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LE VOYAGE DE JéNORME
LE VOYAGE DE JéNORME
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15 juillet 2014

DE PASSAGE EN ARMAGNAC (40)

"Le sentier du Mojito", "Jénorme a 40 ans", "Kaliningrad Tour"... Afin de faire une pause dans ces séries qui n'en finissent pas, allons faire un tour ailleurs !
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

 

Eh bien puisque c'est ainsi et pas autrement, faisons une pause pour nous rendre en Armagnac. Pas dans l'Armagnac, hein : en Armagnac !
Il est important tout d'abord de préciser pour les plus alcooliques d'entre nous que l'Armagnac n'est pas seulement une boisson.

L'ARMAGNAC,
CETTE BOISSON...

verre

"En Armagnac, les Romains introduisirent la vigne, les Arabes, l'alambic et les Celtes importèrent le fût. De la confrontation de ces trois cultures est né l'Armagnac, la plus ancienne eau-de-vie de France. La culture de la vigne remonte dans cette région privilégiée aux temps romains ; en témoignent les mosaïques superbes découvertes à la Villa gallo-romaine de Séviac, dont les plus belles, avec leurs volutes tout en grappes, ceps et feuilles, chantent les vendanges.
Plus tard, vers la fin du VIème siècle les Vascons envahissent le pays qui va porter leur nom, lequel se transformera pour devenir en 670 le premier Duché de Gascogne. En se penchant sur le nom d'Armagnac, les historiens ont retrouvé les traces d'un chevalier Herreman, compagnon du fougueux Clovis, à qui un fief avait été donné en récompense de sa bravoure. Latinisé par les capistes médiévaux, Herreman serait devenu "Arminius", jusqu'à ce que le langage local s'en empare pour le muer en Armagnac. Au Xème siècle, un petit comté portant ce nom glorieux voit le jour en Gascogne.

armagnac 1L'Armagnac est la plus vieille eau-de-vie de France ; son histoire se confond intimement avec celle de la Gascogne depuis qu'au XVème siècle, entre 1411 et 1441, apparaissent irréfutables, les preuves de sa production, de sa consommation, de sa commercialisation. Selon René Cuzaq, l'Armagnac est, dès 1461, un produit courant sur le marché de Saint Sever dans les Landes. A l'origine, ce produit mystérieux touchant presque à l'Alchimie, ne se consomme guère. On lui attribue des vertus thérapeutiques... L'eau qui brûle : "aygardent". Une eau d'immortalité aux arômes et aux saveurs complexes." MAISON DESIRE

Apparemment, c'est aux moines du XIVème siècle que l'on doit l'invention de l'Aygue Ardent, non pas pour arroser la fin d'un bon repas, mais pour ses vertus thérapeutiques. On n'en dénombre pas moins de 40 dont celles de calmer les maux de dents, supprimer le mal de tête, affûter l'esprit, conserver la jeunesse et... rendre l'homme heureux !

"Les mentions des eaux-de-vie en Gascogne se multiplient jusqu'à trouver au XVIIème siècle les traces d'un véritable marché de l'Armagnac à Mont-de-Marsan et Aire-sur-l'Adour.
Au XVIIème siècle, les Hollandais achètent à peu près tous les vins de la côte atlantique française, excepté ceux de Bordeaux qui sont aux Anglais. Ils remontent alors la Garonne et concluent leur premier contrat avec les vignerons du Gers. Craignant la concurrence, les Bordelais interceptent les convois qui descendent le fleuve sous prétexte qu'aucun vin autre que le Bordeaux ne peut être transporté par voie fluviale. Si le vin est interdit, l'alcool ne l'est pas, et c'est ainsi que l'on commence à distiller les vins dans la région de Gascogne. Les Hollandais achètent dès lors en Armagnac des grandes quantités d'alcool qui servent à enrichir et à stabiliser les vins dont ils fournissent les peuples du Nord de l'Europe.

armagnac 2En 1730, l'eau-de-vie est un véritable produit commercial qui subit les fluctuations des années, bonnes ou mauvaises. Pour pallier les lacunes, on met en réserve l'eau-de-vie dans des fûts de bois que l'on connaît depuis les Gaulois et, ô miracle ! on découvre un trésor : la couleur, la rondeur et les meilleures senteurs que le vieillissement offre en héritage.
Au XVIIIème siècle, la guerre d'indépendance des États-Unis donne un essor supplémentaire aux affaires. A partir de la seconde moitié du XIXème siècle, certains négociants de la région construisent des chais, surveillent le vieillissement et tentent de faire connaître et apprécier l'Armagnac pour lui-même. Soucieux de leur réputation, de la qualité de leurs eaux-de-vie, et de la pérennité de leurs entreprises, les négociants cherchent déjà à améliorer la qualité de leurs Armagnacs. Ils commencent alors à mener des opérations très minutieuses de coupages, à effectuer des contrôles rigoureux des vieillissements et à maîtriser leur stock et les caractéristiques de chaque lot.
Devant l’Hérault et la Gironde, le Gers devient le premier département viticole français. Mais le vignoble d’Armagnac va, lui aussi, connaître le fléau du phylloxéra en 1870. Des 100.000 hectares de vigne, un quart seulement sera replanté.

