La cathédrale de Jean Linard (18)

Je sens de l'inquiétude dans le regard qui se pose sur ce nouveau billet au titre : "Ohlalala, il va encore nous parler d'églises, comme dans les autres billets titrés "Les églises sont ouvertes" !!!!"
Eh ben non !
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Ah ben non, cette fois-ci, il ne s'agit pas d'église !
Visons plus grand, plus haut, plus fort ! Visons une cathédrale !!!! Mais oui, bien sûr, elles sont ouvertes elles aussi ! Il n'y a pas de raison qu'on les oublie !!!
Mais quelle cathédrale choisir ? Et comment la choisir ? Et où la trouver car, contrairement aux églises, tout village ou ville n'a pas sa cathédrale. Alors tu vois le truc : tu te dis : "Tiens, je vais aller à Ménil-Gondouin et je vais en profiter pour visiter la cathédrale."
ET PAF : NON ! Grosse erreur car il n'y pas de cathédrale à Ménil-Gondouin, c'est une église. L'église Saint-Vigor de Ménil-Gondouin. Eh ouais, faut faire gaffe ! Après, tu n'y perds pas au change car cette église est très particulière. Entre 1873 et 1921, elle a été décorée intérieurement et extérieurement par l'abbé Paysant. Sols et murs sont ainsi recouverts d'écritures saintes et de citations peintes ou gravées. D'innombrables statues, tableaux et symboles divers sont également disposés dans l'église.
Peut être, un jour, fera-t-elle l'objet d'un prochain périple.

En attendant, qu'est-ce que c'est que cette cathédrale de Jean Linard ?
A-t-elle un rapport avec...

La cathédrale de Nevers ?                                                               La cathédrale de Bordeaux ?
                    

La cathédrale de Beauvais ?                                              La cathédrale Notre-Dame de Paris ?  
                    

La cathédrale de Bourges ?                                                            La cathédrale de Bayonne ?     
                   

La cathédrale de Poitiers ?                                                    La cathédrale de Cologne ?
              

            La cathédrale de Rouen ?                                           La cathédrale de Prague ?
               

Eh bien non ! La cathédrale de Jean Linard a son autonomie et sa propre identité ; voire même sa "propre ville".
Alors c'est où ? C'est quoi comme ville Jean Linard ? Pourquoi ? Comment ? Quand ?

Ah, ah, ah ! Calmes-toi !

La cathédrale de Jean Linard est située dans le département du Cher. On a bien avancé, là. Entre Sancerre et Bourges. OK. À deux pas de Neuvy-Deux-Clochers. Voilà.
Allez salut !

Non, bon, allez, on se reprend : comment aller de Nevers à la cathédrale de Jean Linard ?
Eh bien, tu peux y aller à vélo, à pied, en tricycle, en skate, mais pas en bateau, ni en paddle et encore moins en avion. Nous allons donc privilégier, une fois n'est pas coutume (deux fois non plus d'ailleurs), la voiture.
L'autre particularité de ce lieu à atteindre aujourd'hui, c'est que d'après les dernières informations touristiques, la cathédrale de Jean Linard serait fermée, voire à l'abandon. Ah ? Merde.
En cette période où les médias nous parlent de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame à Paris après l’incendie qui la détruisit en partie il y a deux ans en avril 2019, je reste dubitatif. Alors quoi : on reconstruit Notre-Dame et on laisse tomber Jean Linard ?!
Bon... J'y vais quand même. Juste pour approcher au plus près le site. Si je ne peux pas y entrer, tant pis. Je resterai devant en me recueillant.
L'itinéraire du jour est donc le suivant :

NEVERS → POUGUES-LES-EAUX → LA CHARITE-SUR-LOIRE → HERRY → SAINT BOUIZE → THAUVENAY → SANCERRE → BUE → CREZANCY-EN-SANCERRE → NEUILLY-EN-SANCERRE → NEUVY-DEUX-CLOCHERS → Cathédrale Jean Linard     75km

ALLEZ,
C'EST PARTI !

Je pars de Nevers où se trouve une cathédrale à l'abandon qui n'est pas une cathédrale puisqu'il s'agit de l'ancienne maison de l'Agriculture.

