Déconfinement enclenché : lac d'Estaens ! (Espagne), part 2

Dans notre épisode précédent, Jénorme profitait du déconfinement pour s'en aller randonner à nouveau dans les montagnes pyrénéennes, et plus précisément en Vallée d'Aspe, et plus précisément au lac d'Estaens.
Après plus de 1h30 de marche tranquille, le lac est en vue. Plutôt que d'aller se vautrer directement sur ses rives herbeuses et colorées, Jénorme a préféré s'en aller contempler cette belle étendue d'eau naturelle en prenant encore plus de hauteur.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Alors ? Récapitulatif rapide !
Je suis parti du parking de Sansanet (1311m) il y a un peu plus d'une heure et demi.
J'ai pris mon temps ; un temps de déconfinement où tout te parait merveilleux : un arbre, une branche, des feuilles mortes, une fleur, un son, un cri, une odeur... Le dénivelé est de 500 mètres pour une distance de 4,4 kilomètres.
Nous avons enjambé le Gave d'Aspe, puis traversé le bois du Sansanet pour rencontrer de loin des isards au pied du Pas d'Aspe avant de suivre un sentier devenu rouge ocre jusqu'au fameux lac d'Estaens -ou Ibón de Estanés-  situé à 1754 mètres d'altitude.

De là, que faire ?
Se rendre sur les rives colorées du lac pour se poser tranquillement en savourant le silence de la nature.
Ou prendre encore un peu de hauteur pour contourner le lac façon panoramique.

Après être revenu rapidement sur la vie de l'artiste Camille Claudel, Jénorme décide finalement "d'escalader" la butte herbeuse baptisée Mujer Muerta -la femme morte-  car oui, nous sommes maintenant en Espagne.

C'EST PARTI !

Pour atteindre le point le plus élevé de la Mujer Muerte, il faudra passer de 1754 m à 1857 m d'altitude. Ça va, tranquille.
Je suis hors sentier. L'herbe est bien grasse, elle craque sous mes pas. Je tache d'éviter de marcher sur la flore qui était bien tranquille avant que l'humain que je suis ne vienne "se ré-approprier" les montagnes.

        
Trouves sur quelle fleur le point est fait sur cette photo.

Ah ben, si t'aimes pas les fleurs, c'est sûr que là, tu dois bien te faire chier !
Mais sinon, qu'est-ce que c'est beau toutes ces couleurs ! Cela donne envie de... de... boire une bière, tiens.

Aaaah oui, c'est beau.
Je ne sais pas si je suis au point le plus élevé de la Mujer Muerta, mais je décide de m'arrêter un peu pour savourer cette bière devant ce panorama.

Cela change du paysage croisé
pendant le confinement.

Alors, le lac d'Estaens, qu'est-ce que c'est quoi ?

Selon une ancienne légende, un soir de la Saint-Jean, un pèlerin de Saint-Jacques égaré et affamé s’arrêta demander l’hospitalité aux bergers qui gardaient leurs troupeaux. Ceux-ci auraient enfreint les règles sacré de l’hospitalité et il fut renvoyé. Le lendemain, en lieu et place des pâturages et des cabanes se trouvait un lac. Aaaaaahhh...
Bon, et sinon ?
Pour faire court et scolaire, le lac d'Estaens est un lac d'altitude situé dans les Pyrénées espagnoles en Aragon ; ce qui lui vaut le nom d'Ibón de Estanés (en espagnol) ou encore Ibón d'Estaners (en aragon) puisqu'il est espagnol n'est-ce pas. Mais ce n'est pas si simple et un petit débat s'est installé à ce sujet. Certes, le lac se trouve en territoire espagnol, mais ses eaux sont exploitées par la France. Au départ, le barrage construit entre 1912 et 1923 devait alimenter la centrale électrique d'Espélunguère dans le but d'approvisionner la ligne du chemin de fer Canfranc-Oloron.
Eh ouais.
Bon, il se trouve qu'aujourd'hui la ligne Canfranc-Oloron s'est un peu arrêtée à Bedous suite au déraillement d'un train de marchandises le 27 mars 1970 à hauteur d'Accous (cf : Le Pau-Canfranc déraille).
En effet, suite à cet accident, plus aucun train n'a circulé à ce jour entre la gare de Bedous (dont l'activité n'a été rétablie qu'en juin 2016) et la gare de Canfranc. Si la gare de Bedous fait également office d'hôtel-restaurant (La gare de Bedous), la sublime et grandiose gare de Canfranc demeure quant à elle un simple terminus de ligne espagnole.