 

armagnac 3

 

Les Terroirs de l'Armagnac
Le Décret Fallière du 25 mai 1909 définit trois régions :
- le Bas-Armagnac, avec sa capitale Eauze s'étend sur une partie des départements des Landes et du Gers et représente 57% des surfaces plantées en vigne. Cette zone aux sablo-limoneux, dits sables fauves, produit des eaux-de-vie fruitées, légères, délicates et très réputées.
- l'Armagnac-Ténarèze, autour de Condom, couvre le Nord-Ouest du Gers et le Sud du Lot et Garonne. Elle représente environ 40% des surfaces plantées en vigne destinées à la distillation. Les sols argilo-calcaires donnent des eaux-de-vie plus riches, plus corsées, qui, après un vieillissement prolongé, atteignent enfin leur maturité.
- Le Haut-Armagnac, dit Armagnac Blanc à cause des calcaires qui affleurent en cette partie du pays, comprend l'Est du département du Gers et une partie du Lot et Garonne. La culture de la vigne s'y est développée au XIXème siècle en période de forte demande. Aujourd'hui le vignoble y est présent par îlots." 
MAISON DESIRE

 

La région produit 10 millions de bouteilles par an, dont la moitié est expédiée à l'étranger. En tête des amateurs, les Japonais et les Anglais.

 

Mais bon, eh oh !
L'Armagnac, ce n'est pas non plus qu'une province où l'on ne croise que des villes et villages finissant par Gnac, comme Bretagne-d'Armagnac, Campagne-d'Armagnac, Castex-d'Armagnac, Mauvezin-d'Armagnac, Caupenne-d'Armagnac, Créon-d'Armagnac, Lias-d'Armagnac, Monlezun-d'Armagnac, Saint-Martin-d'Armagnac, Arthez-d'Armagnac, Betbezer-d'Armagnac, Sainte-Christie-d'Armagnac, Salles-d'Armagnac, Termes-d'Armagnac, Saint-Julien-d'Armagnac.
Ce qui pourrait nous faire penser à une série de bande-dessinée pour laquelle un auteur aurait décidé de remplacer toutes les fins de mot par "gnac" ; un peu comme Uderzo et Goscinny l'avaient fait pour Astérix et les personnages qui l'entourent.

liquide de la tête    liquide la tête    liquide la tête
Dessins : Le Liquide de la tête

Ou encore Peyo
-, rien à voir avec les ventas espagnoles du même nom,- 
                     venta peyo
et ses schtroumpfs à tout bout de champs : "Tu schtroumpfs le schtroumpf en schtroumpfant le schtroumpf du schtroumpf derrière le schtroumpf !"

J't'en foutrais moi du schtroumpf !?
    liquide la tête   sexy-sushy-coucou-toi2  bob de niro
Dessins : Le Liquide de la tête
et Sexy Sushi
 

Aaah, tiens : et pourquoi pas un peu de Sexy Sushi !

 

Mais bon eh oh ! "J'aime mon pays", j'aime ses régions, j'aime l'Armagnac et l'Armagnac, c'est aussi une zone géographique, située principalement dans le département du Gers, mais ayant quelques accointances avec les Landes et le Lot-et-Garonne. Regardons tout de suite une carte pour apprécier ce constat :

Carte_AOC

Alors donc, parler d'Armagnac tout ça machin bouteille eau-de-vie, c'est bien sympa, mais pourquoi ?
Eh bien, pour répondre à cette question que tu ne te poses peut être pas, il nous faut revenir à la semaine dernière.

LA SEMAINE DERNIÈRE

J'étais tranquillement posé à Mouguerre en train de regarder le chat du voisin quand tout à coup, le téléphone sonne. C'est Nathalie.
NATHALIE : "- J'ai trouvé une voiture à vendre à Agen.
JÉNORME : "- Ah ? Tu veux que je t'emmène la récupérer ?
NATHALIE : "- Pourquoi pas ?!
JÉNORME : "- Banco."

