CAPBRETON EN AUTOMNE 2022 (40)

Eeeh oui, comme chaque année, malgré le manque de pétrole, l'inflation et la guerre en Ukraine, l'automne est bel et bien là avec son cortège de couleurs et de parfums.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Depuis quelques semaines, la France a peur, la France a mal, la France n'avance plus, la France n'a plus d'essence !

         

Et quand il y en a,
elle est hors de prix.

De mon côté, j'avais d'autres interrogations.
Suite à la balade de plage effectuée la semaine dernière de Biarritz à Bidart avec l'écroulement de la falaise au niveau de Pavillon Royal, je me suis dit que j'allais aller ailleurs... dans un endroit plus sûr... où il n'y a pas de falaises... qui risquent de s'écrouler...

Cela faisait bien quatre ans que mes parents n'étaient pas venus dans le Pays Basque. Du coup, à leur arrivée, nous sommes allés dans les Landes.
Ben oui. Et plus précisément à Capbreton, et plus précisément sur la plage de la Savane, et plus précisément le lieu dit Santocha.
Oui, oui, c'est très précis, même si certains sites touristiques disent que le lieu où je me suis rendu se prénomme plutôt la plage de la Piste.

BON !

Mes parents étant venus passer quelques jousr dans le sud-ouest, nous avons choisi un endroit calme et reposant, où il fait bon marcher le long de l'océan, de l'Estacade aux blockhaus. Car oui, la spécificité de la plage de la Savane ou plage de la Piste ou Santocha, c'est qu'il y a des blockhaus. Et des blockhaus de belle facture !
Chaque année, je vais y faire un tour afin de photographier les nouvelles couleurs apposées sur ces constructions en béton, datant de la construction du mur de l'Atlantique érige par le Troisième Reich pendant la Seconde Guerre mondiale le long de la côte occidentale de l'Europe et destiné à empêcher une invasion du continent par les Alliés depuis la Grande-Bretagne.
Long de 4.000 km, le mur de l'Atlantique a nécessité environ 13 millions de mètres cubes de béton pour sa construction, allant du nord de la Norvège à la frontière hispano-française. Deux ans de construction faite de ciment, de béton et de fer.
Je ne vais pas refaire ici l'histoire de cet "édifice éparse". Nous allons juste nous rendre sur la plage de la Piste-Savane-Santocha où se trouvent quelques vestiges impressionnants de cette construction nazis... à laquelle certaines entreprises françaises ont collaboré.

Capbreton, ce ne sont certes pas que des blockhaus. Et avant de se rendre sur les plages, nous avons trainé un peu au magnifique marché aux poissons. ouvert tous les jours de 9h à 12h et de 15h à 18h selon les arrivages.
19 bateaux proposent ici leur pêche du jour. Depuis plus de sept siècles, les étales exposent leurs plus belles pièces : soles, dorades, calamars (chipirons), merlus, tacauds, maigres… C'est beau, c'est appétissant, ça donne envie. Je n'ai fait aucune photo de ces étales pour ne pas déranger ces gens qui travaillent tôt et dur.
Une question me taraudait tout de même l'esprit en voyant tous ces poissons, sachant qu'il y en avait autant tous les jours : mais que font les pêcheurs de tous ces invendus ?
Sur certains marchés  -je en sais pas si c'est le cas pour celui de Capbreton-  les poissons sont gardés au frigo et ressortis une dernière fois le lendemain, ou vendus à des usines qui le transforment en nourriture pour animaux, ou jeter à la poubelle.

 Des fois, devant certains abondances ou abus de l'être humain face à la nature, je repense aux mots de Théodore Monnod dans une émission en 1968.

"La solution serait d'entrer dans une troisième phase​ après la soumission et l'agression.

Peut être verra-t-on un jour l'humanité entrer dans une troisième phase que j'appellerais résolument la "réconciliation". La réconciliation de l'homme avec la nature. Mais alors ceci pose des problèmes qui ne sont plus simplement des problèmes techniques, des problèmes administratifs, des problèmes législatifs. Cela pose des problèmes d'ordre mental, d'ordre psychique et bien tendu d'ordre moral. Est-ce que l'homme voudra, acceptera de modifier sa philosophie, de modifier son attitude vis-à-vis de la nature et en particulier des autres êtres vivants ? Acceptera-t-il ​de se considérer désormais come un des éléments de la biosphère ou bien est-ce qu'il continuera à se considérer comme propriétaire de tout ce qui est à la surface du globe avec le droit de vie et de mort, d'abus éventuels sur les ressources de la nature." THEODORE MONOD

Nous avons ensuite pris la direction de l'océan et, dans un premier temps, de l'estacade, lieu incontournable de Capbreton.

