Un peu d'Erquy (22)

Comme nous l'avions dans un billet précédent, c'est en août dernier que Mélanie et moi-même avions décidé de nous rendre en Bretagne afin de passer quelques jours dans un hôtel de bord de mer que nous avions repéré du côté de Brignogan-plages.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Mais pour atteindre Brignogan-plages, il fallait déjà partir du pays basque, puis de la Nièvre. Le trajet étant un peu long, nous avons décidé de faire une pause à Erquy, capitale de Saint-Jacques. Problème : quand nous sommes arrivés en août, ce n'était pas la saison. Eh oui, la saison de la Saint-Jacques à Erquy, c'est d'octobre à mai.

SOUVENONS-NOUS !

Lors du précédent billet, nous avions traversé des villes et des villages aussi variés que Vierzon, Thenioux, Noyer-sur-Cher, Montrichard, Amboise,... tout ça quoi ! (cf : De Nevers à Erquy).
Après quelques 600 kilomètres de routes, nous arrivions à Erquy, pile poil à l'heure de l'apéro.

Pour l'occasion, nous avons trouvé un bon hôtel, La Table de Jeanne, avec vue imprenable sur la bière... sur le petit port mignon choupinou d'Erquy, ainsi que sa baie.

Le restaurant a également su recyclé les bouteilles de vin
pour en faire des luminaires originaux au-dessus des tables.

BREF : parlons un peu d'Erquy, tiens.

ERQUY

Station balnéaire et port actif, Erquy a plus d'un charme dans son sac... oula, c'est pas très beau ce que j'écris là.
REPRENONS.

Erquy est donc un petit village portuaire charmant des Côtes d'Armor (ce qui signifie "Côtes du pays de la mer" ; jusqu'en 1990, le département était appelé "Côtes du Nord"), sur les bords de la sortie de la baie de Saint-Brieuc.
Erquy est un démembrement de l’ancienne paroisse primitive de Pléneuf. Mentionnée dès 1167 sous le nom de «parrochia de Erque» dans les chartes de l’abbaye de Saint-Aubin-des-Bois (Anc. év. III, 39). Le bourg d’Erquy se construit au XIIème siècle, autour de l’église et d’une motte féodale. Il ne cessa ensuite de changer de nom jusqu'en 1790. Son nom proviendrait du gallois "argae" (barrage) ou de l’ancien breton "argeen" (haie).
Particularité d'Erquy, ses habitants ne s'appellent pas les Erquyois ou les Erquyens ou les Erquymikeline ; mais bel et bien les Réginéens !
Pour connaitre et comprendre l'origine de ce nom, lisons cet article des Editions Atlas :

"On raconte qu'Erquy se dresserait à la place d'une cité romaine du nom de Reginea, qui figure sur d'anciennes cartes. C'est de là que proviendrait le nom de ses habitants : les Réginéens. D'autres prétendent que le village aurait été bâti sur les vestiges d'une cité antique : Nazado. Les femmes y étaient si belles que les officiers délaissaient leur poste pour se perdre dans leurs bras. Les femmes y avaient la peau si fine que l'on voyait le vin couler dans leur gorge.
Tout ceci entraina la colère du ciel qui déchaina des flots contre la cité. Nazado fut engloutie, telle que la ville d'Ys. Ces vestiges reposeraient dans le sable de la baie d'Erquy." EDITIONS ATLAS

Progressons encore un peu dans le temps pour découvrir une autre spécificité d'Erquy : ses carrières de grès rose. 

"Au Moyen-Âge, et ce n'est plus une légende, le port d'Erquy exportait des produits agricoles, auxquels s'ajoutèrent au XIXème siècle les pavés de quartzite rose issus des carrières environnantes. Cette couleur est due à la dureté de la roche composée de grains de quartz, rassemblés par un ciment siliceux doté d'une forte concentration d'oxyde de fer." EDITIONS ATLAS

Le grès rose d'Erquy a ainsi pavé bien des pavés parisiens et contribué à élever l'Arc de Triomphe.

Mais pour les gastronomes, ce n'est pas le grès rose qui interpelle, mais bel et bien la coquille Saint-Jacques.
Mollusque bivalve de la famille des Pectinidés, la pêche à la coquille Saint-Jacques est l'activité reine du port d'Erquy. D'octobre à avril, ce sont près de 50 bateaux qui partent deux fois par semaines à 45 minutes par jour pour aller draguer la coquille. La drague est une sorte d’énorme "râteau", avec une poche métallique qui permet de racler le fond de l’océan pour en extraire la coquille Saint-Jacques. Chaque année, celle-ci est fêtée à Erquy lors de la fête de la coquille Saint-Jacques. En tartare, avec une crème au curry, une fondue de poireaux ou juste poêlée, la Saint-Jacques !

