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LE VOYAGE DE JéNORME
LE VOYAGE DE JéNORME
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29 janvier 2024

Sur la côte Cantabrique 2, la suite (Espagne)

Dans l'épisode précédent, Jénorme s'était rendu sur la Côte Cantabrique pour un petit périple qui devait initialement le conduire à San Juan de Gaztelugatxe.
Mais que la route était belle et les villages sympathiques. Le petit trajet qui devait se dérouler sur deux heures prenait des allures de road-trip infini avec son lot de surprises, de rencontres, de découvertes, d'histoires et d'Histoire.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

 

Allez, hop :
PETIT RAPPEL
B ayonne, manifestation des agriculteurs, janvier 2024 (64)

Oui, n'oublions pas les agriculteurs. Non seulement, ils nous nourrissent, mais ils entretiennent également nos beaux paysages.
Solidaire !

Donc... Qu'est-ce que je disais ?
Ah oui.

PETIT RAPPEL
Deba, mirador Vierge de Itziar, la route (Espagne)

Alors que le froid et la pluie sévissait sur la France, Jénorme décidait de se remémorer ce périple routier qu'il avait fait quelques mois auparavant en longeant la Côte Cantabrique afin de rejoindre l'intrigant et mystérieux îlot de Gaztelugatxe.
Pour y parvenir, il s'était confectionné un petit itinéraire :

IRUN → SAN SEBASTIAN → ORIO → ZARAUTZ → GETARIA → ZUMAIA → DEBA → MUTRIKU → ONDARROA → LEKEITIO → ELANTXOBE → LAGA → GUERNICA → MUNDAKA → BERMEO → SAN-JUAN-DE-GAZTELUGATXE  → MUNGIA → BILBAO   198km

Cet itinéraire suivait les routes espagnoles longeant la côte Cantabrique, de la Guipuscoa à la Biscaye.

carte périple Cantabrique

Après avoir arpenté les routes et les côtes du Guipuscoa, Jénorme entrait à présent dans la province basque de la Biscaye. 

Côte Cantabrique, entre Mutriku et Ondarroa

 

DE NOS JOURS, MAIS EN AVRIL 2022

J'entre en Biscaye.
Petit rappel. La communauté autonome du Pays Basque (Euskadi) se compose de trois provinces : l'Alava, la Biscaye et le Guipuscoa.
A ne pas confondre avec la division traditionnelle du Pays Basque qui, elle, est composée de sept provinces :  Labourd (Lapurdi), Basse-Navarre (Behe -Nafarroa) et la Soule (Xiberoa) côté français ; Guipúzcoa (Gipuzkoa), Biscaye (Bizkaia), Navarre (Nafarroa) et Álava (Araba), côté espagnol.

Après avoir passé le panneau d'entrée dans la Biscaye, j'arrive dans la ville d'Ondarroa.

Ondarroa, ville et Artibai (Espagne)pays bas

Ah oui, c'est chargé là, en immeubles. Une fenêtre, un habitant. Ou une fenêtre, des vies. Cela m'a toujours fasciné de traverser certaines villes en regardant le nombre de fenêtres des immeubles en pensant au nombre de vies qu'il y a derrière...
J'ai également des images de films qui me viennent avec le générique de "Peur sur la ville" (1975) d'Henri Verneuil.

Ou encore ce passage dans l'excellent film de Michael Mann, "Heat" (1995) où l'on voit Neil McCauley (Robert De Niro) et Eady (Amy Brenneman) s'embrasser devant un panorama de lumières sur les hauteurs de Los Angeles.

heat

Quel film ! Quelles interprétations ! Quelle réalisation ! Quel récit ! Et je repense à ce passage où une seule histoire d'amour prend vie devant ce "tapis" de lumières derrière lesquelles se cachent tant d'autres histoires...

Ah ouais, non, mais moi, des fois, je suis un putain de romantique ! Quand ça m'prend, putain, ça tiraille les tripes jusqu'aux burnes !!!

DONC : j'arrive à Ondarroa. Des immeubles, des fenêtres, des vies, des histoires, mais pas que.

L'étymologie la plus habituelle qui est donnée au nom d'Ondarroa est celle de "bouche de sable", qui provient de ondar (tza) sable, et ahoa bouche en basque ; ce qui explique sa nature géographique.

La ville est "construite" sur un terrain accidenté, sur un tronçon du littoral formé de falaises abruptes, parmi lesquelles se détache la Peña del Fraile, le Rocher du Moine.
La ville est également traversée par la rivière Artibai. Elle épouse à la fois les pentes de la colline et les méandres de la rivière Artibai.

