus de 5.000 femmes et des enfants. En Mars 1945, Neudeck deviendra chef du sous-camp de Barth.

Fin Avril 1945, voyant le vent tourner, elle s'enfuit du camp pour être capturée plus tard par l'armée britannique. En Avril 1948, elle fut accusée de crimes de guerre et exécutée par pendaison à la prison d'Hamelin, par le 29 Juillet 1948, alors qu'elle avait 28 ans."

 

Puis j'arrive face au crématoire et à la chambre à gaz.

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A l'origine, les corps des détenus morts au camp étaient incinérés dans le crématoire communal de la ville de Fürstenberg. Au printemps 1943, la SS fit construire un crématoire à l'extérieur du mur d'enceinte du camp. Le bâtiment fut agrandi à l'automne 1944.

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DSCN0537La chambre à gaz fut aménagée par la SS à la fin de l'année 1944. De 5 000 à 6000 détenus y furent assassinés entre janvier avril 1945. En 1991, une pierre commémorative marquant l'emplacement de la chambre à gaz a été déposée à la demande du Comité International de Ravensbrück.

 

 

 

 

Je longe maintenant un long mur sur lequel sont apposées plusieurs plaques de chaque pays rendant hommages à ses martyrs. C'est le mur des nations.

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Au milieu des années 1950, on commença à procéder au transfert de sépulture des corps des détenus morts au camp et inhumés dans différentes fosses communes après la libération du camp de concentration pour femmes. Un nouvel espace funéraire fut aménagé aux pieds de ce "Mur des Nations" et recouvert de rosiers.
Un peu plus loin encore, un autre espace fermé au public. Au mois d'août 1944, la SS fit dresser derrière ces barrières un tente dans laquelle furent entassés parfois plus de 4000 détenues.
Un peu plus loin encore, toujours inaccessible, l'ancien emplacement des 20 halls de production construits entre 1942 et 1944 par l'entreprise Siemens et Haslke. Ici, à partir du mois de décembre 1944, les prisonnières étaient logées dans des baraques à part et, juqu'à la fin du mois d'avril 1945, plus de 2000 détenues furent soumises au travail forcé, affectées à l'enroulement des bobines, à la fabrication d'appareils électroniques et à d'autres travaux de production au profit de l'industrie d'armement.
Je fais demi-tour pour passer devant la grande sculpture "Tragende" (litt. "Celle qui porte") de Will Lamment, faisant face au lac de Schwedt et situé au coeur de l'espace commémoratif du camp.

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Le camp fut libéré le 30 avril 1945 par l'Armée Rouge. Il ne restait que 3 500 femmes et 300 hommes non évacués, dont 2000 malades laissés sur place car ils ne pouvaient marcher.
Suite à un ordre d'évacuation émanant d'Himmler, le commandant du camp, Fritz Suhren, regroupa plus de 20 000 détenus  en colonne de marche forcée qu'il lança sur les routes en direction du nord du Mecklembourg. 7 500 autres détenus avaient été confiés à des délégués de la Croix-Rouge suédoise et danoise. Celle-ci devait évacuer ces rescapés vers la Suède, la Suisse et la France.
Toutefois, pour la majorité des femmes, hommes et enfants qui survécurent à la fin de la guerre, la libération ne signifia pas la fin de leurs souffrances. Beaucoup d'entre eux décédèrent dans les semaines, les mois et les années qui suivirent.
Du mois de mai 1945 à la fin du mois de janvier 1994, l'ensemble du site de l'ancien camp de concentration de Ravensbrück  -à l'exception de l'space commémoratif aménagé aux bords du lac de Schwedt - fut occupé par l'armée soviétique, puis par les troupes militaires de la CEI.

 

J'erre encore un peu dans le camp à la recherche de détails, de lieux, de récits que je n'ai pas vu à l'aller ; mais je vois Maître Arnaud piaffer là-bas un peu au loin, sur l'autre rive. Il est grand temps de partir. Bon, en même temps, on ne va pas passer notre vie ici ! Hein ?!
Nous regagnons donc l'entrée, le parking, la voiture. A côté de nous, un véhicule immatriculé dans l'Indre-et-Loire. Ah ? Je ne m'y attendais pas à ça. En même temps, de son côté, la personne responsable de ce véhicule a peut être été aussi surprise de découvrir à ses côtés une bagnole de plaque 58. C'est vrai que l'on en voit pas beaucoup dans la France, ormis en Nièvre et en Indre-et-Loire, des bagnoles immatriculées dans le 58 et le 36. Eh ben, vois-tu, si tu étais venu à Ravensbrück en ce 26 juillet 2013, tu te serais peut être dit : "Je comprends mieux pourquoi on ne les voit pas sur la côte Méditerranéenne ces bouseux de nivernais et de... de... Indrois-et-Loireux ! Ils préfèrent passer des vacances à Ravensbrück !"
Ah non, mais tu rigoles, mais tu sais, ça va vite les stéréotypes dans cette société aujourd'hui bouffer par l'overdose de moyens de communication ! Aaaah, ça met pas longtemps à te coller une étiquette sur la tronche, appuyée par des sondages à la mord-moi-le-noeud !
Bon, oui Ok, quittons ce lieu de mémoire et de martyr avant de lancer un gros scandale ! oh et pis en même temps, ça va ! Y'vont pas nous faire chier 200 000 ans avec leur shoah les Juifs là !? Et nous alors : la guerre de Cent Ans ! Et le débarquement en Normandie ! Et... Rien à voir ! Oui, c'est vrai. La Shoah, ou Solution Finale (rien que le nom déjà),ou Holocauste,  restera à jamais marquante par le nombre de victimes (5 750 000 morts), le traitement qui leur fut infligé et les méthodes toujours plus "innovantes" de la part du régime nazi pour anéantir l'être humain.

Nous quittons à présent le mémorial au moment où un grand tournoi de ping-pong semble être lancé du côté des auberges de jeunesse. Nous remontons la route en pavés jusqu'à atteindre la nationale. Au croisement, nos regards s'arrêtent sur un bâtiment à l'abandon. Il s'agit en fait d'un supermarché qui aurait du ouvrir ici en 1991, mais face aux refus catégoriques des anciennes déportées du camp encore en vie de voir la mémoire de ce lieu souillé par un grand centre commercial, le projet ne vit jamais le jour. Seuls restent ces ruines.

Allez hop ! Direction l'île ou presqu'île de Rügen pour atteindre un autre lieu "historique" : Prora.

 

DANS NOTRE PROCHAIN ÉPISODE

Il n'y a absolument pas de thématique suivie au cours de cette étape nous menant de Berlin à Prora, mais force est de constater que ce n'est pas vraiment joyeux. Toutefois cependant quand même lorsque, on ne peut pas tout le temps se marrer non plus.

 

 

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