NEVERS
             

             

Intrigante batisse délaissée, située en centre ville. Vitres cassées, rideau volant au vent des courants d'air. Un amas de tole et de verre scrutant la ville avec aplomb, d'une hauteur incertaine, renvoyant l'humain à son éternel besoin de construire des édifices neufs au mépris d'anciennes constructions. Comment peut-on laisser un tel édifice dominant dans un tel état ? Question.

Aux dernières nouvelles, elle aurait trouvé un repreneur pour 401 001 euros après avoir été (re)mise aux enchères en mars dernier pour 50 000 euros. Elle avait été vendue pour 1 euro symbolique en 2017. Autant te dire que cela fait un bout de temps que le bâtiment est à l'abandon, telle une grosse verrue urbaine.
Que pourrait-on faire de ce bâtiment ? Faut-il le raser ? Faut-il en faire un restaurant sur plusieurs étages ? Ouvrir des bureaux ? Faire des appartements ? Un centre commercial vertical ?

Je quitte ce lieu et Nevers, préfecture de la Nièvre
où les bus roulent tout seul...

...pour prendre la direction du nord par l'ancienne Nationale 7.

♪ De toutes les routes de France d'Europe ♪
Celle que j'préfère est celle qui conduit ♪
♪ En auto ou en auto-stop
Vers les rivages du Midi ♪
♪ Nationale 7 ♪
(Charles Trenet)

Prochaine ville croisée : Pougues-les-Eaux.
Un peu avant d'arriver dans cette commune thermale  -ou anciennement thermale, je n'arrive pas à savoir s'il y a encore moyen de suivre une cure-, je me dirige vers le Mont Givre, sur les hauteurs de la ville pour aller voir un autre bâtiment laissé à l'abandon...
Non, ce n'est pas une cathédrale, mais l'ancienne maison du diabète qui fut ensuite un centre de gériatrie.

POUGUES-LES-EAUX

                  

L'activité du centre de gériatrie s'est déplacée à Nevers en mai 2014, laissant à l'abandon cet immeuble. Des gens sont venus chercher ce qui pouvait avoir de la valeur et puis... Plus rien. Là aussi, le vent s'engouffre dans les couloirs chahutés par les vitres cassées. Meubles renversés, placards ouverts, plomberie éclatée. Tout est allé très vite.

Je reprends la route. Nationale 7 toujours.
J'amorce la descente sur Pougues-les-Eaux.
Sur le côté droit de la route, dans un virage, une stèle.
Celle-ci rend hommage à Renée Fridrich qui trouva la mort
en ce lieu lors du Rallye Automobile Féminin Paris-Saint Raphaël en 1932.
Elle avait 20 ans.

Je quitte Pougues-les-Eaux.
Route de campagne longeant l'A77, dite Autoroute de l'Arbre. Tronsanges, petite commune où on trouvait des bars et restaurants du temps où la Route Bleue raliait Paris à Menton, permettant à des milliers de vacanciers de se rendre de la capitale à la mer Méditerranée. Congés payés.
Après Tronsanges, La Marche. Tout court. Pas de République en.
Non, juste La Marche.

Très calme. Mignon. Pas grande. Tout en ligne droite. Bords de Loire à l'Ouest.
Étonnant d'apprendre qu'au Moyen Age, ce village était une des villes les plus importantes du Nivernais, grâce notamment à ses vignes. Coïncidence ou pas, c'est également ici qu'est né Jean Linard, le 11 juin 1931. Et qui est Jean Linard ? Eh bien celui qui a conçu une cathédrale, non loin de Neuvy-Deux-Clochers. C'est là qu'on va !

Après La Marche, nous arrivons à La Charité-sur-Loire. Encore un bien étrange nom de ville.
LA CHARITE :" Dans la théologie chrétienne, amour de Dieu et du prochain comme créature de Dieu. Acte charitable, bienfait ; faveur." LAROUSSE

J'ai déjà parlé de cette belle ville nivernaise sur ce blog ; notamment en août 2012 lors d'un périple sur la piste "La Loire à vélo".
Ici, pas de cathédrale, mais un prieuré. Grandiose.