Oui, bon, j'ai un peu résumé la discussion qui ne s'est pas tout à fait passée comme ça, mais la finalité est là.
Deux jours plus tard, c'est à dire samedi dernier (mais ça aurait très bien pu se passer un autre jour), nous voici partis sur les routes en direction de la préfecture du Lot-et-Garonne. C'est étrange : à chaque fois que je prononce ou pense au nom de ce département, j'ai la chanson "Les deux écoles" de Michel Sardou qui me revient en mémoire. Enfin, surtout le refrain.

ANECDOTE

coralloQuand j'étais plus jeune, c'est à dire moins vieux que maintenant, je ne comprenais pas cette phrase "Dans le Lot-et-Garonne, on bouffait du curé". Je me la repassais en boucle en tapant sur le mange-disque orange Corallo.

Mais bon Dieu, qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire cette saloperie de phrase d'athé ? Quoi : dans le Lot-et-Garonne, il y avait des cannibales ? Quoi : dans le Lot-et-Garonne, on lachait les curés dans les rues et on organisait des battues ? Cette image du Lot-et-Garonne m'a poursuivi jusqu'à très tard... jusqu'à hier, en fait... jusqu'à ce que nous nous rendassiâmes dans ce département.

 

Mais avant cela, il nous a fallu passer par...


     Saint-Vincent-de-Paul et son berceau.
  
                                           
berceau de saint vincent
    

Buglose et sa chapelle des Miracles.       
buglose

               Tartas et son usine.                                                            
tartas     

Mont-de-Marsan, ville natale de Joël Bats
et son centre commercial effondré
.

mont de marsan

Saint-Justin et sa devise :"Ton voisin est ton cousin".
     saint justin

La rivière La Douze parce que le nom est chouette
La Douze
    

 

ET HOP, UN P'TIT TARÉ !

Oui, un petit arrêt à Labastide-d'Armagnac.
Pourquoi ?
Parce que !

 

LABASTIDE-D'ARMAGNAC

La Bastide-d'Armagnac, place royale (40)Avec ce nom composé, tout est dit : nous voilà à la fois dans l'un de ces villages d'origine médiévale que l'on appelle une bastide et sur une terre de vignoble où se conçoit on-l'a-déjà-dit-mais-on-le-redit-quand-même : l'Armagnac. Eh oui, si on y faisait du calvados, ça s'appellerait Labastide-de-Calavados. Et si on y concevait de la suze, peut être que cela serait Labastide-sur-Suze. Hein !Ce "village neuf" ou plutôt cette "ville nouvelle" a été créée de toutes pièces à la fin du XIIIème siècle par une volonté à la fois politique, économique et militaire, comme ce fut à chaque fois le cas pour les bastides. Cette fois, c'est Bernard VI, comte d'Armagnac, qui installe cette bastide en 1291. Il sera soutenu quelques mois plus tard par le roi d'Angleterre Edouard III qui lui offre les autorisations et les soutiens nécessaires.
Bien sûr, le temps qui a passé depuis cette fin du XIIIème siècle a laissé des empreintes. Mais Labastide-d'Armagnac n'en demeure pas moins un village d'exception. En témoignent ses rues et ses ruelles bordées de maisons à colombages et à pans de bois, son église Notre-Dame avec son imposante tour-clocher qui date du XVème siècle.
Je n'ai pas fait une seule photo de l'extérieur. Par contre, avec Nathalie, nous sommes allés chercher un peu de fraîcheur dans cette antre religieuse. C'est bien, un peu défraîchi, ça sent le plâtre humide, on a l'impression que c'est pas fini, il y a une statue de Bernadette Soubirou et un tronc au-dessus duquel trône ce petit écrit bien prévenant...

La Bastide-d'Armagnac, église, tronc (40)
Le fameux tronc des
rges

Nous sommes ressortis de l'église en tentant d'apercevoir la personne qui aperçoit les gens qui volent. Mais personne ne nous faisait face. Peut être que ce sniper-du-regard était embusqué dans une meurtrière par là. Ou alors le sniper s'était peut être déguisé en barrière Vauban. 

La Bastide-d'Armagnac, place royale

Et si la personne qui a écrit ce message n'était autre que la personne qui pique également dans le tronc des Rges ? Hein ? Ah, ah, ah ! Ils z'y ont pas pensé à ça les gens du coin là ?! Je te foutrais le Flantaliste sur cette enquête,

flantaliste

Tu verrais si on ne l'aurait pas vite faite bien fait le coupable plutôt que de laisser des petits messages comme ça !

Toujours est-il que la place est bien vide, merde alors !

Toutefois, cependant alors que tout de même mais : attention !!! Ce n'est pas n'mporte quelle place hein eh oh dis là !!!!
C'est un p'tit peu quand même THE LA pièce maîtresse de cette "ville nouvelle". C'est la place Royale cernée de magnifiques maisons dont les arcades forment des passages couverts.