L'estacade fut "décidée" par Napoléon III le 11 septembre 1858. Plus de 600 pins sont attribués pour sa construction en vue de la construction du futur port de Capbreton.
Plusieurs fois détruite et endommagée par diverses tempêtes et la seconde guerre mondiale, elle mesure aujourd'hui 189,60 mètres qui s'en vont vers l'océan, où se mélangent ciel et eau.
Qui pourrait penser que c'est ici, autrefois, que l'Adour venait rejoindre l'océan.

Et qui pourrait se douter, à première vue, que là, au bout de cette estacade, débute "l’un des rares canyons au monde à être relié au littoral. Sa « tête », large de 1 200 m, commence près du bord avec une faible profondeur (30-40 m). Long de 300 km, son cours est à la fois rectiligne et méandriforme. Il va se perdre dans la plaine abyssale du golfe de Gascogne par 4 500 m de fond, au large de Santander en Espagne." (cf : Capbreton tourisme)

En face de l'estacade  -ou plutôt au nord-  , un pêcheur solitaire attend le poisson au-dessus de la passe du Boucarot, non loin de la statue de la Vierge dominant la plage Notre-Dame.

Au sud de l'Estacade, c'est la plage... de l'Estacade.
Un magnifique sable fin et blanc, contrastant avec le bleu de l'océan pendant que quelques monts basques, comme la Rhune et les Trois Couronnes, restent dans la brume iodée au loin.
Pour le moment déserté par les baigneurs en cette fin de matinée d'automne, pourtant bien chaude.

Et qui dit "fin de matinée", dit "début d'apéro".
Nous nous dirigeons vers le seul bar-restaurant face à l'océan ouvert à cette époque de l'année.
Quelques huitres avec un verre de vin blanc en apéro. Puis, au menu, poisson pour tout le monde. Maman prend les chipirons, Papa le bar entier... le poisson hein, pas l'établissement. Et pour moi, tartare de dorade à la Tahitienne.

        

Un Irish Coffee avec modération.

Très bien.
Maintenant, balade digestive le long de l'océan. Nous passons devant la Centrale... pas nucléaire ! La plage Centrale de Capbreton où les MNS... pas les bonbons hein... MNS comme Maitres Nageurs Sauveteurs ont quitté les lieux de surveillance en ce mois d'octobre...

Nous empruntons la promenade du front de mer en passant devant le grand bâtiment du CERS et ses baies vitrées derrière lesquelles on peut voir quelques sportifs en rééducation.
Et puis, au bout de la promenade du front de mer, il y a la plage de la Savane.

Et non, sur la plage de la Savane, tu ne trouveras pas de girafes, de chimpanzés, d'hippopotame, de panthère,... Non pas parce que l'homme les a tous exterminés, mais parce que ce n'est pas le lieu. Tu ne trouveras pas non plus d'herbes aux touffes épaisses, de chiendent-à-pied-de-poule, d'acacia faux-gommier, de baobab,... Non pas parce qu'un incendie a tout brûlé, mais parce que ce n'est pas le lieu non plus.
Mais pourquoi cette plage de Capbreton se prénomme-t-elle "plage de la Savane" ?
Pour le savoir, tu peux te référer au livre de Jean-Claude Gillet, "La Savane à Capbreton 1897-2017".

         

Pour les surfeurs, la plage de la Savane se prénomme Santocha. Mais pourquoi un tel nom ?
En 1975, ce bon vieux Pierre Marraud Des Grottes, fraîchement sorti de l’armée, François Xavier Pacou, Françis Treilh, Desbies et Dassé décident de créer le Santocha Surf Club, du nom d’un des premiers films de surf qu’ils avaient pu voir : "Forgotten Island of Santosha" sur la plage de la Savane. (cf : Santocha.org)

Mais s'il n'y a ni girafe, ni hippopotame sur la plage de la Savane, il y a bel et bien des blockhaus.

Rapprochons-nous et errons parmi ces blocs de béton.