On pourrait parler pendant des heures de cet édifice religieux en rappelant que.....

"Le prieuré, fondé en 1059 par le puissant ordre de Cluny, est le noyau autour duquel la ville va se développer. Étape majeure sur les chemins de Compostelle et point de passage obligé sur la Loire, le monastère s’est enrichi et a très vite joué un rôle essentiel au sein du réseau clunisien. La Charité-sur-Loire devient une des cinq « fille aînée de Cluny » et étend son influence sur 45 prieurés et 400 dépendances. Au XIIè siècle, l’église Notre-Dame est la deuxième plus grande église de la chrétienté après Cluny, plus de 200 moines logent dans les bâtiments, s’étendant sur 3 hectares. (...)"  NIÈVRE TOURISME

Mais je préfère juste repenser à ce petit édifice au pied du grand prieuré : la maison dite du nain.

              

C’est dans cette discrète et minuscule maison qu’aurait été logé le fossoyeur qui travaillait dans l’ancien cimetière, un homme de petite taille assurément. Face à cette petite habitation, tu ne peux t'empêcher de penser à ce que devait être la vie de cet homme. Etait-il toujours seul ? Comment occupait-il ses soirées d'hiver ? Etait-il considéré comme un paria par les occupants du prieuré et par les habitants de La Charité-sur-Loire ? Quel contact avait-il avec les gens lors des enterrements ? Lisait-il ? Que mangeait-il ?
Je n'ai trouvé aucune réponse à ces questions. Peut être que quelque part, dans la ville, chez un des nombreux bouquinistes de la commune, il y a un livre qui parlerait de la vie et de l'histoire d'un de ces fossoyeurs.

BREF : On aurait pu dire tant de choses sur la ville de La Charité-sur-Loire, ville du mot, du livre, des bouquinistes, du coteau du Charitois, d'Auguste Grasset... mais il y a encore de la route à parcourir pour atteindre notre objectif du jour.

Je traverse le pont de Loire récemment rénové pour rejoindre la D7. Nous sommes à présent dans le département du Cher.
Cette petite route D7 longe la Loire, ainsi que le superbe itinéraire cyclable de La Loire à vélo.
Quelques kilomètres plus tard, traversons Herry où les habitants sont appelés les... Si, si... c'est pas une connerie... les habitants d'Herry sont appelés les... Hérissons. Malheureux Hérissons qui, crise sanitaire covid oblige, ne peuvent pas se rendre dans les bars toujours fermés.

Quelques kilomètres plus tard pour ne pas dire plus loin, autre petite commune tranquille : Saint Bouize.

Alors, comme ça, de prime abord, lectrice/teur que tu es, peut être te dis-tu : "Mais pourquoi prendre une photo de ce panneau ? C'est pas vraiment drôle..."
Pas faux. Encore que bouize, mouise, le saint de la mouise... Non...
Si je parle de Saint-Bouize ici, c'est parce que ça me fait penser à Jean Bouise. Oui, c'est comme ça. Sur la route, on croise des noms qui font penser à d'autres noms.
Jean Bouise, acteur, né le 3 juin 1929 au Havre et mort le 6 juillet 1989 à Lyon. Jean Bouise, grand acteur de théâtre. Jean Bouise, grand acteur de cinéma. Troublant, inquiétant, rassurant. Voix chaude. Moustaches et lunettes. Jean Bouise, pour moi, c'est ce rôle dans "Coup de tête"...

Excellent film de Jean-Jacques Annaud avec Patrick Dewaere, daté de 1979, et mettant en lumière le monde hypocrite du foot et de l'humain en général lorsque celui-ci est rattrapé par ses intérêts personnels et financiers. On pourrait en parler pendant des heures de ce monde footballistiques avec ces joueurs se roulant par terre pour 15 millions d'euros par mois les obligeant à collectionner les bagnoles de luxe dans le garage de leur grande villa, mais on n'a pas le temps. Comme nous n'avons pas le temps de parler des nombreux autres films et des nombreuses pièces de théâtre dans lesquels Jean Bouise à jouer.