Mais pourquoi la coquille Saint-Jacques s'appelle-t-elle ainsi ? Ben oui, pourquoi ne s'appellerait-elle pas la coquille Saint-Maurice, ou Saint-Kevin ou Saint-Jénorme ?
Eh bien écoute, j'ai fait des recherches et il faut bien le dire, ce n'set pas clair.
"A l'origine la coquille Saint-Jacques était l'emblème des pèlerins d'Europe du Moyen Âge. La légende la plus répandue affirme que ce sont les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques de Compostelle qui avaient pour coutume d'orner leurs chapeaux et manteaux d'une coquille. Cependant, le sanctuaire de Saint-Jacques à Compostelle n'est pas au bord de la mer et sur les routes qui y mènent vous ne trouverez pas de coquillages... Une hypothèse peut être avancée : la coquille Saint-Jacques proviendrait du Mont-Saint-Michel où des coquillages semblables abondent et ont, depuis des siècles, des usages décoratifs. Alors, coquille Saint-Jacques ou coquille Saint-Michel ?" SEINE MARITIME TOURISME

Outre ce rapport étroit avec les pèlerins, signalons que la Saint-Jacques est également l'emblème de la société pétrolière Shell. Et ça, ça fait moins rire, hein.

Continuons à découvrir Erquy et son histoire. Et comment ne pas parler d'Erquy sans parler d'Astérix ? Hein ? Non, mais je te pose la question.
Cette interrogation est apparue il y a quelques années lorsqu'un des habitants d'Erquy que l'on appelle... que l'on appelle... Comment appelle-t-on les habitants d'Erquy ?... J'attends... Hein ? On l'a dit tout à l'heure... Alors ?... Bon... Les Réginéens ! Ben oui alors !
DONC un habitant d'Erquy a indiqué des similitudes avec le village gaulois encerclé toujours imprenable, comme les trois petits rochers qu'on distingue à la loupe et qui sont visibles aussi au large du cap d'Erquy. Albert Uderzo, l'un des deux auteurs de la célèbre bande dessinée avec René Goscinny, a convenu qu'il y avait eu une influence probable. Il avait en effet fréquenté ce secteur avec son frère qu'il avait rejoint durant la Seconde Guerre mondiale, alors que la disette sévissait à Paris. L'existence d'une plate-forme appelée le camp de César, n'a fait que renforcer cette hypothèse. Par ailleurs, mais on ignore si les auteurs le savaient à l'époque de la création de la BD, on a découvert de nombreux éléments attestant de l'occupation des lieux au paléolithique puis à l'âge du bronze. Entre l'âge du bronze et l'occupation romaine, se trouvait un village gaulois du nom de Reginea (en latin) dans la baie d'Erquy... d'où le nom de ses habitants, je le répète.

Et d'un point de vue géographique, qu'y a t-il à voir à Erquy ? Quels sont ses intérêts touristiques ?
On ne peut pas parler d'Erquy sans parler de son petit port de pêche, tranquillement posé dans la baie. C'est le quatrième port de pêche français. Celui jouxte la criée, plus industrielle. La commune compte également deux ports de plaisance.
Erquy, ce sont dix plages de sable fin.
Erquy, c'est un petit phare emblématique, au bout de la jetée.
Erquy, c'set également un cap. Que dis(je c'est un cap ? C'est une péninsule... Hein ? Oui, Erquy, c'est aussi un cap qui, suivant les saisons, change de couleurs par sa flore environnante: jaune au printemps, violet l'été et un peu "fanée" en hiver.

             

C'est donc après avoir passé une bonne nuit que j'ai décidé au petit matin d'aller découvrir quelques-uns de ces lieux précédemment cités.

               

             

Oui, voilà, ça, c'était la nuit.
Maintenant, le jour.

Matin calme et gris. Les nuages sont bas. Peu de bruit. Un peu de circulation en bas de l'hôtel sur la route du port et de la criée.
Dans le petit port de plaisance, j'entends juste le "claquetis" des cordes sur les mats métalliques des bateaux, tangués par un petit vent doux.

Je longe le quai pour aller jusqu'au petit phare, situé au bout de la jetée. Enfin, un phare, on parle plutôt ici de fanal ; c'est à dire uen grosse lanterne servant de signal. Et on ne parle pas non plus de jetée, mais plutôt de môle ; c'est à dire un ouvrage en maçonnerie construit à l'entrée d'un port en vue de le protéger de vagues trop fortes.

