LE SENTIER DU MOJITO, part 4 (64)

Putain, je croyais pas que ça allait prendre autant de temps et d'épisodes de parler de cette petite balade le long de la côte basque !!!!
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Ben oui quoi merde ! Je me disais que cela durerait deux ou trois billets avec quatre, cinq photos et on passe à autre chose, mais non ! Cela fait maintenant un mois que j'ai fait cette randonnée et je suis toujours en train d'en parler alors qu'il se passe tellement d'autres choses dans le monde, autour de nous, ici et là-bas, à côté, devant, au-dessus, en-dessous,
                                     ATTTEEENNNTTTION DERRRRRIIIIERE TOI !!!!!!

Tiens, par exemple, j'aimerai parler de cette visite d'un village abandonné en Espagne la semaine dernière en évoquant les nouveaux déboires de la SNCF qui a commandé des trains trop larges pour des quais trop étroits...

     
Dessin : Wingz

Mais je ne peux pas : il faut que je finisse ces billets sur le Sentier du Mojito !
J'aimerai échanger avec toi quelques impressions sur le plateau de Beille en débattant sur cette nouvelle méthode publicitaire...

   
Dessin : Stan Liquide

Mais je ne peux pas : il faut que je finisse ces billets sur le Sentier du Mojito !
J'aimerai te dire que samedi, c'est à dire demain, il y a Les Tambours du Bronx en concert à Orthez avec leur nouvelle tournée, "No control Tour 2014"...

 Mais je ne peux pas :
il faut que je finisse ces billets sur le Sentier du Mojito !

Alors reprenons !
Au bout de la jetée des Alcyons de Guéthary, suivre littéralement le Sentier du Littoral m'avait amené à rejoindre le haut d'une falaise pour redescendre de suite à proximité de l'océan alors qu'il m'aurait suffit de continuer tout droit pour atteindre le même lieu, c'est à dire...

15h54, GUÉTHARY : Harotzen Costa
Tout d'abord, en un mot commençant, disons-le clairement et sans arrière pensée : c'est une magnifique plage qui, à cette époque de l'année, et même si nous sommes à Pâques, est complètement désertée.
De prime abord, si on est un peu parano, cela pourrait être inquiétant.
On pourrait se dire : "Il y a peut être un concert de Madonna à Guéthary en ce moment d'où le fait qu'il n'y ait personne sur la plage en ce moment.", ou encore "Il doit y avoir un nuage toxique qui est passé au-dessus de cet endroit et je ne suis pas au courant.", ou encore "Quelque part, sous le sable, est peut être cachée une bête énorme qui bouffe les randonneurs qui suivent le Sentier du Littoral".
Mais, heureusement, la présence d'un homme seul, allongé et immobile me rassurait. 

JEU

Retrouve où se cache l'homme allongé
et gagne ton poids en palourdes.

Il est bien là, le mec. Il profite des sacs et ressacs de l'océan pour faire la sieste, loin du tohu-bohu guéthariar.
Mine de rien, comme ça, au passage, j'avais fait le pari avec une amie que je placerai l'expression "Tohu Bohu" dans un des billets consacré au Sentier du mojito. Voilà, c'est fait, je suis bien content, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous demander d'où vient cette expression si peu usitée.

TOHU BOHU : "Présent en ancien français sous la forme toroul boorul (xiiième siècle). De l’hébreu ancien תֹ֙הוּ֙ וָבֹ֔הוּ, tōhū wābhōhū, noms que les livres hébraïques donnent au chaos primitif, à l’état confus des éléments qui précéda la création du monde. cf. moyen français tohu wabohu, allemand Tohuwabohu."

Ouais bon, on s'en fout ! Attention, et maintenant :

Et hop, la même photo de la plage de Harotzen Costa
avec un sale filtre !

Ouuuuaaaaiisss !
C'est cooooooollll les filtres !!!

M'étant fait avoir plusieurs fois, je décide maintenant de rester sur la plage. Non, je ne suivrais pas les panneaux qui me disent de remonter pour reprendre le sentier officiel du Littoral qui s'en va se perdre sur des routes bitumées à travers des quartiers résidentiels.

Je reste sur la plage !

Une seule trajectoire : la ligne droite ; même si il y a des rochers, même s'il y a de l'eau, même s'il y a des baleines, et surtout s'il y a un bar à Mojito !

Tout droit !!!

    

Et là, on ne peut marcher ici sans se poser LA question : "A quand date l'apparition du premier chien sur terre ?"
Non, c'est pas ça la question. LA question que l'on se pose quand on se retrouve ici entre Guéthary et Guéthary est : "Pourquoi les roches sont à ce point plissées enfin, c'est pas possible quand même de voir des plis comme ça mais dans quelle époque on vit ?"
Eh bien, tentons d'y répondre en lisant les panneaux du Sentier du Littoral, croisé quelques minutes auparavant.