Mais il n'y a pas que sa géographie qui est "tourmentée". Ondarroa a également connu une histoire mouvementée.
Fondée en 1327 par Maria Diaz de Haro, Dame de Vizcaya, Ondarroa entretient une grande rivalité avec la ville voisine Lekeitio, principalement en rapport avec la pêche à la baleine fort lucrative à l'époque.
En 1463, la ville est ravagé par un grand incendie qui la laisse presque sans population ; ce qui amena le roi Enrique IV de Castille à lui concéder divers privilèges dans le but de la faire revivre. Un siècle plus tard, la pêche, le commerce et la course (corsaires) sont à leur apogée à Ondarroa.
Mais, une fois de plus, le 28 aout 1794, lors de la Guerre de la Convention, des troupes françaises vinrent occuper la localité et l'incendièrent. Cent dix maisons et la chapelle de San Juan Bautista furent réduites en cendres et l’église de Sainte Marie fut mise à sac Heureusement, au XIXe, l’industrie de la mise en conserve s’installa et remis en marche l’économie locale qui permit à la ville de se récupérer.
La guerre civile espagnole a causé à Ondarroa nombre de dommages humains et matériels.

Cinq ponts enjambent la rivière pour permettre l'accès à la petite ville de pêcheurs d´Ondarroa.
Ici aussi, on retrouve un port donnant sur l'océan ainsi qu'une vieille ville aux rues étroites et en pente. C'est l'un des ports les plus important du Pays Basque.

Ondarroa, le port (Espagne)         Ondarroa, Pays Basque (Espagne)

Si Mutriku fête chaque année le maquereau, ici, à Ondarroa, c'est l'anchois que l'on célèbre chaque second samedi de mai : concours de pintxos d'anchois, dégustation de pintxos d'anchois préparés par les sociétés gastronomiques d'Ondarroa, représentation du travail et de l'atmosphère dans une ancienne usine de conserves, et un marché de conserves d'Ondarroa.
Le dernier samedi de juin, c'est le Zapatu azul (samedi bleu) pendant laquelle, entre autres festivités, on organise la foire de chemisettes du Pays basque. Les gens s'habillent en chemise de mahón (traditionnelles des gens de la mer), au milieu d'une bonne atmosphère de fête dans la vieille ville.
Mais la plus grande fête qui ai lieu à Ondarroa est la Fête d'Andra Mari qui a lieu chaque année autour du 15 août. Prennent part les groupes culturels et sportifs locaux, les txistularik se chargeant des pasacalles, le concours de marmitako, tamborradas, géants et cabezudos (grosses têtes), courses cyclistes, partis de football ou démonstrations de danse. Il y a des concerts d'importants groupes de rock, banquets populaires, charangas, des feux d'artifice, concerts de mariachis ou des zones spéciales d'activités pour les petits.

Ondarroa, rond-point (Espagne)         Ondarroa, bateau au large

Je ne parviens pas à me garer pour aller errer dans ces rues et ruelles, autour du port et de la plage. J'aurais aimé voir les nombreux restaurants de poissons. Tant pis. Je poursuis ma route par la BI-3438.

J'arrive à Lekeitio. Lekitto en basque et Lequeitio en espagnol.
Par contre, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais j'ai loupé la ville. En suivant une route aléatoire pour me garer, j'ai finalement atterri dans une impasse, face à une sorte d'ancienne forteresse surveillée par des brebis.

Leiketio, Santa Katalina, brebis de dos(Espagne)      Leiketio, Santa Katalina, brebis et côte (Espagne)

Je n'ai donc pas vu les plages d'Isuntza et de Karraspio, ni l'île San Nicolás. D'un point patrimoine artistique, je n'ai pas vu la basilique de la Asunción de Santa María et son magnifique retable gothique plaqué or. Pas vu non plus les Palais d'Uriarte, d'Oxangoiti, d'Uribarri et d'Abaroa.
J'ai loupé le panorama sur le port Txatxo. Je n'ai pas vagabondé sur la place Independencia, ni sur le pont d'Isuntza.
Pourquoi ? Parce que je n'ai pas eu le courage de me garer. Parce que je ne savais pas où me garer. Parce que je voyais le temps passer et que je n'étais toujours pas à Gaztelugaxte.
Je me trouve en fait sur les hauteurs ouest de la ville, au lieu dit Santa Catalina. Il y a là un bar-restaurant avec vue sur mer, ainsi que, plus bas, le phare de Santa Catalina qu'il est possible de visiter.