La Bastide-d'Armagnac, place royale, arcades    La Bastide-d'Armagnac, place royale, arcades (40)

On raconte qu'Henri IV s'inspira de cette belle place pour faire construire la place des Vosges à Paris. Des courses landaises se déroulaient sur la place il y a encore quelques années. Aujourd'hui, on peut y chiner chaque dernier dimanche du mois lors d'une foire à la brocante.
On peut ensuite suivre la promenade dite "des embarrats". Ce parcours fléché te mènera au Temple des Bastides, un musée consacré au phénomène des bastides situé dans l'ancien temple protestant de la ville. On y apprend, entre autres, que les bastides landaises ont la particularité d'être toutes l'oeuvre du roi d'Angleterre pour s'opposer aux bastides du Roi de France édifiées plus au sud.

Voilà pour l'histoire et le côté officiel de cette ville qui ne manque certes pas de charme, mais qui est tout de même bien calme.
                                                                      Trop calme !
Quand on voit cette belle place Royale, on a envie qu'il y ait des concerts, des spectacles ; un peu comme l'a fait la ville d'Arras avec son festival Main Square. Et puis l'endroit est bien restauré, frais, joli-mignon, mais semble quelque peu sans vie. De nombreuses maisons et commerces sont à vendre. On aimerait que ça bouge d'avantage car le cadre est magnifique et attachant.
Nous quittons la Place Royale, ses arcades et ses commerces pou retrouver la voiture garée en dehors de la ville.
La Bastide-d'Armagnac, Café TortoreSur le chemin, nous voyons une enseigne au loin. J'avais entend parler d'un bar d'un autre temps. Nous prenons la rue en question, la rue Bataille. Au fond de celle-ci, jouxtant une maison à la façade de carreaux de ciment superbement décorée, deux enseignes vous renseignent. Sur la plus récente, inscrite en rouge sous une marque de bière, on peut lire "café Tortoré".

 

 

On s'aventure alors dans un étroit passage pour atteindre une mini terrasse sur laquelle se trouvent deux tables d'acier fin sous une treille. C'est ici que se trouve le...

CAFÉ TORTORÉ
La Bastide-d'Armagnac, Café Tortore (40)
    La Bastide-d'Armagnac, Café Tortore

Hélas, à l'heure où nous sommes passés, le lieu était fermé. Nous avons seulement pu voir l'intérieur de ce café mythique depuis l'extérieur, à travers les fenêtres au devant desquelles se trouvaient de multiples petits objets décoratifs d'un autre temps.

"Ici on sert le canon de mère en fille, dans un bistrot qui n’a pratiquement pas bougé depuis l’avènement des congès payés. Un décor dans son jus pour déguster un p'tit noir que Colette Tortoré vous sert dans un verre, tandis qu'accoudés au zinc, les conteurs de comptoirs y vont de leurs histoires.
Avec l’enfilade des deux salles, séparées par une marche on en prend plein les yeux. Des murs en camaïeu recouverts d’affiches de corrida, de publicités d’apéritif (à admirer la superbe vantant les mérites de la Suze) et de tableaux donnent l’ambiance. A droite le vieux comptoir derrière lequel s’alignent les verres, les bouteilles, les mesures d’étain et les casseroles en cuivre. A gauche les joueurs de belotes sont installés autour des tables et chaises de bistro, juste à côté d’une superbe comtoise qui n’en finit pas de compter le temps qui passe mais qui pourtant ici semble s’être arrêté.

cafe_tortore
Photo : Saint-Justin

Comme ses parents et grands parents, Colette, une bouteille à la main virevolte du zinc aux tables. Elle sert et récupère la monnaie qu’elle range dans les boîtes de sardines qui font office de caisse dans le tiroir du comptoir. Une idée du grand-père, Pierre, forgeron par ailleurs, qui créa la maison Tortoré en 1885. Sa femme Marie tenait le café qui faisait hôtel restaurant et lui, allait chercher les clients à la gare en calèche. A l’époque, Labastide était une station thermale prisée où il y avait un train, un casino et dix-huit cafés... C’est tout naturellement que le fils, Henri, et son épouse Hélène, prirent la relève jusqu’au tour des petits enfants. Aujourd’hui il n’y a plus qu’un seul café à Labastide. Et c’est Colette qui perpétue l’institution. A 75 ans elle a toujours bon pied, bon œil. Pour servir et faire le taxi, ce qui est aussi une tradition dans la famille.
Depuis la parution du livre de Christophe Lefébure ("La France des cafés et bistrots" publié aux éditions Priva), la maison Tortoré est devenue un lieu « branché ». On y vient d’un peu partout l’appareil photo en bandoulière. Des touristes et des curistes côtoient les habitués ce qui ne perturbent ni les joueurs de belote, ni Colette qui veut garder à son bistrot son caractère populaire. Comme en témoigne le tarif des consommations : 0,80€ pour un café, 0,90€ le petit blanc. Pour le floc, un autre apéro ou la bière comptez de 1,25€ à 1,50€. « Si je ne suis pas riche maintenant, c’est que je ne le serai jamais » dit avec philosophie Colette qui met un point d’honneur à ne pas augmenter ses prix."  JACQUES FURLAN, le Canard Gascon