On continue. À l'entrée de la charmante commune de Thauvenay
où passe poétiquement le canal latéral à la Loire, un panneau m'intrigue.

La bête noire ?!
C'est pas méchant : il s'agit d'une ferme qui se visite et
où on fabrique le fameux crottin de Thauvenay... de Chavignol.

Maintenant, on quitte les bords de Loire et les rives du canal latéral à la Loire pour prendre un peu d'altitude. Et cette altitude a un nom...

SANCERRE

Ah, attends, j'ai mal cadré la ville. On la refait.

SANCERRE

Voilà, on voit mieux là !
Il y a un réflexe incontournable quand on est à la montagne : quand on est en bas, on regarde en haut. Et quand on est en haut, on regarde en bas.
Alors que voit-on quand on est au sommet de Sancerre ?

Eh bien ceci !

Et ceci, c'est Saint-Satur, commune située au pied de la butte sancerroise, lovée entre le grand viaduc ferroviaire de 26 arches et le fleuve sauvage Loire.

Sancerre est connue, bien sûr, pour ses cépages, son vin, ses cépages, mais aussi son vin.
Il y a pourtant autre chose que les habitants  -ou du moins certains habitants-  aimeraient que l'on mette en lumière à propos de Sancerre.
Et cette chose, c'est...
Le lichou. Ben oui, ben oui.
Et qu'est-ce que c'est le Lichou ?
Eh bien, c'est un petit gâteau à base de pâte d'amande et d'un autre truc qui est gardé secret par son concepteur.
Voilà, merci.

Reprenons la route. Magnifique route qui serpente à travers les vignes. Buttes, panoramas, ceps.
Je passe Neuvy-Deux-Clochers où je ne vois... qu'un clocher. C't'arnaque. Je sors du village par l'ouest en empruntant la D49. Jolie petite route de campagne laissant filer son asphalte entre de grands champs. Montée, descente. Polyculture, élevage. Les vignes ont soudainement disparu.
Six kilomètres plus tard, je passe un petit hameau baptisé Les Grenouilles. Et puis... et puis... sur le côté de la route, soudain, des sculptures étranges.

Je suis arrivé devant le site de la cathédrale de Jean Linard.

 
LA CATHÉDRALE
JEAN LINARD

Bon, apparemment, c'est confirmé : le site est fermé.
Je n'ose pas m'incruster, ni faire le premier pas, ni avancer plus... dans un premier temps.
Je reste donc à hauteur de la route pour regarder les quelques sculptures déjà intrigantes.

                  
             

Il n'y a personne autour. Je regarde un peu partout. Et puis, allez, j'avance encore un peu dans l'allée menant au bâtiment principal.

J'avance encore... Personne ne me dit rien... Je ne touche à rien... J'arrive à l'entrée du domaine.

Très peu d'informations.
On a l'impression que les propriétaires ou gérants de ce lieu sont partis très vite, laissant tout tel quel.
Je récolte quelques informations, comme le fait que ce lieu est  inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques depuis juillet 2012. Il était ouvert au public tous les jours en juillet et août, de 10h30 à 19h00. 5 euros la visite. Visite guidée possible.

Le bâtiment d'accueil est une maison vernaculaire en briques rouges. L'intérieur est sombre et semble vide. Je le contourne pour arriver devant le jardin.
Je regarde derrière moi...

Personne.

Aux alentours.

Personne.

Pas de barrière.
Pas de panneau d'interdiction d'entrer.

Allez...
J'enjambe la petite murette pour pénétrer dans cet étrange jardin, jonché d'attirantes pyramides émaillées. Je prends soin de suivre la petite allée en pierres pour ne rien déranger.