Je quitte Lekeitio.

La route s'est éloignée de la côte. Je roule dans les terres et plus précisément au milieu d'une forêt d'eucalyptus d'où se dégagent des senteurs originales mentholées.

Côte Cantabrique, entre Ondarroa et Ea, forêt d'eucalyptus (Espagne)

Toutefois, même si cela est parfaitement original comme vue et comme parfum, cela n'est pas sans dangers pour l'environnement dans les provinces de Biscaye et Gipuzkoa où l'eucalyptus pullule... Ah oui, le verbe "Pulluler", on n'y pense pas assez.

"PULLULER
1. Se multiplier, se reproduire en grand nombre et rapidement.
2. Exister, être en très grand nombre.
3. Être plein de, fourmiller d'êtres ou de choses."
LE PETIT LAROUSSE


En effet, l'eucalyptus est un arbre qui brule facilement, mais qui est aussi très gourmand en eau au point d'assécher la terre, d'empêcher la pousse d'autres espèces et donc d'appauvrir le sol.
Une plante assez contrariante :
1. L'eucalyptus est toxique pour les humains et les animaux de manière générale, agissant en bloquant la respiration cellulaire. Seul le koala a développé une résistance à cette toxicité.
2. L'eucalyptus est utilisé pour soigner les bronchites, la toux, les rhumes ou la sinusite pour ses vertus sur l'appareil respiratoire (rhinites, toux grasses, rhinopharyngites).
3. L'eucalyptus est utilisée en confiserie principalement dans la fabrication de gommes au goût de menthe, ainsi que dans la fabrication de pastilles ou de pâtes destinées au traitement des maux de gorge.

 

Après avoir traversé la forêt, j'arrive à Ea.
C'est très court comme nom...
Ea, panneau (Espagne)
...mais j'y sens un certain charme, propre à ces villages
dont on ne parle pas beaucoup,
"perdus" sur une route allant d'une grande ville à une autre.

Ea, village (Espagne)

Entourée de verdure, Ea est bien blottie dans un petit vallon, traversé par la rivière du même nom.
Elle nait au XVIème siècle quand des pêcheurs des villages voisins Ereño, Bedaroa et de Natxitua, établissent une demeure permanente de pêcheurs dans le port naturel que forme la ria d'Ea. Petit port de pêche ouvert sur la mer, les bateaux  -ou plutôt les barques- y sont plus petits qu'ailleurs.
C'est en suivant cette ria à pied sur quelques mètres que l'on retrouve océan et petite crique, praticable seulement à marée basse. Cette spécificité géologique et géographique lui donne parfois le nom de "Venise de l'Euskadi" avec ses ruelles et ses ponts de pierre.

Ea, centre village

Cela confirme que chaque village de la Biscaye a sa personnalité propre, son attrait particulier, son charme.

Ea, centre village, ours caché (Espagne)         Ea, maison abandonnée (Espagne)

Je repars.
Le temps passant  -malgré le peu d'arrêts que je fais dans les différents villages et villes traversés-  je décide de quitter la route côtière pour prendre la direction directe de Guernica.

Et quand on parle de Guernica,
on pense de suite à...
Guernica, affiche (Espagne)

"Le lundi 26 avril 1937, pendant un jour de marché, la petite ville basque de Guernica est bombardée par des avions allemands et italiens.
C'est la première fois dans l'Histoire moderne qu'une population urbaine est sciemment massacrée. Ce massacre a été voulu par Hitler, allié du général Franco dans la guerre civile espagnole, pour terroriser la population civile.
Dès le début de la guerre civile, Hitler a utilisé l'Espagne comme un banc d'essai pour des armes nouvelles et un terrain d'entraînement pour ses aviateurs. En octobre 1936 a été créée une unité aérienne spéciale, la Légion Condor, sous le commandement du général Hugo Speerle.
Lorsque les franquistes vont diriger leurs attaques sur le Pays basque et les Asturies, au nord-ouest de l'Espagne, elle va s'acquérir une sinistre notoriété.
La veille du drame, Guernica est traversée par les combattants républicains basques, les gudaris. Ils fuient l'avance des franquistes et tentent de gagner Bilbao, au nord, en vue d'y organiser une nouvelle ligne de défense. Le baron von Richthofen propose à ses alliés espagnols de couper la route aux fuyards en détruisant le pont de Rentería, au nord de Guernica. Il n'est officiellement pas question d'attaquer la ville proprement dite.
Dans les faits, la Légion Condor emporte non seulement des explosifs brisants et des bombes antipersonnelles utiles pour cette mission mais aussi 2 500 bombes incendiaires. Rien à voir avec la simple destruction d'un pont !
Accompagnés de plusieurs chasseurs et d'avions italiens, les bombardiers attaquent la ville en plusieurs vagues, au moment où se tient le marché, de 16h30 à 18h. Les deux tiers des maisons, la plupart en bois, sont détruites et incendiées.
À la faveur du bombardement, les nazis mettent au point une stratégie de terreur qu'ils auront l'occasion de réemployer pendant la Seconde Guerre mondiale, avec par exemple le sinistre sifflement des Stukas en piqué.
Le bilan est terrible : sur les 7.000 habitants, 1.645 sont tués et 889 blessés.(...)" HERODOTE