         

J'ai écrit plusieurs billets sur ces blockhaus de Capbreton.
Il y a tout juste un an, j'écrivais déjà sur le réchauffement climatique en allant me baigner dans les eaux capbretonnaises :
CAPBRETON, UN POINT SUR LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE.
En 2017, je venais voir le soleil se coucher sur les blockhaus :
VAGUES ET COUCHER DE SOLEIL A CAPBRETON (40).
Ou encore en janvier 2020 pour faire un inventaire des structures :
IL Y A LE CIEL, LE SOLEIL ET LES BLOCKHAUS (40).
Et puis, en avril 2015, où je donnais des noms à chaque blockhaus.
PAQUES AU BETON, EPILOGUE (40).

Aujourd'hui, nouveau mini périple dans ces ruines de guerre.
Plusieurs points.

1) Déjà, il faut le savoir : là aussi, les falaises... la dune bouge. C'est le cas sur toute la côte Atlantique, du pays basque à...
En 1943, lors de leur construction, les blockhaus étaient posés sur la seconde dune, située 80 mètres derrière l'emplacement actuel de ces blocs de béton.
Jusqu'en 1970, ils étaient posés sur cette dune, cachés par la végétation et accessibles par des petits sentiers. Oui, on a du mal à le croire, mais il y a 50 ans, la plage de la Savane ressemblait presque... à une savane.
Et puis, la dune a été grignoté par l'océan. L'érosion. Un à un, ils ont dévalé la dune. Ils n'ont pourtant bougé de place depuis leur installation. Non, c'est al dune elle même qui a reculé pour se retirer sous leurs fondations par les effets de la montée de l'océan après la construction d'une digue début des années 1970.

Pour parer à ce phénomène naturel, un re-sabalage de la plage a été mis en place avec des tuyaux d'ensablement placés sous la côte à partir de 2007. Un procédé unique en Europe. Un ingénieux système qui permet de "déplacer" par un système de pompes l'accumulation du sable sur les plages nord (plage Notre-Dame) sur les différentes plages du sud (Estacade, centrale, Savane,...). C'est le bypass. (cf : XLANDES)

2) Autre point à savoir, les blockhaus de Capbreton n'ont jamais servi et furent démantelés par les nazis eux-mêmes en 1944.
"La batterie côtière de Capbreton était composée de 4 casemates modèle 652 armées de canons de 105 mm Schneider. Apparu en 1943, ce plan-type représente un volume bâti de 880 mètres cube. Le poste de commandement pour batterie côtière de l´armée de terre de type 636 est un modèle classique pour ce genre de batterie. De nombreux abris sont disséminés sur la plage (modèles M 283, 610, 622)."  WEHRMACHT 64
Il n'en reste pas moins des formes étranges, mystérieuses, "captivantes". Quels mots utilisés pour faire part de notre attention envers ces colosses historiquement abominables. L'océan a fait son travail d'érosion en même temps qu'il a pu renverser par ses forces ses hautes structures lourdes et imposantes.
5,50 mètres de hauteur, 2 mètres d'épaisseur, des fils de fer de 12mm d'épaisseur pour 13 mètres de longueur.

3) Enfin, un dernier point de vue avec ces blockhaus "revisités" par les graffeurs et street-artistes, donnant de la couleur au lieu.
Chaque année, l'océan efface les fresques et graffs. Chaque année, de nouvelles couleurs apparaissent.

C'est au milieu de tout cela que nous allons déambuler, vagabonder en silence, juste au son des vagues, allant-venant sur la plage, heurtant les blockhaus dans un fracas plus ou moins dense.

            

La première chose qui capte l'attention, peut être, ce sont ces structures gigantesques, renversées par l'océan. Elles sont ainsi pris une autre stature, une autre allure...

       

     

Rapprochons-nous de chaque structure pour remarquer les effets du temps et des temps.

        

Les couleurs.
Les couleurs qui ont pris possession de ces murs de béton gris. Artistes. Graffeurs. Street-artistes. Tableau permanent, éphémère, avec message, sans message, en un mot...

     

       

 

     

      

Parfois, en se rapprochant de certains graffs, on découvre des visages. 

      

Nous arrivons au bout de la plage de la Savane... à moins que ce ne soit le bout de la plage de la Piste... ou le début... Peut être sommes-nous déjà sur la plage des Océanides... Les blockhaus ont presque tous disparu. L'horizon s'est dégagé pour laisser apparaitre dans la brume au loin le sommet de la Rhune (905m).

Nous faisons demi-tour pour retourner sur Capbreton.