LES ROCHES PLISSÉES DE GUÉTHARY,
POURQUOI ?

Les roches de la plage de Guéthary (appelées flyschs calcaires à silex) se sont déposées il y a environ 88 millions d'années (et des poussières) dans une mer profonde de plus de 1000 mètres par une succession d'avalanches sous-marines. Ces couches initialement horizontales ont été déformées il y a environ 40 millions d'années lors de collision entre les plaques continentales ibérique et européenne qui a conduit à l'édification de la chaîne des Pyrénées.

Des plis se sont formés alors que la roche était déjà indurée et enfouie. La surrection des Pyrénées a ensuite permis la mise à l'affleurement de ces roches plissées que l'on peut observer de manière spectaculaire sur les falaises de la côte basque.

Le plissement de la roche indurée induit la formation de fissures ouvertes sur la partie externe de la voûte du pli. La calcite se dissout dans les zones de plus fortes pressions et recristallise dans les zones de plus faibles pressions.

     

Je sais pas si on peut dire que c'est beau, mais en tout cas, comme on dit dans le Sud-Ouest : c'est tranquille ! C'est dépaysant aussi.
Pas une maison, pas un touriste, pas un surfeur. Juste quelques oiseaux apparemment étonnés de me voir passer au milieu des rochers. Et ils ne font pas de surf, contrairement à ce corbeau croisé l'autre jour, sur un toit, dans un pays où les gens ne parlent pas la même langue :

Oui, ici, à cet endroit précis, là, pas deux mètres plus loin, ou deux mètres plus tôt, ou un peu à gauche, ou à droite... NON, ici, le Pays Basque a des airs de Bretagne avec ces côtes déchirées et ces nombreux amas de pierres. Je sens l'air du large, iodé marin, associé avec quelques parfums d'algues séchées. Sur les rochers, quelques coquillages se sont déposés, tels des fossiles. Lorsque l'océan se retire, tu peux venir ramasser quelques bigorneaux attachés aux côtes. Mais :
1) Je ne suis plus sur le Sentier du Littoral et je ne sais pas où le récupérer.
2) Y'a pas un bar à Mojito dans les parages.

Quand soudain, j'arrive à Cénitz.

16h22, GUÉTHARY : Cénitz (Senix)
Je ne sais pas pourquoi, mais c'est à ce moment précis où je pose le pied sur la plage préférée de Frédéric Beigbeder que m'arrive dans la tête le refrain de la chanson de Gérard Lenorman, "Gentil dauphin triste".

"Moi le gentil dauphin
Je n'y suis pour rien
Je ne suis pas méchant tu le sais bien
Si tu me fais la gueule
Je vais rester tout seul
On va rater nos vacances d'été"

Il y a des choses comme ça, dans la vie, des fois, tu sais pas. D'autant plus que le nom qui me vient de prime abord en mémoire à la seule écoute du mot Cénitz est plutôt le prénom Phoenix.
Souvenons-nous, c'est le prénom que porte la jeune chanteuse jouant dans le film de Brian de Palma, "Phantom of the paradise" (1974), qui débutait aux sons de cette belle chanson, interprétée par Les Jus de fruits.

C'est marrant, mais ça n'a rien à voir avec la plage de Cénitz-Senix au demeurant.
DONC recentrons-nous un peu en citant les mots de Frédéric Beigbeder, tirés de son livre autobiographique publié en 2009 :

«De mon entière enfance ne demeure qu’une seule image : la plage de Cénitz à Guéthary ; on devine à l’horizon l’Espagne qui se dessine comme un mirage bleu, nimbé de lumière ; ce doit être en 1972, avant la construction de la station d’épuration qui pue, avant que le restaurant et le parking n’encombrent la descente vers la mer.»

Mais sais-tu, toi lecteur, quel évènement est à l'origine de l'écriture de ce livre ?

UN ROMAN FRANÇAIS, l'origine
"Le 28 janvier 2008 à Paris, Frédéric Beigbeder et un ami, l'écrivain Simon Liberati, sont surpris, penchés sur le capot d'une voiture, par une patrouille de police peu après 3 heures du matin dans le 8èmearrondissement de Paris. Dans les poches de l'écrivain, la police trouve deux sachets contenant l'équivalent de 2,6 grammes de cocaïne. Déférés au parquet de Paris devant le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, qui leur assigne une injonction thérapeutique, ils sont relâchés le surlendemain. À la suite de son interpellation et durant cette nuit d'emprisonnement qu'il supporte très mal, Beigbeder tente de lutter contre sa claustrophobie en se promettant d'écrire un livre et tâche de retrouver ses souvenirs, en particulier ceux de son enfance." WIKIPEDIA

Bon, moi, je te le dis comme je le pense : je ne suis pas bien fan de la plage de Cénitz, Senix, Phoenix, machin là. Y'a de la caillasse partout, tu peux pas plonger sans te fracasser la tête sur un rocher, le sable ressemble à un gros sable de chantier servant à faire du béton pour monter des tours de 350 mètres de haut, tel que...