Ce fut la première fois dans l’histoire qu’un bombardement massif fut dirigé sciemment contre des civils "dans une volonté évidente, à la fois, de terroriser la population et de frapper le nationalisme basque en l’atteignant à la source de ses traditions". 
Plus de 85% de la ville fut totalement détruite selon un plan minutieux :

  1. "Les premiers avions utilisés étaient les bombardiers et quelques avions de chasse dont la mission était d’avertir la population et de l’obliger à entrer dans les refuges, au centre de la ville. Puis les avions de chasse volèrent en cercle pour empêcher quiconque de s'échapper du centre.
  2. Les premières bombes lâchées étaient des bombes à fragmentation entre 50 et 250 kg pour détruire les bâtiments. Les bombes détruisaient les toits et en s’écrasant à terre formaient d’énormes cratères. Toute la structure et les éléments de bois des maisons de l’époque étaient ainsi laissés à nu. 
  3. Puis suivirent les bombes incendiaires. Ces bombes pesaient entre 1 et 2 kg, elles étaient fabriquées en acier et contenaient un alliage de magnésium, d’aluminium et de zinc qui, en entrant en contact avec d’autres métaux, réagissait et provoquait un incendie incontrôlable et des températures de plus de 1500 degrés centigrades. Suite à ce bombardement, un énorme incendie dévora Gernika, avec des flammes que l’on pouvait voir à des kilomètres de distance. 
  4. Les survivants qui avaient tenté de s’échapper du centre-ville furent finalement mitraillés par les avions de chasse qui volaient en piqué jusqu’à moins de 50 mètres d’altitude. Ils frappaient sur les routes d’accès à Gernika et volaient en cercle pour maintenir la population à l’intérieur du périmètre de feu. Le centre de Gernika était composé de rues très étroites et de maisons unies entre elles, ce qui facilita la propagation du feu."  TURISMO GERNIKA

Ce n'est qu'en 1997 que l'Allemagne reconnaitra son implication dans ce drame en présentant ses excuses aux victimes du bombardement nazi.
Quand on entend le nom de "Guernica", on pense également au tableau de Picasso, réalisé la même année, entre le 1er mai et le 4 juin, après qu'il ait découvert le drame en parcourant le journal en terrasse du Café de Flore, à Paris. Cette œuvre fut la réponse à une commande du gouvernement républicain de Francisco Largo Caballero pour le pavillon espagnol de l'Exposition universelle de Paris de 1937.

Jénorme devant le tableau Guernica

Bon. Une fois que je m'enlève de devant le tableau exposé en permanence au Musée Reine Sofia de Madrid, que voit-on ?

guernica

Huile sur toile, le tableau a des dimensions gigantesques  -349,3 x 776,6 cm- ; ce qui accentue le côté dramatique de la représentation. 
La palette austère composée de noir, blanc et gris aurait été inspirée, dit-on, par les couleurs des journaux de l'époque, dans lesquels Picasso a pris connaissance du bombardement de Guernica, largement couvert par les médias internationaux.
Picasso n'aimait pas expliquer ses œuvres :
"Si vous donnez une signification à certains éléments de mes peintures, elle peut être tout à fait exacte, mais je n'aime pas l'idée de donner une signification. Les conclusions conscientes que vous faites, je les ai faites aussi mais de manière instinctive, inconsciente. Je peins pour peindre. Je peins les objets pour ce qu'ils sont." PICASSO