          

"Lecteur quotidien de l’Évangile, grâce à une publication qui lui venait de l’Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Jean Linard était quelqu’un de profondément croyant , tout en étant rempli d’interrogations.(...) Il citait volontiers cette phrase d’un moine bouddhiste qui avait visité la Cathédrale : « Sais-tu pourquoi la Terre est ronde ? Pour que l’amitié en fasse le tour ! ».
Il ne comprenait pas que l’on puisse se battre au nom de la religion." LA CATHÉDRALE JEAN LINARD

         

Incroyable ! Fascinant ! Etourdissant ! Mais ce n'est que le début de cette visite fortuite, peut être illégale. J ene touche à rien. Je ne veux pas déranger. Juste passer, regarder, contempler, s'interroger, s'émerveiller, se questionner.
Oui, se questionner. Qui était Jean Linard ? Pourquoi a -t-il composé ce lieu ? Comment, Quand ? Combien de temps ? Quelle matière ? Quelles influences ?
Pour le savoir et pour le comprendre, j'ai recueilli diverses informations sur différents sites, dont le site officiel de la cathédrale de Jean Linard : LA CATHÉDRALE JEAN LINARD, sur lequel on peut faire un don afin de sauver ce lieu de l'abandon et de l'oubli.

Le jardin que nous venons de traverser est le jardin des Pyramides. On pense de suite à Gaudi et à ses jardins barcelonnais, comme le parc Güell. Mais allons plus loin.

                

"Inscrite depuis le 16 juillet 2012 au titre des monuments historiques, la Cathédrale de Jean Linard est un remarquable exemple d’art singulier in situ, présentant un indéniable intérêt esthétique et historique ("C'est une oeuvre de l'esprit....c'est tout à fait extraordinaire" F.Mitterand le 12 Mars 2012), d’où la nécessité de le considérer comme appartenant au patrimoine commun et de le protéger au même titre qu’un château du XVème siècle.
Composé d’une grande maison vernaculaire et d’un jardin de sculptures monumentales, cet environnement est une "œuvre d’art totale" où l’architecture, la sculpture, la céramique, la mosaïque et l’art environnemental sont explorés simultanément. Demeure de l’artiste au sein de laquelle Jean Linard a passé la plus grande partie de sa vie , c'est un objet d’intérêt culturel et historique empreint de poésie. Bâtie en utilisant des matériaux de récupération glanés localement, en harmonie avec la nature environnante, cette œuvre relève de l’architecture durable et respectueuse de l’environnement." LA CATHÉDRALE JEAN LINARD

Mais qui était Jean Linard ?

Photo : la cathédrale de Jean Linard

"Né le 11 Juin 1931 à La Marche, dans la Nièvre en Bourgogne, Jean Linard fréquente l'école communale de son village jusqu'à quatorze ans, puis sur les conseils de son institutrice, il s’inscrit en 1945 à l'école Estienne à Paris, section gravure. Il habite alors chez sa mère qui travaillait et vivait à Paris. Il revient à La Marche pendant les vacances et va souvent jusqu'à La Borne voir les potiers. (...)
En 1959 , il rencontra Anne Kjaersgaard , céramiste d'origine danoise avec qui il s'installe d'abord à la Borne ; puis en 1961, il achète une ancienne carrière de silex aux Poteries , un des hameaux de Neuvy-Deux-Clochers.
Avec Anne Kjaersgaard, qu’il épouse en 1964, il construit alors une grande partie de sa maison et des ateliers, utilisant presque uniquement des matériaux de récupération : poutres, chevrons, huisseries, tuiles et pierres issues de démolitions et briques d'anciens fours de potiers.(...)
Le tournage est alors la partie principale de la production de Jean Linard avec la création de bols, d'assiettes, de coupes, de saladiers, plats, pichets,  mazagrans et vases .
Il fabrique lui-même ses émaux à base de cendres, telles que cendres de chêne, de paille ou de vigne, afin d’obtenir des blancs crémeux, des roses, des verts céladon et des bleus. (...)" LA CATHÉDRALE JEAN LINARD

PENDANT CE TEMPS,
SUR LE TOIT DE LA MAISON...

                

Reprenons !

La cathédrale de Jean Linard se compose donc d'un jardin et d'une grande maison. L'artiste ne cessa de modifier, arranger les pièces, ainsi que l'architecture de la maison : refaire la toiture, changer les huisseries, composer des portes en mosaïque,... C'est lui qui a construit la tour "Rocard" à l'entrée en récupérant les briques d'un ancien four.

