La Bretagne du Nord : le diable, la vierge et la caillasse
RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS
Alors, l'autre jour, une personne me disait : "Mais c'est pas toi qui prend toutes ces photos ?!"
Je lui ai répondu : "Ben si ! Quand elles ne sont pas de moi, je cite l'auteur ou je dis que ce sont des cartes postales."
Alors, y'm'fait : "Ah bon !"
J'y ai dit : "Ben ouais !"
DE NOS JOURS, MAIS UN AUTRE JOUR
Dans les périples, il y a parfois d'étranges coïncidences. Et c'est pas Kieslowski qui me dira le contraire !
Je résume brièvement car, de toute façon, ça ne mérite pas plus de deux lignes d'explications, bien que, déjà, je sois en train de m'enfoncer dans des variations quelconques en rapport avec un sujet qui n'est, somme doute, pas aussi important qu'il ne semble commencer à vouloir l'être. Ceci étant dit, reprenons !
Alors que je quitte l'église de Kernascléden et sa Danse Macabre accompagnée d'une représentation de l'Enfer pas piquée des hannetons, je prends à présent la direction de Huelgoat. Cette ville est connue pour ses rochers et ses légendes, étroitement liés avec le Malin.
Et c'est là qu'intervient la coïncidence ! Pile poil entre ces deux villes à présence "maléfique", il y a un lieu-dit en arbitre...
Dans ce bled, pas grand chose à signaler, hormis deux chiens pouilleux, une femme qui tentait d'escalader son hangar avec un pinceau et une quantité incroyable de chapelles. Autres anecdotes : en 1743, la célèbre brigande Marion du Faouët dévalisa le presbytère et la sacristie de Le Saint tandis qu'en 1752, son frère Corentin Tromel, qui résidait à Ty Poder, agressa mortellement le meunier de Pont-Briant, Jean Henry.
Quelques kilomètres plus loin, au Nord, j'arrive à...
HUELGOAT
Au-delà du village sympathique, c'est surtout pour cet impressionnant chaos de gros cailloux ronds que touristes et promeneurs viennent ici. Certains appellent ce site le second Brocéliande tant les légendes y sont nombreuses.
Ils sont bien gentils, mais, bon, un seul Brocéliande en Bretagne, ça suffit bien et c'est pas le père Nick qui dira le contraire.
Mais que nous dit la légende à propos de cet étrange lieu naturel...
"Ayant fait halte, un jour, au Huelgoat, pour satisfaire son copieux appétit, Gargentua demanda à manger à ses habitants qui ne lui donnèrent qu'une mauvaise bouillie de blé noir. Furieux, il s'en alla sur-le-champ, bien décidé à se venger. Arrivé dans le Léon, il se saisit des plus gros rochers, polis depuis la nuit des temps par l'ocan et les lança par-dessus les montagnes d'Arrée, sur le Huelgoat et sa forêt où ils gisent désormais si nombreux."
Bon, c'est vrai : en photo, ça rend pas terrible car on ne se rend pas compte de la taille des rochers. C'est comme tout : le mieux, c'est d'y aller.
Passée cette première surprise, je pénètre dans le chaos par un petit sentier. La première étape marquante est signalée par un panneau de toute beauté.
LA GROTTE DU DIABLE
Bon ben, eh : on joue le jeu ! On se fout les boules ! Le Diable ! Je me fous sur un des rochers et je crie : Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhh !!!!!
C'est marrant. D'un coup là, comme ça, je me souviens d'un truc.
Lorsque j'étais en CM1, je m'étais déguisé en Diable pour le Carnaval de l'école primaire Georges Guynemer, à Nevers.
Là, en rouge avec un chapeau de fête du Nouvel An, c 'est oime !
Je ne sais pas ce qu'il m 'avait pris ce jour-là. Pourquoi le Diable ?
Par contre, je me souviens très bien que Fred, le gars qui est coupé en deux à la droite de la photo, était allergique au maquillage. Du coup, le lendemain et pendant trois jours, il est venu à l'école avec la tête complètement enflée, genre Elephant Man. On se foutait de sa gueule en lui disant : "Allez, c'est bon, tu peux enlever ton masque, c'est fini Carnaval !" Et il chialait, et il chialait.
Je me souviens aussi du gars avec le chapeau de cow-boy juste derrière. Lui, il n'avait pas trop d'amis, mais son objectif en ce jour de carnaval, c'était d'apparaitre sur toutes les photos que prenait le photographe venu spécialement. Je crois qu'il y était arrivé.
Bon bref. Revenons à la grotte du Diable.
Je veux bien aller voir, mais j'aimerai bien savoir qui est vraiment le Diable ?
"Le Diable est l'esprit ou le principe du mal selon les religions du Livre. Dans la tradition chrétienne, il s'agit d'un ange déchu. Contrairement à une croyance populaire, il n'est pas l'opposé de Dieu, comme le dit Priscillien, car en tant qu'ange, il est et reste une des créatures de Dieu. Il représente la personnification du mal, personnification qui apparaît au VIème siècle avant J.C. Son aspect varie entre l'homme et l'animal réel ou imaginaire (bouc, dragon, rapace, Robert De Niro,...), le plus souvent aux traits hideux et repoussants." WIKIPEDIA
Dans plusieurs lieux touristiques de Bretagne (le moulin de Guérande, Saint Cado,...) et de France (rien que pour les ponts dits du diable), on retrouve cette allusion au Malin et au fait de vendre son âme au Diable.