Mais beaucoup de critiques d'art ont tenté de trouver une explication aux différentes représentations qui hantent cette œuvre monumentale :
"(...) La mise en scène d'un taureau, symbole traditionnel de l'Espagne, est ambigüe en ce sens qu'elle peut aussi bien représenter les victimes espagnoles que la brutalité espagnole. La figure de la mère voilée pleurant la mort de son enfant pourrait être une référence à la Pietà de Michel-Ange dans laquelle la vierge pleure la mort de son fils. Le cheval encorné, au centre du tableau, piétine le corps brisé d'un soldat au sol. La seule figure incarnant l'espoir est la forme féminine apparaissant à une fenêtre. Elle tient à la main une lampe et met en lumière la dévastation, pour, sans doute, que le monde puisse voir l'horreur et en prendre conscience.(...)" NATIONAL GEOGRAPHIQUE

A la demande de l'artiste, le tableau ne devait pas revenir en Espagne tant que le pays ne serait pas devenu une république. Il restera ainsi jusqu'à la mort de Franco en 1975 (deux ans après la mort de Picasso) au MOMA, Manhattan, New York, Etats-Unis.
Même si l'Espagne n'était pas devenue la République que l'artiste espérait, le tableau fut prêté au Musée du Prado en 1981, exposé derrière une vitre à l'épreuve des balles. En 1992, il réalise son dernier voyage en prenant place au Musée de la Reine Sofia, à Madrid, dans une salle qui lui est exclusivement consacrée. 11 000 personnes viennent l'admirer chaque jour.

J'erre un peu  -en voiture toujours- dans les rues de Guernica. Je cherche l'Arbre de Guernica ("miraculeusement" épargné lors des bombardements de 1937). Celui marque l'emplacement de l'autonomie du peuple basque au Moyen-Age. Mais je me perds un peu dans ses rues "nouvelles". Je ne finis que par m'émerveiller de la présence d'une cabine téléphonique...

Guernica, cabine téléphonique (Espagne)
Alors, t'as qu'à voir !

Le temps passe. La lumière naturelle s'affaiblit. Fin de journée approchante. Je n'ai toujours pas atteint mon objectif du jour qui est  -rappelons-le- Gaztelugatxe !
Je retrouve la route côtière qui, dans un premier temps, longe la Mundakako Itsasadarra, l'estuaire de Mundaka.
Après quelques kilomètres de route droite, j'entre dans Mundaka.

Mundaka, la ville (Espagne)

Si Guernica est malheureusement célèbre pour les bombardements de 1937, Mundaka, elle, est connue pour tout à fait autre chose. Ici, c'est la vague de gauche la star !
Mais qu'est-ce qu 'une "vague de gauche" ?
"Mundaka, localité de la Réserve de la Biosphère d'Urdaibai est particulière fière de sa vague gauche considérée comme la meilleure vague d'Europe de cette catégorie et qui attire tous les ans de nombreux surfeurs et visiteurs du monde entier.
Cette vague qui prend naissance dans la barre de Mundaka et termine sur la plage de Laida se forme par des vents de sud - sud-ouest et peut atteindre 4 mètres de hauteur et 400 mètres de long. Sa forme de tube qui permet aux surfeurs d'admirer toute la côte depuis son intérieur lui donne une valeur supplémentaire. C'est l'une des plus longues vagues du monde."  BILBAOTURISMO

La réserve de la biosphère d'Urdabaï, c'est un espace naturel formé par de grands marais et 12 km de grands bancs de sable qui servent de refuge à des milliers d'oiseaux migrateurs. Il se développe tout le long de la ria de Mundaka que l'on peut apprécier depuis un ponton, à l'Est de la commune. Parfois, avec l'enneigement des montagnes environnantes, Mundaka a alors des airs de fjord norvégien.

Mundaka, Mundakako Itsasadarra, mer et montagnes (Espagne)

Et puisque nous parlons de fjord et d'eau, une légende attribue le nom de Mundaca à l'expression latine munda aqua (eau propre).
"Selon cette histoire il est arrivé à la côte de Mundaka un navire en provenance d'Écosse qui portait une princesse qui avait été exilée de sa terre. Les Écossais ont appelé dans leur langue latine (sic) au lieu Munda aqua puisqu'ils ont trouvé une source d'eau très propre qui contrastait avec les eaux troubles de la ria d'Urdaibai. Cette princesse aurait eu un fils que l'on nommera plus tard Jaun Zuria et deviendra, selon cette légende, le premier Seigneur de Biscaye. Par cette légende il serait en outre expliqué pourquoi Mundaka occupait le premier plan parmi les elizates de Biscaye." WIKIPEDIA


Mundaka est certes une petite commune, mais elle est charmante. Son activité se concentre essentiellement autour de son port de pêche.