"En 1981 la Tour Rocard est construite, un vibrant hommage au grand scientifique Yves Rocard, qui à l’époque était chercheur à Nançay. En effet, passionné par les sourciers, Rocard entra naturellement en contact avec Linard, particulièrement doué : en plus d’être un artiste, artisan et créatif, il avait un don unique de sourcier. Yves Rocard, pour rappel, n’est autre que le père de la bombe atomique française, et le père de Michel, ancien premier-ministre." VICEDI EN BERRY

C'est en 1975 que Jean Linard eut l'idée de bâtir une chapelle... qui devint très rapidement une église... qui devint tout aussi rapidement une cathédrale. C'est finalement en 1983 qu'il commence les premières réalisations, à côté de sa maison jouxtant la forêt. Il poursuivra ce projet jusqu'à sa mort en 2010 en ajoutant des sculptures, des objets, des matériaux,... "la plus haute du monde, car elle a pour toit le ciel" s'élance au creux de l'ancienne carrière de silex.

                

Sa Cathédrale est un monument "religieux" certes,
mais pour toutes les religions de la Terre.

"Au début de la construction, il fabriquait les carreaux , les émaillait , les cuisait puis les cassait pour faire de la mosaïque. Mais très vite , il prit l'habitude d'aller à Briare dans le département du Loiret , dans la manufacture française où sont fabriqués les fameux "émaux de Briare" ; Il y ramassait les carreaux considérés comme ratés , puis plus tard achetait à un prix modique des cartons de ces mêmes émaux considérés comme ayant des défauts." LA CATHÉDRALE JEAN LINARD

                 

Je continue d'avancer dans la propriété. Mes yeux ne savent plus où se poser tellement il y a de choses à voir. Du plus grand au plus petit. Monumental et détails.
Derrière la maison, une fois la cathédrale passée sur la gauche, une immense pyramide en mosaïque est apposée contre le mur.

Juste à côté, d'autres pyramides portant les noms de Gandhi et Picassiette.

"En peinture il aimait Le Douanier Rousseau, Van Gogh, les Impressionnistes, Modigliani, Fernand Léger. Il admirait sans réserve l’œuvre de Picasso. Ce qui le fascinait chez Picasso, c’était ce talent toujours renouvelé, toujours inventif.
Il aimait lire : Christian Bobin, l’Abbé Pierre, Kahlil Gibran, etc…
Il aimait énormément les livres d’art concernant la peinture, la sculpture, et l’architecture. Un de ses architectes préférés était Hundertwasser.
Mais il se revendiquait de la famille de Picassiette, du facteur Cheval, de Tatin.
Il était allé à Barcelone et l’œuvre de Gaudi l’avait enthousiasmé." 
LA CATHÉDRALE JEAN LINARD

Non loin de ces pyramides, un petit jardin circulaire composé de plusieurs sculpture sen fer invite à une promenade dans la promenade.

                     

Ce "chemin de ronde" se poursuit avec la découverte d'un "théâtre de verdure" en mosaïques tout à fait au fond du jardin.

             

Ici ont été donnés de nombreux spectacles de tout genre  -théâtre, musique, récital de chansons-  et même, en 2008, un défilé de mode.
Eh oui, en 2008... 13 ans déjà.
Deux ans plus tard, Jean Linard disparaissait.

"Jean Linard a disparu le 17 février 2010 à l'âge de 78 ans.
Il mourut paisiblement , comme quelqu’un qui a fait ce qu’il avait à faire , qui a accompli sa mission.
Selon sa volonté il fut incinéré. Il avait fait sa pierre tombale dans la cathédrale, mais un jour il avait décrété: « Je veux être incinéré , car si j’ai envie de revenir boire un coup de Sancerre, je ne pourrai jamais soulever la pierre tombale que j’ai faite. » (...)
Suite à la disparition de l’artiste en février 2010, la famille, ne souhaitant pas s'investir dans l’entretien et la restauration d'une œuvre aussi importante, a décidé de mettre en vente.
Une association loi 1901 nommée "Autour de la Cathédrale de Jean Linard" a été créée début avril 2012, pour la sauvegarde et la valorisation de ce lieu." LA CATHÉDRALE JEAN LINARD