Bien sûr, on peut se dire que c'est un attrape-touriste qui veut donner de l'authenticité, de l'ancien avec une décoration d'un autre âge, nostalgique et humoristique ; mais force est de constater que le cadre est sympathique.

 

ALLEZ ON REPREND LA ROUTE !!!

Car on n'est pas arrivé à Agen. Maaaaaaaiiisss, attends : on est en plein Tour de France ! On en peut pas ne pas passer par Notre-Dame-des-Cyclistes qui se trouve à seulement deux bornes de Labastide-d'Armagnac ? Hein ? Mais bien sûr que non : on ne peut pas ne pas y aller ! Surtout que pour mes 40 ans, Nathalie, Grego, Maître Arnaud et Nick Canon avaient tout fait pour que l'on n'y aille pas !
Deux bornes à vélo, c'est long ; mais en bagnole, c'est vite fait. Bien sûr, je pourrai te parler des 2500 musées de l'Armagnac que nous avons croisés durant ce mince parcours, mais allons à l'essentiel.

NOTRE-DAME-DES-CYCLISTES
La Bastide-d'Armagnac, Notre-Dame-des-Cyclistes, statue (40)

La première fois que l'on voit cette brave statue devançant la chapelle, je me suis dit :
JÉNORME : "- Mais bordel : Notre-Dame-des-Cyclistes tient un ballon de foot dans ls bras ?!"
Mais Nathalie me rappela très vite à l'ordre.
NATHALIE : " - Mais non, eh oh l'autre eh, con lui ! Regardes : c'est un globe ou une sphère si tu préfères."

Effectivement. En ce beau samedi du mois de juillet, sur le parvis de Notre-Dame-Des-Cyclistes, il y avait surtout des motards, ainsi qu'un car peuplée de retraitées. Oui, j'ai bien écrit "retraiÉEs".

Et maintenant vue d'ensemble !

La Bastide-d'Armagnac, Notre-Dame-des-Cyclistes (40)

Eh mais oh, c'est un HLM qui se trouve derrière Notre-Dame-des-Dopés, là ?!
Et Nathalie de me reprendre encore.
NATHALIE : "- Mais non, calmes-toi, approche, regardes, c'est vraiment une chapelle. Voilà."

Effectivement. Nous avançons un peu rapidement car nous voyons au loin là-bas que le car de retraitées se vide paisiblement pour abreuver le lieu de son cortège de chevelures blanches, grisonnantes et violettes (?).

ET HOP :
PHOTO !
jénorme à Notre-Dame des Cyclistes 1

Oui, bien vu, tu as raison : ce portail est en fer forgé avec des formes de vélocipèdes dessus, très bien bravo.
Mais as-tu vu juste derrière ce qu'il se passe ? Non pas la dame avec son bob qu'on pourrait croire que c'est une apparition de Notre-Dame-des-Bobs. Regardes, un peu à gauche de la photo... Oui, bravo, il y a des mottes de terre, et plus précisément des tombes. La chapelle est effectivement encerclée par un petit cimetière très coquet, non fermé, où les morts semblent côtoyer les vivants sans frontière. On a même l'impression que la terre est fraîche et que la sépulture est d'hier.
Pour la suite, saches qu'il est interdit de filmer et de photographier dans l'enceinte de cette chapelle étonnante. DONC t'as qu'à y aller ! C'est étonnant. Nous, nous sommes tombés pile poil au moment où ces retraitÉEs arrivaient avec une seule idée : taper la causette avec la tenancière des lieux. C'était sympathique car les discussions variaient de la météo à l'âge que chacune d'entre elles avaient ; le tout sans jamais parler de cyclisme, de Tour de France, ni même (et ça, ça ferait plaisir à Bernard Hinault) évoquer le dossier dopage. C'est convivial, joyeux et la chapelle perde de sa sacralité pour être un lieu de rencontres insolites.