Mundaka, le port (Espagne)

Ce port est "illustré"... ouais j'invente des expressions comme ça, des fois... Je trouve plus poétique  -car je suis un salopard de poète en plus d'être un putain de romantique-  d'utiliser le verbe "illustrer" que le verbe "entouré". Voilà. C'est comme ça, c'est dit.
DONC le port de Mundaka est illustré de belles façades aux couleurs basques. Bars et restaurants animent le lieu avec leurs terrasses. Non loin de là, un parc où les habitants viennent se retrouver pour parler, lire ou prendre l'apéro. Tout autour du port aussi règne une belle activité sociale.
Aux abords de ce parc, l'église Santa Maria quelque peu discrète. Construite au XIème siècle, elle fut détruite par de nombreuses batailles.
Dans un autre domaine, non loin de l'église, la boutique Mundaka BC propose vêtements, souvenirs, coin de lecture et expositions d'artistes locaux. L'idée des propriétaires de cette boutique est de soutenir les marques locales, c'est pour cette raison que presque toutes les enseignes du magasin sont basques : Loreak Mendian, Kukuxumuxu, Skunk Funk, etc. Elle a également sa propre marque de vêtements. Toujours dans cette boutique, on découvre un espace appelé Ithaka Books Corner. Aménagé pour rapprocher les peuples par la culture et l'histoire basque, on y trouve, entre autres, quelques ouvrages d'Ernest Hemingway. L'écrivain-journaliste américain a passé quelque temps dans la région.
Une route a même été "créée" pour reprendre les différents lieux
où il aimait se rendre pour retrouver "ses amis basques".
route Hemingway
Carte : Casarural Kanala

On a plutôt tendance à parler d'Ernest Hemingway lorsque l'on se rend à Pamplune et se remémorer les mots de son livre "Fiesta", plus connu en France sous le nom de "Le soleil se lève aussi" en 1926, son premier roman.
Pendant neuf ans, il assista aux fêtes de la Saint-Firmin. Un parcours Hemingway dans la ville de Pampelune emmène le touriste sur les traces de l'écrivain nobélisé en 1954 ; de l’élégant café Iruña à sa statue massive devant les arènes en passant par la chambre 217 du Gran Hotel La Perla, où il se logeait pour assister aux encierros depuis le balcon surplombant la rue Estafeta (cf : La route basque d'Hemingway).

Et puisque nous parlons de route, reprenons-la.
Le temps passe, le temps presse. Je me souviens, comme ça, au passage d'une citation de Pierre Dac :
"L'avenir, c'est du passé qui se prépare."
Ce serait bien, cependant, que j'arrive à hauteur de Gaztelugatxe avant la nuit ; histoire de voir si le lieu a beaucoup changé depuis l'an 2010 quand je m'y étais rendu pour la dernière fois.

J'arrive à Bermeo où il est impossible de ne pas s'arrêter pour se poser quelques instants devant la belle vue sur le port et ses habitations environnantes.

Bermeo, le port (Espagne) 

Ce n'est pas la plus belle vue de la ville, mais je n'ai plus le temps de m'arrêter, hélas.
Même d'ici, de cette route BI-2235 qui surplombe la ville portuaire, il y a vraiment quelque chose de réconfortant dans ces villes, villages et stations de bord d'océan basques espagnoles. Chaque fois, on a cette impression que le port est un refuge contre et autour duquel les différentes habitations et commerces viennent se greffer, comme un enfant vers ses parents. Bien blottis.
Il faut dire que depuis le XXème siècle, Bermeo s'est lancée vers la mer avec un plus grand élan que jamais, recourant à toutes les avancées technologiques, arrivant de cette façon à un essor extraordinaire et se maintenant dans l'avant-garde des flottes de pêches côtières. Elle possède aussi une importante flotte de haute mer, ainsi qu'une structuration industrielle de pêche extraordinaire.
Il n'y a pas moins de trois ports ici : le port commercial, le port de pêche et le vieux port ; tous les trois contemplables (mais si, ça se dit !) depuis le Gaztelu.

Mais Bermeo, comme la plupart des villes côtières que nous avons traversées durant ce périple, est aussi à flanc de colline ou de montagne. Une plongée vers l'océan ; et ce depuis le Jaizkibel entre Fontarrabia et San Sebastian. Ce qui lui confère un charme à part.
Ici, à Bermeo, la colline en question se prénomme Mont Sollube. Pas soluble : Sollube.
C'est sur ses flancs que Bermeo est venue se poser, entre terre et océan. La ville ne se dissout pas dans le golfe de Gascogne espagnol. On peut visiter le Musée du Pêcheur, s'aventurer au casino de Bermeo inspiré des châteaux français, visiter l'église Santa Eufemia, de style gothique et, bien sûr, la vieille ville, l'un des centres historiques les plus anciens et les plus  grands d'Euskal Herria. 
On découvre également plusieurs statues représentant des artistes, des marins ou des agriculteurs, des personnages importants pour la ville.