Dessin : Stan Liquide

Je ne m'attarde pas et je retrouve le Sentier du Littoral qui, une fois de plus, m'amène sur des hauteurs insoupçonnées. Le chemin serpentent dans la flore jusqu'à parvenir à un panorama, agrémenté de divers panneaux.

Ces panneaux nous retracent pêle-mêle l'histoire de la pêche hauturière, de la pêche à la morue, des corsaires basques et de l'émigration des Basques.

LA PÊCHE HAUTURIERE
Gravures : Ecoless

Dès le XIVème siècle, la raréfaction des baleines
entraina les Basques à leur poursuite jusque
sur les côtes de Terre-Neuve et du Labrador,
souvent dans des conditions extrêmes :
climat rigoureux, piètre alimentation, camps de fortune...

Les Basques eurent, jusqu'à la fin du XVIIème siècle, le quasi monopole de cette chasse. Les techniques restèrent les mêmes pendant des siècles qu'il s'agisse de guetter, harponner, dépecer ou de fondre la graisse. Ils ont ainsi mis au point à peu près tous les instruments de la chasse moderne : harpons, lances...
En développant une technique de fonte du gras à bord, le Cibourien Sopite donna une plus grande mobilité aux baleiniers qui n'avaient plus besoin d'une infrastructure à terre.

Et là, tu me dis :
TU : "- Bon, écoutes mon p'tit Jénorme : je t'aime bien, mais tu vas pas nous parler de la pêche à la baleine à chaque fois que tu fais 200 mètres sur ce sentier du Littoral dont tu ne vois pas le bout ! Hein ? Parce qu'à ce moment là, il ne faut pas te plaindre que ta randonnée dure aussi longtemps ! Hein, alors, soyons sérieux !

Et là, vois-tu, je te réponds tout de go (hopla, deuxième expression placée !) :
MOI : "- Ah non, mais là attends, tu vas t'calmer tout d'suite j'te prie, hein, on est pas chez mémère là. Et si je parle encore de la pêche à la baleine, c'est parce que PIF PAF POUF enchaînement avec..."

LA PÊCHE À LA MORUE

En poursuivant la baleine, les marins basques ont rencontré d'immenses bancs de morues. Ils comprirent alors très vite les richesses et les potentialités des "Terres Neuves" dont ils exploitèrent les eaux, très poissonneuses dès le XVIème siècle. Le développement de cette pêche a donné un essor important à l'économie du Pays Basque.

Elle était pratiquée à partir d'une base située à terre, le bateau porteur servant de hangar à sel. La saison de pêche durait de mars à octobre, les bateaux emportaient des chaloupes démâtées, remontées sur le lieu de pêche, le matériel de pêche, le sel et les vivres.

Au milieu du XVIème siècle, s'est développée, en toutes saisons, une pêche errante sur les bancs de Terre-Neuve : la morue était salée à bord et non séchée.
Deux noms pour un seul poisson : cabillaud quand il est consommé frais, morue quand il est séché ou salé.
Très prolifique, il offrait une base alimentaire très importante à une Europe chrétienne qui observait 150 jours de maigre par an.
A partir de 1840, l'armement des navires et la transformation du poisson se firent à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 8 avril 1904, la France abandonna aux Anglais ses droits de préparation et de séchage de la morue sur la côte Ouest de Terre-Neuve. Elle y conserva cependant le droit de pêche.

BREF : tout ça pour dire que je quitte Cenitz-Senix.

Un dernier regard sur la plage...

Hein ? Ouais, c'est un peu quelconque comme regard, mais je suis pas fan de cette plage, j't'ai déjà dit !
A partir de ce moment précis, j'aurais pu emprunter le chemin officiel du Sentier du Littoral qui avait l'air bien parti une fois de plus pour monter je-sais-pas-où et redescendre un peu plus loin.

MAIS NON !

Paf ! Rien à foutre du chemin officiel du Sentier du Littoral ! C'est encore un coup pour arpenter le bitume en passant devant des belles baraques !
Non ! Moi, je m'en vais te longer l'océan, comme tout bon sentier du littoral qui se respecte ! Bon, je t'avoues que je me suis bien fait chier au milieu des caillasses, des rochers et des pierres qui glissent, mais bon, quelques minutes plus tard, j'atteins une autre crique.