Malheureusement, en février 2020, la décision est prise.
"Les héritiers de l’artiste et céramiste Jean Linard ont choisi de ne pas renouveler la convention qui attribuait la gestion et l’animation du site à l’association Autour de la cathédrale Jean Linard. Conséquence : la cathédrale de Jean Linard, monument d’art brut à Neuvy-Deux-Clochers, ne rouvrira pas au public en 2020. Il a accueilli plus de 8.000 visiteurs en 2019 ; 1.500 de plus qu’en 2018.
Thomas Linard, fils de Jean, explique que l’état des toitures des bâtiments et la mauvaise isolation de l’installation électrique ne permettent plus d’accueillir sereinement du public." LE BERRY REPUBLICAIN

La veuve de Jean Linard, Anne-Marie Linard, en appelle aux autorités locales : "Dans un an, la nature recommencera à grignoter le site. On est dans une impasse. Personne ne voit que si le lieu est pris en main et développé, il a un potentiel. J’avais visité le Palais idéal du Facteur Cheval avec Jean, lors de notre voyage de noces, en 1974. Il était abandonné. La municipalité l’a repris et compte 150.000 visiteurs par an."

Je redescends doucement vers la sortie en ré-empruntant le chemin de croix et ses pyramides émaillées. Toujours aussi émerveillé ! À la recherche de petits détails que je n'aurais pas vu, de couleurs, de sculptures,...

           

La cathédrale de Jean Linard reste inclassable et est aujourd'hui "rangée" sous le vocable d’environnement visionnaire, parmi lequel figurent des oeuvres comme Le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives, La Maison Picassiette à Chartres, Le Jardin des Coquillages de Bohdan Litnianski à Viry-Noureuil, Le Jardin de Nous-Deux de Charles Billy à Civrieux-d'Azergues, Maison bleue d'Euclide Da Costa Ferrera à Dives-sur-Mer, la Maison sculptée de l'Essart de Jacques Lucas, La Villa des cent Regards (également appelée La Maison du fada) de Victor Grassi à Montpellier, La Frénouse de Robert Tatin à Cossé-le-Vivien,....
En somme, la cathédrale de Jean Linard est une oeuvre incroyable, majestueuse, interrogative, un important témoignage d’architecture insolite en France.

"Jean Linard était un voyageur de l'imaginaire. (...)
Il existe plusieurs façons de voyager, plusieurs façons de se dépayser et changer d’air. Certains vont prendre le train ou l’avion et visiter un pays exotique, d’autres vont faire une grande randonnée pendant plusieurs jours ou d’autres encore prennent leur voiture et explorent leur région. Mais quelques personnes très spéciales ne se déplacent même pas pour voyager. Ces gens là, ils voyagent et font voyager dans l’imaginaire, dans un monde bien à eux, grâce à leur créativité débordante.
Touche à tout, curieux, sans cesse en évolution, toujours à la recherche de nouvelles techniques de modelages de conception et de matériaux. Une de ses citations préférées provenait de Picasso : "Je ne cherche pas, je trouve." Son art provenait ainsi de l'observation de la nature, des pierres, des arbres, des oiseaux, des gens. Mais il fallait également avoir des techniques de réalisation.
Dès 1962, il réalise ses premières sculptures en terre, puis il y ajoute du raku, du ciment, du fer et de la mosaïque. Tous ces éléments guideront et alimenteront ses oeuvres jusqu'à la fin de sa vie. (...)"  VICEDI EN BERRY

Je regagne la voiture. J'ai un peu de mal à partir.
Combien de temps ce lieu va-t-il pouvoir rester debout et presque intact ?
Quel dommage.
Va-t-on laisser ce monument se dégrader comme la maison de l'Agriculture à Nevers et la maison de la gériatrie à La Charité-sur-Loire ? À quoi sert alors l'appelation "Monument Historique" ?
Et si on "Réhabilitait plutôt que construire en masse", comme titrait Le Journal du Centre le 16 avril dernier...