Haut de 11 mètres, le phare... le fanal a une portée de 3,2 miles, soient environ cinq kilomètres. Il a été inauguré en 1900 lors de l'achèvement de la construction de la jetée... du môle. À cette époque, le port d'Erquy était un port de commerce important avec les activités de la ville autour de l'agriculture et des pavés de grès roses.
Sur la droite du môle, depuis un mois, la passerelle du port offre une vue aérienne au-dessus des bateaux. Elle permet également d'avoir une belle vue sur la baie d'Erquy. Au bout de 150 mètres, on arrive dans une salle panoramique où se trouve une exposition. cet été, celle-ci est consacrée aux coquillages et poissons de la baie.
Il est un peu tôt. La passerelle et la salle ne sont pas encore ouvertes. Je reste à quai pour regarder au loin la baie et la rue du Port avec ses hôtels et ses restaurants.

Puis je me dirige vers la criée. Les petites embarcations colorées qui permettent de rejoindre les bateaux au large sont alignées.

Au bout de la criée, je vois un escalier en bois qui semble grimper vers des hauteurs insoupçonnées, là-haut, sur la falaise dominant Erquy. Et cette falaise, c'est le début du Cap d'Erquy.

J'emprunte les escaliers qui montent abruptement. Très vite, une belle vue se dévoile sur la ville et la baie.

          

C'est dans cette rade que, le 16 mars 1796, un combat naval oppose des navires anglais et français.
En haut de l'escalier, un autre aménagement en bois permet de faire le tour des lacs Bleus.

      

"Les Lacs bleus sont le résultat de l'extraction du grès rose des falaises surplombant le port. Des ouvriers taillaient la pierre sur place, puis les pavés étaient acheminés par des wagonnets sur le quai en contrebas. Ceux-ci étaient alors embarqués sur des bateaux (du type de la Sainte Jeanne), puis acheminés vers les grandes villes du Nord essentiellement." OFFICE DU TOURISME ERQUY

Alors, attention : pas question ici de se baigner (encore que je ne sais pas ce qu'il s'y passe l'été) ou de faire du pédalo !
Les lacs bleus, ce sont les vestiges des anciennes carrières de grès rose dont nous avons parlé plus haut. C'est un endroit étrange, mystérieux et calme à une heure aussi matinale par un jour gris.
Le grès rose est apparu ici il y a quelques 470 millions d'années suite à la superposition de couches de sables.
Sa couleur rosée est due à la présence d'oxyde de fer. Sa dureté en tant que roche siliceuse en fait un matériau noble, surtout employé au début du XXe siècle dans la construction et le pavage des rues. On trouve quelques maisons en grès rose en se promenant dans Erquy.

Après ce petit tour de lac qui mène à un beau panorama sur Erquy, je redescends un peu pour suivre un petit sentier qui mène au Cap d'Erquy en longeant les falaises.

         

Ce sentier passe à proximité de quelques traces de l'histoire erquoise... erquyoise... erqu... l'histoire d'Erquy, comme des fours à boulets et des corps de garde ; rappelant qu'au large, ici, il y a 

Je croise également les anciennes carrières de grès rose, reconnaissables à leurs falaises écorchées.
Au pied de celles-ci, entre roche et océan, la végétation est fournie. Il y a moins de couleurs qu'au début de l'été.

"Le Cap d’Erquy est un site rare : falaises et rochers de grès rose, lande sauvage, bois de pins, dunes, mer d'émeraude sur les plages sauvages... 
Le Cap d’Erquy fait partie du Grand Site Cap d’Erquy-Cap Fréhel. Les deux caps forment un site naturel protégé, surplombant la mer de ses falaises impressionnantes qui peuvent atteindre les 70 mètres de hauteur.(...)" OFFICE DU TOURISME ERQUY

Le cap d'Erquy se situe entre deux plages : l'anse de Port-blanc, avec son abri de canot de sauvetage utilisé dans les années 1960 et la plage est du Lourtuais.
Le lieu est tristement célèbre par "trois pierres", trois rochers qui ont coulé de nombreux navires.

En regardant la photo satellite d'Erquy, de sa baie et du cap, il me semble voir un animal criant, bouche ouverte, avec une dent. La bouche étant représentée par la baie.

Carte : Google Maps

Hein ? Hein ? Hein ? Non. Bon.

Je n'ai malheureusement pas le temps d'aller jusqu'au Cap en suivant ce sentier qui n'est autre que le GR34, dit Sentier des Douaniers. Cet incroyable sentier de 1700 kilomètres part du Mont Saint Michel pour aller jusqu'à Saint Nazaire en longeant les multiples côtes bretonnes.

Carte : FF randonnée Bretagne 

Il reprend en grande partie les anciens chemins de douaniers. Ces chemins, progressivement abandonnés durant la première moitié du XXème siècle, permettaient aux douaniers de patrouiller le long des côtes depuis leurs corps de garde, situés sur des points d'observation clés de la côte bretonne.

Je fais donc demi tour pour retourner à l'hôtel avant de reprendre la route pour Brignogan-Plages.