16h54, ACOTZ
La configuration est ici différente. Alors que l'on peut atteindre la plage de Cénitz-Senix par la route, ici, à Acotz, il faut descendre une petite butte pour atteindre le sable. Un sable de belle facture, muni de quelques cailloux blancs vif, posés là sur ce bord d'océan retiré et encaissé.

Il est étrange ce mini-rocher au premier plan, non ? Il me fait penser à cet animal élu "animal le plus laid du monde" par la Ugly Animal Preservation Society et que l'on appelle blobfish.
Mon regard ne s'arrête pas là. Il faut voir plus loin, il faut continuer à avancer; Comem il n'est pas loin de 17 heures, je me rends compte que cela fait bien plus d'une heure que je n'ai pas bu un Mojito ou un Ti-Punch.
Mais si tu te souviens de ce qui était écrit dans le prologue de cette série intitulée "Le sentier du Mojito", tu te rappelles que c'est ici qu'est née l'idée de cette randonnée, sur une terrasse de bar dominant cette petite plage discrète en cette saison.

Et le bar en question, Le Bi Bam, ne se trouve pas très loin. Là-haut, sur la montagne...

Ni une ni deux ni trois ni rien du tout : je traverse la plage, je rejoins le chemin goudronné qui s'en va grimper à travers les commerces de cartes postales, de surf, de maillots de bain fermés en cette saison. Quelques quarts de seconde plus tard, la commande est passée, le Mojito est bien servi !

Plage, soleil, Mojito. En musique de fond, c'est Bob Marley. Cela me fait penser à cette collection de T-Shirt que l'ami Stanley Liquide a sorti pour cet été.

PLUS QUE 10 MINUTES À VIVRE
été 2014

Nommée "Plus que 10 minutes à vivre", cette ligne de T-Shirts été 2014 vient de sortir pour que vous soyez au top du top de la In-attitude.

  

Une ligne élégante provocante et sexy : qui osera porter ces T-shirts plus de cinq minutes??
Aucun des modèles n'a réussi à porter (arborer?) ces T-shirts en Amérique du Sud plus de vingt minutes !!! Feras-tu mieux ?

Beau défi !
Je me laisse aller sur cette belle terrasse. Le son des vagues au bas. Quelques oiseaux furtifs et curieux passent à hauteur d'yeux.
Je me demande combien de petites plages-criques secrètes je vais encore croisées lors de cette randonnée. Un petit coup d'oeil sur Google Maps par satellite me donne une idée de la configuration de la côte basque dans les environs d'Acotz.

Photo : Google Maps

Je feuillette inconsciemment ce calepin Rhodia orange qui m'accompagne partout en permanence. Je tourne les pages écrites au hasard de rencontres, de moment de solitude, d'idées soudaines. C'est une sorte de cadavre exquis. On y croise des numéros de téléphone inconnus... Et si j'appelais pour voir ? Il y a aussi des phrases ramassées à différents endroits, comme "Je suis désolé de t'avoir blessé en te traitant de con ; je pensais que tu le savais déjà." ou "Nous allons atterrir à Tokyo. A l'heure locale, nous sommes demain."
Il y a aussi des légendes urbaines inventées, comme celle sur la rue de la Folie à Château-Chinon. Tiens, une liste de films à voir et à revoir. Les nouveaux chemins de pèlerinage, comme Saint-Jack-l'éventreur-de-Compostelle. Des anecdotes sur le Lac de Lhurs. Comment dit-on Mojito en russe ? МОЙИТО ! Un horoscope inventé, avec la mention Capricorne : "Oh chouette ! Aujourd'hui, de l'herpès !". Un dialogue du film "Buffet froid" de Bertrand Blier. Des nouvelles activités à créer pour l'été, comme "L'accroball", mélange d'Accro-branches et de Paintball...
Oh putain, ça m'emmène un d'ces coups tout ça, là ! Cela doit venir des nombreux kilomètres parcourus depuis ce matin ! Ces montées, ces descentes, ces remontées, ces redescentes, ces re-remontées, ces re-redescentes... Et la musique du bar, mêlée aux vagues...

BON EH OH !
FAUT PAS DORMIR !

Putain, pour un peu, c'est qu'on serait bien ici. Pour un peu, on resterait bien plus longtemps en commandant un second Mojito. Pour un peu, on en aurait bien rien à foutre du reste.

MAIS NON !

Il faut continuer ! Il faut reprendre la route ! Le chemin ! Le sentier ! Je sais plus.

DANS NOTRE PROCHAIN ÉPISODE

Si tout se passe bien, ce devrait être le dernier épisode de cette fabuleuse série interminable "Le sentier du Mojito".