Par la même occasion, saches que les Landes sont "jonchées" de ces temples dédiés aux sportifs. "Heureux comme Dieu en France.", disaient les Allemands. "Sportif comme Dieu dans les Landes", pourrait-on dire au vu des chapelles consacrées aux sports dans ce département. Pour la corrida, tu peux aller à Notre-Dame-de-la-Course-Landaise à Bascons. Pour le rugby, ? Fastoche : Notre-Dame-du-Rugby à Larrivière. Quant au basket, c'est tout naturellement à Notre-Dame-du-Basket près d'Amou que tu peux te rendre. Reste à savoir si un jour apparaîtra Notre-Dame-du-Jokari ou encore Notre-Dame-du-curling.

Nous quittons Notre-Dame-des-Cyclistes en voiture...
nath ford fusion

...pour rejoindre d'autres contrées insolentes.

Et ces contrées sont UNE ROUTE !
Mais pas n'importe quelle route ! C'est la route D933N !
Les États-Unis ont la Route 66. L'Australie a sa Great Ocean Road. L'Afrique du Sud et la Chapman's Peak Drive. Ou encore la Route des Trolls en Norvège !
Eh bien, en France, et plus précisément dans les Landes, et plus précisément dans l'Est des Landes, tu as la D933N qui t'emmène de presque Mont-de-Marsan à la frontière des départements Landes/ Lot-et-Garonne ; mais tu peux la suivre aussi jusqu'à Bergerac.
Et sur cette route magnifique, essentiellement en ligne droite, tu croises...

Des restaurants routiers aux noms enchanteresses,
comme :

Lubbon, restaurant routier Le Tremblant (40)

Le Tremblant

Très intrigués par le nom, nous décidons de marquer l'arrêt. Pourquoi Le Tremblant ? Est-ce que cela a un rapport avec la géologie du lieu où se trouve le resto qui serait construit sur une plaque terrestre sujette aux tremblements de terre ? Ou le nom de l'établissement a-t-il un rapport avec le fait que le patron aurait la tremblote et servirait les clients en tremblant ? Ou peut être ces deux hypothèses mélangées, c'est à dire un serveur qui amène les plats en tremblant pendant que la terre tremble car le resto est placé sur un épicentre sismique ?
Nous n'en saurons rien car lorsque nous passons à hauteur de l'édifice, ce dernier est peut être tremblant, mais surtout fermé. Même à 13h45 bordel !
Nous continuons donc un peu plus loin pour tomber sur le petit lieu-dit-village de Lubbon. Ici, plusieurs restaurants routiers se sont rassemblés.

Il y a...
Lubbon, restaurant routier Chez Mamy

Et il y a aussi...Lubbon, restaurant routier Au bon coin (40)

Ouvert et de prime abord accueillant, nous nous arrêtons "Au bon coin, chez Jeanne". Façade simple avec un numéro de téléphone de réservation datant de l'ère où il fallait composer le 16-1 quand on appelait de la province. J'aime ces lieux emprunts d'une nostalgie pas toujours évidente, mais efficace. La tenancière et serveuse nous reçoit avec son plus beau sourire, non forcé et avenant.
NATHALIE : "- Qu'est-ce que c'est le plat du jour ?
LA TENANCIÈRE : "- C'est marqué sur l'ardoise !
NATHALIE : "- Parfait !"

Nous prenons donc deux plats du jour sans avoir prêter réellement attention à ce que cela pouvait être. Un quart d'heure plus tard, la dame arrive avec deux grosses assiettes. Elle les pose sur notre table et nous souhaite un bon appétit. Nous analysons l'assiette... C'set parfait ! Juste ce qu'il fallait ! Dans celle-ci, tu as tout ce qui compose un menu. Tomates fraîches, salade, lomo, frites, oeuf au plat, fromage. Génial !
Après moult discussions sur les différents mets que nous avions pu manger dans les différents pays que nous avions parcouru, Nathalie et moi-même scrutons les alentours et nous nous plaisons à constater la clientèle que ce genre de restaurant de bord de route réuni. A notre gauche, nous avons un couple de 70 ans peut être qui arrivent de l'Allier en 308. Un peu plus loin, sur notre droite, un Autrichien s'est arrêté avec sa voiture décapotable surmonté d'un drapeau de son pays pour se poser à une table afin de consulter ces cartes géographiques en buvant un verre de blanc. Toujours à droite, un peu avant, un routier tchèque a posé son camion Scania R520 V8 blanc frigorifique le long de la route pour se poser ici et boire un café avant de reprendre son chemin vers une contrée inconnue à notre curiosité.
Un café, l'addition. Nathalie revient avec un pot de miel local acheté à la caisse. Nous nous remêlons à la route D933.
Ligne droite. Des mées à l'honneur de notre capitaine, de notre colonel. Des grilles. Forêt de pins. Savane. Et des lieux-dits d'un autre temps où l'architecture mêle différentes époques et différentes influences.
Mais je n'ai pas fait de photos.
Nous passons à hauteur de merveilleuses maisons typiquement landaises qui donnent envie de s'arrêter de rencontrer les particuliers et de boire un Armagnac.
Pas faite de photo non plus. Putain, j'ai pas assuré !