Eh oui. Mais je n'ai plus le temps de m'arrêter !
Le soleil semble regarder sa montre.... n'importe quoi... tout en commençant à se fondre avec l'horizon océanique.

Depuis Bermeo, je suis dans un dernier baroude d'honneur la Route BI-631 aux multiples panoramas. Dans le poste-radio-clé USB, c'est Rodolphe Burger et ses musicalités envoutantes de guitares accompagnées de sons divers rythmés qui accompagnent les virages aux panoramiques sur la côte déchirée...

Et c'te Stephan Eicher ! Et ce son. Musique parfaite pour ce lieu. 12 kilomètres de lacets agréables sur l'asphalte, entre terre et mer. Panoramas et collines. Vue bouchée. Vue dégagée. Tiens, au détour d'une courbe, l'île Akatz un peu au large, petit rocher, avec une végétation rare qui héberge une importante population d'oiseaux...

San Juan de Gaztelugatxe, autre îlot (Espagne)

Et puis la voici en vue. L'objectif du jour, le but. Presqu'île mystérieuse de par la présence qui figure sur cet îlot. San Juan de Gaztelugatxe semble ne pas vouloir se détacher de la terre, sans vouloir y rester. Demeurer à part. Indépendante, elle aussi.

San Juan de Gaztelugatxe, vue panoramique (Espagne)

Je me rapproche du but.
L'idée est de retourner sur les hauteurs de cet ilot en passant sur les 200 mètres de pont piétonnier séparant l'îlot du continent pour, ensuite, gravir les 241 marches  -en partie creusées dans la roche-   pour atteindre le monastère situé à 50 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Je me gare sur le parking visiteur. Je me rends à l'endroit de passage pour atteindre le chemin à Gaztelugatxe... Et... Et... Barrage !
Deux personnes dans un petit guichet en bois me demandent en espagnol si j'ai réservé. Je leur dis que non. Eh bien, l'accès n'est pas possible sans réservation par internet au préalable.
"Mais je suis là, sur place. Je peux payer directement et passer !"
"Ah non, l'accès au site ne se fait que si vous avez une entrée réservée au préalable sur internet."

Bah merde ! Qu'est-ce que c'est que cette connerie ?! On en peut plus accéder à un site presque naturel si on n'a pas réservé pas sur internet avant ? Et si les gens qui ont réservé sur internet à l'autre bout du monde il y a trois mois, ne viennent finalement pas aujourd'hui, je ne peux pas prendre leur place ?
Bon... On discute un peu avec les deux jeunes personnes responsables... ou plutôt chargées de refouler les gens sans billet. Ils m'expliquent que depuis quelques années, le site est devenu une des attractions touristiques les plus courues de la côte basque ; notamment avec le tournage de quelques épisodes de la septième saison de la série télé à succès "Games of Thrones" (cf : Ouest-France). Gaztelugatxe s'appelle alors Dragonstone.
Bon. Ben comment faut faire pour accéder au site ?
Eh bien, il faut se rendre sur le site INTERNET et réserver une entrée gratuite au préalable : https://www.tiketa.eus/gaztelugatxe.
Ben voilà ! En attendant, tu peux regarder le monastère et son ilot depuis le parking. Ce qui donne à peu près cela.

San Juan de Gaztelugatxe, vue panoramique

San Juan de Gaztelugatxe, vue panoramique

Bon. Oui. C'est intrigant. C'est captivant, envoutant. On a envie d'y aller voir de plus près. Mais non.

Euh....

Que dire sur le lieu sans y aller ?
En même temps, quand on revient sur ce périple, je suis passé dans quelques villes et villages sans m'y arrêter forcément très longtemps ; voire même pas du tout.
Bon... Allons sur les sites internet pour voir qu'est-ce qu'ils disent sur San Juan de Gaztelugatxe ; tout en utilisant les photos que j'avais faites en 2010.

Tout d'abord, plusieurs hypothèses sur l'étymologie du nom Gaztelugaxte :
1) "château [perché sur un] rocher" du basque "gaztelu" = château, et "aitz", pierre, roc, rocher, soit "Château érigé sur un roc".
2)  "gatxe" (gaitz, gaizki), pierreux, difficile, mauvais, maudit, voire par substantivation Le Mal, soit Château maudit.