Papini (rien à voir avec la symbiose de deux footballeurs que sont Michel Platini et Jean-Pierre Papin) a écrit : "Dieu ne s'est incarné qu'une seule fois, dans le Christ, pour s'offrir en victime aux hommes. Le diable s'est incarné d'innombrables fois, en une quantité de personnes et de formes, et toujours aux dépens et à la honte des hommes".
Renfloué par toutes ses recommandations, j'amorce la descente dans la grotte par un escalier casse-gueule qui disparaît dans une mince brèche.
J'arrive au fond d'une cavité. Je prends une photo.
Voici, en exclusivité, pour toi,
LE FOND DE LA GROTTE DU DIABLE !
Eh ouais, c'est flou. Hein ? Non, non, non, je n'ai pas loupé la photo ; c'est vraiment comme ça. Finalement, ça ressemble un peu au parking de Sébi !
Une fois ressorti, je recherche des explications à la signification de ce nom pour ce lieu.
Deux interprétations sont données.
1) La légende raconte que lorsque l'on descend dans cette grotte, on se présente aux portes de l 'Enfer. 99 auberges s'égrènent sur votre chemin, où des fées vous proposent du vin ; celui qui terminera sa route tout à fait sobre sera épargné de toute damnation diabolique.
Ouais ben, pas vu une auberge, ni une fée, ni de vin.
2) Son nom viendrait en fait de l'histoire d'un Bleu de Berrien, partisan de la Révolution, poursuivi par les Chouans. Il se serait alors réfugié dans cette grotte et aurait allumé un feu. L'ombre de son chapeau, décoré de plumes, et la grande fourche qu'il tenait en main aurait alors terrifié ses assaillants qui s'enfuirent en criant "au Diable !", croyant voir en cette ombre le Malin.
Ouais ben. OK !
Continuons la visite pour atteindre...
LE MÉNAGE DE LA VIERGE
Ah ouais ?!
Consultation de la brochure touristique :
"En se faufilant sous les rochers,
on reconnaît des cavités formant
un chaudron, un lit, un berceau..."
Ah ouais ???!!!
Consultation d'une carte postale achetée en ville un peu avant.
LE MÉNAGE DE LA VIERGE
en carte postale
Ouais ben !
Allez, on se dépêche. J'ai pas qu'ça à foutre non plus !
Un peu plus haut et plus loin, voici...
C'est une sorte de gros rocher placé sur une pente, en équilibre. Parait-il qu'il est possible d'ébranler ses 100 tonnes si tu trouves son point de faiblesse d'une simple pression du dos. J'ai essayé... Que dalle ! En même temps, est-ce bien utile d'essayer de le faire bouger ? Une chose de sûre : elle n'a pas la même tronche sur une carte postale.
LA ROCHE TREMBLANTE
en carte postale
Je continue mon bonhomme de chemin en évitant soigneusement le camp d'Arthus et sa grotte, les mares aux sangliers et aux fées, la rivière d'argent, etc. parce que...
eh, oh, hein, bon !
...pour arriver au...
CHAMPIGNON
Ils disent : "Attention champignon !" et quand tu arrives, tu vois un rocher en forme de champignon. OK, d'accord !
CONCLUSION :
En fait, comme toute légende, la vérité est beaucoup plus 'nuancée' ; un peu comme l'histoire qui a poursuivi la maison d'Amityville pendant des années.
Point de légendes il n'y a ! Tout ceci est le résultat du travail incessant, bouleversant, intriguant, passionnant de Dame Nature.
Explications :
"Sous la pluie ou sous le soleil, Huelgoat, qui signifie 'haute forêt' en breton, a tout d'un enchantement : au son de la musique des ruisseaux, tapis sous les fougères et les mousses, la forêt semble frémir des mouvements imperceptibles d'un peuple malicieux."
Mais ne nous-y-trompons pas !
"Établie sur un relief accidenté, dont l'altitude oscille entre 80 et 220 m, la forêt prend place sur un socle granitique où affleurent des filons de porphyre, de mica noire ou blanc, de plomb et d'argent. L'érosion des sols a dégagé d'étonnantes boules de granite, aux dimensions parfois spectaculaires et aux formes étonnantes qui, couvertes d'une mousse d'un vert intense, composent sous la lumière tamisée par les feuillages un décor féerique.
Traversé par le cours de l'Argent (ça s'invente pas !), qui rebondit sur les chaos rocheux (eh oui !) en cascades rafraîchissantes puis se perd dans un gouffre (tu m'étonnes, surtout en fin de mois), la forêt compose un univers profondément minéral." EDITIONS ATLAS
Il était grand temps de reprendre la route en direction de la mer...