Sur la D933N, il y a aussi Nathalie, comme le chantait si bien Philippe Swan en 1988 dans sa chanson "Dans ma rue", bien sûr ; mais il y aussi des villes aux noms particuliers, comme...

La réunion, panneau (47)

Suivant le point de vue où l'on se place, ces noms peuvent faire rêver :
1) La Réunion, l'île située dans l'océan indien au climat tropical.
carte_reunion_decorative

ou pas :
2) La réunion, séance à laquelle participe un groupe de personnes en vue de prendre des décisions.
le-jury-a-designe-les-laureats-au-cours-d-une-reunion-de_914625_490x327p

 

Des tags sur des bâtiments fermés.
Mais j'ai pas fait la photo.

 

Toujours est-il que cette Route D933N est décidément farcie de surprises et de choses inattendues. Un jour, je lui consacrerai un billet entier en passant une journée complète à l'explorer dans tous les sens.

d933Image : Google maps

Nous la quittons amèrement pour nous faufiler en direction de Sainte-Livrade-sur-Lot. Ce n'est pas là que nous devons aller chercher la nouvelle voiture de Nathalie, mais cette ville est connue pour avoir accueilli plusieurs milliers de Vietnamiens il y a quelques décennies. Notre but n'est pas de tous les rencontrer, mais de trouver dans cette ville un restaurant qui fasse de la vraie cuisine vietnamienne car, n'est-ce pas, voyez-vous, il n'est pas loin de Midi et on a la dalle !
Nous récupérons la D8, beaucoup moins mythique que la D933N, mais qui a l'avantage de proposer plusieurs dizaines de musées autour du pruneau, de la prune, de la fraise, de la machine agricole et autres. Les villes et petits villages défilent, tels que Houeilles, Damazan, Aiguillon, Bourran, ou encore Le-Temple-sur-Lot, étrange oasis de bord de route. Véritable hallucination éveillé ! Nous suivons une grande ligne droite lorsque, tout à coup, tu croises sur le bord de la route ce château des Templiers jouxté par un restaurant de bord de piscines avec des jets d'eau et des statues.

Le temple sur lot  le temple
Photos : Les plus beaux villages de France
et machines agricoles 47


Quelques kilomètres plus tard, nous arrivons à Sainte-Livrade-sur-Lot. Dans la radio de la voiture branchée sur France Inter, nous avons une chanson de Feu Chatterton !
Qu'est-ce que c'est ? Une autre hallucination ? La dernière pièce d'Alfred de Vigny ?

Non, non. Feu Chatterton,
c'est ça :

C'est bien hein ? C'est surprenant ! Nous ne connaissions pas ce groupe, ni cette chanson, mais elle illustrait très étrangement nos premières sensations avec la ville de Sainte-Livrade-sur-Lot. Nous nous garons sur un parking en plein centre, entre un bar et une épicerie-boucherie halal. Bien sûr, pour trouver un restaurant vietnamien, je pourrais regarder sur l'I-Phone et internet pour trouver une adresse, mais c'est tellement plus sympa d'errer dans la ville au hasard. J'ai la dalle quand même merde !
Nous empruntons les diverses rues et ruelles, en passant par de grandes places interdites au stationnement. Il y a beaucoup de boulangeries, mais très peu de restos. De plus, pas mal de maisons sont à vendre ; ainsi que des pas de porte de commerces, recouverts de peinture blanche. Certaines rues, notamment la rue principale est "jonchée" de ces vitrines désertées. A vendre !
Après avoir tourné dans ce dédale urbain silencieux et presque oppressant, nous trouvons une devanture et enseigne de restaurant vietnamien. Enfin ! Mais, malheureusement, celui-ci est fermé aussi. Et il y a un bon moment. Plus de carte sur l'afficheur de menu. La décoration est encore présente, mais elle a pris la poussière. On a l'impression que les gens sont partis du jour au lendemain.
Et à ce moment précis du récit, tu te dis dans ta tête de lectrice/teur : "Mais comment se fait-il qu'il y ait une communauté vietnamienne à Sainte-Livrade-sur-Lot qui n'est quand même pas la ville la plus évidente à atteindre ?"
C'est vrai ça : pourquoi ? Pourquoi ne sont-ils pas allés à Lubbon ? Ou à Fossemagne ? Ou à Bourganeuf ? Ou à la Souterraine ? Ou à Corbigny ? Ou à Bar-sur-Aube ? Ou à... BON BREF !
Cherchons une explication.