San Juan de Gaztelugatxe, au pied de l'escalier (Espagne)      San Juan de Gaztelugatxe, panorama (Espagne)Jénorme à San Juan de Gaztelugatxe (Espagne)

Ici, comme sur une grande partie de la côte basque, les vagues de l'océan Atlantique érodent sans cesse les rochers, façonnant des cavités, des arches et des îles.
Par ces faits naturels, Gaztelugatxe est percée de plusieurs passages souterrains et possède de nombreuses grottes, dont certaines ont été aménagées.
On évolue sur une surface de 270 mètres de long pour 80 mètres de large.

San Juan de Gaztelugatxe, escaliers (Espagne) 

Pour accéder à l'ermitage, -puis à l'église située à 50 mètres au dessus du niveau de la mer-, il faut donc emprunter un pont étroit, puis gravir 241 marches creusées en partie dans la roche. Durant cette ascension, on croise les 14 stations du chemin de croix.

San Juan de Gaztelugatxe, croix et escaliers (Espagne)       San Juan de Gaztelugatxe, escaliers et côte sud(Espagne)

La construction de l'ermitage remonterait au IXème siècle ; celle de la petite église du Xème église.
Il a connu une histoire mouvementée, faite de pillages, d'incendies et de batailles.
En 1334, c'est ici que que Juan Nuñez de LaraSeigneur de Biscaye, affronte Alphonse XI, roi de Castille.
En 1593, l'ermitage est mis à sac par Sir Francis Drake et son armée de corsaires. En 1594, il est attaqué par les Huguenots venus de La Rochelle.
Pendant l’Inquisition espagnole, l’Église catholique traque les hérétiques jusque dans les environs de l’île. Certains récits suggèrent que des femmes soupçonnées de sorcellerie furent enfermées dans les grottes de Gaztelugatxe.
Abandonné par les religieux qui ont pris avec eux toutes les objets de valeur, le site continue d'être fréquenté par les habitants des alentours, notamment les marins ayant survécu à un ou des naufrages ainsi que les couples soucieux de fertilité ; d'où la présence de nombreux ex-votos dans le sanctuaire.
Au XVIIIème siècle, le site est une nouvelle fois saccagé par des troupes anglaises avant d'être complètement reconstruit en 1886. Les objets retrouvés (pièces, boulets de canon) sont jugés sans importance et jetés à la mer ; ce qui amène aujourd'hui bon nombre de plongeurs autour de l'îlot.
Le 10 novembre 1978, le site est détruit dans un incendie. Restauré par des bénévoles, il réouvrira deux ans plus tard.

Et une fois en haut, on découvre le monastère, situé à 50 mètres au dessus du niveau de la mer.

San Juan de Gaztelugatxe, escalier vue d'en haut (Espagne)

Jénorme à San Juan de Gaztelugatxe         San Juan de Gaztelugatxe, ermitage (Espagne)

San Juan de Gaztelugatxe, le monastère        San Juan de Gaztelugatxe, le passage (Espagne)

"La légende veut que saint Jean Baptiste ait débarqué à Bermeo. Il aurait atteint l'îlot en trois enjambées, laissant une empreinte à chacun de ses pas, la dernière au sommet de l'île, et sur laquelle il aurait ordonné de construire l'ermitage. La tradition basque recommande après la pénible montée, de faire sonner trois fois (chiffre tiré du nombre des pas du saint) la cloche du sanctuaire en faisant un vœu. À l'origine de la tradition, il s'agissait d'effrayer les mauvais esprits." WIKIPEDIA

Aujourd'hui  -et depuis l'afflux de touristes en rapport avec la diffusion des épisodes de "Games of Thrones"-, il est interdit de faire sonner la cloche afin de protéger la quiétude et la reproduction des oiseaux.

Ainsi qu'une vidéo où, à l'époque, je savais me taire...

 

Bon. Depuis le parking sur lequel je suis resté, je lance un dernier regard sur Gaztelugatxe...

San Juan de Gaztelugatxe, vue d 'ensemble, profil (Espagne)

San Juan de Gaztelugatxe, vue d 'ensemble


Et je repars.
Direction Bilbao pour récupérer Nicouane à l'aéroport.
Fin de ce beau périple le long de la Côte Cantabrique.

 

 

Commentaires
F
Merci à toi pour ce périple! j'ai retenu bien sur, Gaztelugatxe!!! Cela doit être fantastique de visiter cet Ermitage!!! Bisous Fan
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