SAINTE-LIVRADE-SUR-LOT,
TERRE D'ACCUEIL

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Photo : Sud-Ouest et FranceTVinfo

Sainte-Livrade est devenue une ville multiculturelle étant la terre d'accueil de nombreux :
- Italiens ayant fui la misère ou le fascisme mussolinien dans les années 1920-1930 ;
- Espagnols ayant fui le fascisme franquiste dans les années 1930-années 1940-années 1950 ;
- Portugais ayant fui la misère ou le fascisme salazariste dans les années 1950-1960 ;
- 1200 Français d'Indochine (soldats et supplétifs Indochinois des armées françaises) rapatriés, à la fin de la guerre d'Indochine au printemps 1956. Ils sont installés au Centre d'accueil des Français d'Indochine (CAFI), aménagé dans une ancienne poudrerie ;
- Français d'Algérie (Pieds-Noirs, soldats et supplétifs algériens (Camps de transit et de reclassement pour les harkis) des armées françaises) rapatriés, en 1962-1963, à la fin de la guerre d'Algérie ;
- travailleurs émigrés qui vinrent du Maghreb dans les années 1970-années 1980-années 1990.

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Le « petit Viêt Nam » des mémés du CAFI
Cliché : Mairie de Sainte-Livrade-sur-Lot

"Le 7 mai 1954, prit fin la bataille de Dien Bien Phu, défaite militaire de la France et conclusion de la sanglante Guerre d'Indochine qui dura huit ans et vit la victoire des troupes communistes du Vietminh commandées par le général GIAP.
C'est à Dien Bien Phu que s'écrivit l'épilogue de la présence coloniale française en Asie du Sud-Est. Après la signature des Accords de Genève, les colons d'Indochine et les soldats du Corps expéditionnaire en Extrême-Orient rentrèrent en Europe.
Leurs épouses ou leurs concubines indochinoises de nationalité française et leurs enfants, ainsi que des fonctionnaires locaux employés par l'administration coloniale, firent eux-aussi le voyage vers la France où on les installa dans un ancien camp militaire, le Cafi, le Centre d'accueil des Français d'Indochine situé à Sainte-Livrade-sur-Lot, en Lot-et-Garonne. Là, dans ce camp, ils furent soumis à des règles très strictes constituées d'une liste interminable d'interdits absurdes.
60 ans plus tard, certains occupants du Cafi y vivent encore. Les enfants qui ont grandi là ont les yeux bridés de leurs mères et portent le plus souvent les noms français de leurs pères. On les croirait « déracinés » ; eux assument leur double culture et disent avoir trouvé, au Cafi de Sainte-Livrade, la terre propice à leur enracinement." SUD-OUEST

Pour en savoir plus, tu peux lire ce témoignage de Solange, fille d'une Vietnamienne et d'un gendarme français, rapatriée en France après la défaite française à Dien Bien Phu : De Diên Biên Phu au Lot-et-Garonne, le destin d'une enfant de la guerre d'Indochine.
Ou encore tu peux lire le dossier de Magali Ceroni sur l'histoire du Cafi, de 1956 à 2014 : «CAFI 1956-2006 - De Saïgon à Sainte-Livrade-sur-Lot».

 

Tout ceci est très intrigant, mais nous ne sommes pas parvenus à trouver une explication sur le pourquoi cette communauté est venue s'installer ici et pas ailleurs.
Dernier tour dans la ville pour trouver un endroit avenant où manger. IL n'y a pas grand chose, à la limite du néant. Un resto bien français ici, mais nous ne sommes pas vraiment convaincus. Il faut dire que nous sommes venus ici uniquement pour manger vietnamien. Après quelques minutes d'errance, les jambes sont lourdes et l'esprit est ailleurs.
D'un commun accord silencieux, nous décidons de rejoindre la voiture. En chemin urbain, par hasard, nous passons devant un lieu d'un autre temps. Un cabaret.

Sainte-Livrade-sur-Lot, cabaret (47)

Très belle devanture qui ferait sans aucun doute le ravissement de Raymond Depardon, si ce n'est déjà fait, pour sa collection "Journal de France".

journal de France
Photo : France Inter

 

Nous repartons en direction d'Agen. Nous avons une voiture à récupérer. Après être passé rapidement par Villeneuve-sur-Lot et avoir pu constater que nous sommes dans la région du pruneau, nous arrivons dans la préfecture du Lot-et-Garonne.
Agen, c'est pas très beau. Mais j'y ai trouvé un chouette rond-point.

Agen, rond-point (47)

Quelques kilomètres plus loin, le garage où Nathalie doit récupérer sa nouvelle voiture pointe le bout de sa devanture.
Fin de l'expédition culturelle, insolite et dépaysante.

 

 

 

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