         

Nous étions allés la visiter avec Maître Arnaud et Yanou en 2013 (cf : CANFRANC JACA). Depuis, des projets semblent se mettre en place pour redonner vie à ce lieu fantomatique, mais tellement attirant par ses dimensions et sa superbe architecture. On parle d'une gare plus petite, d'un musée du train, d'un hôtel de montagne 5 étoiles avec une centaine de chambres... Prévisions d'ouverture pour 2021.

MAIS REVENONS
AU LAC D'ESTAENS !

Pas d'hôtel 5 étoiles prévu ici ! Un hôtel à la belle étoile, oui.
Le bivouac est autorisé à partir du moment où tu ne laisses pas traîner ta tente toute la journée au même endroit.

Revenons à cette question de frontière au sujet du lac.
En fait, plusieurs discussions ont lieu à ce sujet : le lac se trouve en territoire espagnol, mais il est un peu français aussi. Cette "double nationalité" aurait vu le jour avec les éleveurs d’Aragués del Puerto, petit village situé au pied des montagnes du lac. Ces derniers ayant besoin de bois de construction demandèrent aux éleveurs de Borce d'avoir un droit de coupe de bois dans la forêt de Borce en échange du droit de pâturage pour leurs bêtes. Un peu plus tard, la France et l'Espagne ont entériné la répartition frontalière.
Bon. Bref.
Le lac d'Estaens se situe à 1754 mètres d'altitude très exactement. Sa surface s'étend sur 29 hectares et il peut avoir une profondeur allant jusqu'à 15 mètres.
Le lac est d'origine glaciaire ; un glacier présent ici il y a 20 000 ans et quelques jours.

Après cette pause apéro-déjeuner composée de bière, chips, sandwich et rosé, je reprends le chemin aléatoire panoramique sur la butte Mujer Muerta ; le lac à l'Ouest, la chaîne des Pyrénées à l'Est.

Les plus hauts sommets jouent encore à cache-cache avec les plus proches du lac.

Voilà !
Maintenant que je t'ai donné le nom des différents sommets aperçus depuis le haut de la butte Mujer Muerta, à toi de jouer et de retrouver le nom des mêmes sommets vus avec un coup de zoom photographique. Un indice : le Pic du Midi de Jean-Pierre d'Ossau est sur la seconde photo.

Je continue ma progression vers le nord du lac, dominé au Sud-Ouest par l'imposante Sierra Bernera dont le sommet culmine à 2095 mètres d'altitude.

Pratiquement au nord du lac, toujours sur les hauteurs, j'atteins un mini-plateau sur lequel est venu se poser un mini-étang.

Il n'a pas la forme d'un coeur comme le lac du Montagnon.
 
Hein ? Oui, je sais : on ne le voit pas très bien
mais c'est parce que quand j'y suis allé en août 2016,
le brouillard est soudainement monté et a empêché
toute vue panoramique
(cf : à la recherche du lac du Montagnon).

Il n'a pas non plus l'apparence d'un terrain de rugby,
comme quand le Gave d'Aspe
(que nous avons enjambé pour venir ici)
avait débordé à Bedous.

Non, ici, ce mini-lac sans nom a plutôt la forme de...
d'un... d'un spermatozoïde...
         

Bon, le problème, c'est que l'on ne peut pas trop dire cela sur les guides de randonnées ou touristiques.
Imagine...
GARS 1 : "- Alors, vous êtes allés randonner où hier ?
GARS 2 : "- Au mini lac en forme de spermatozoïde !"

Hein, eh, non quoi ! Si autant de gens se rendent au lac du Montagnon   -surtout quand il n'y a pas de brouillard-  , c'est parce qu'un coeur, c'est romantique, c'est mignon, c'est beau.... bien que je n'ai jamais compris pourquoi on avait représenté cet organe humain vital de cette façon alors qu'en réalité, il ne ressemble pas vraiment au schéma courant.

             

Bon allez, passons sur la forme et intéressons-nous maintenant à la couleur.
Il a une étonnante couleur rouge-rosé due à la terre ocre qui héberge ses eaux dans lesquelles le Visaurin (prononce Bisaurin en espagnol) et la Sierra Bernera ont bien du mal à venir se refléter.

Il faut lui trouvé une histoire, une légende à ce mini-lac. Allez !

Après cette petite pause, j'arrive cette fois-ci au Nord du lac d'Estaens. Il y règne une température avoisinant les -56°. La neige et la glace ont remplacé les fleurs et l'herbe grasse. Les isards ont définitivement disparu alors que pingouins, rennes et ours blancs errent au hasard dans ce paysage homogène.

Ouah eh, j'déconne.
C'est une photo que j'avais prise quand je m'étais rendu au lac d'Estaens en avril 2017 (cf : Et si on allait voir le lac d'Estaens en avril ?).

J'arrive au Nord du lac d'Estaens et, soudain, c'est le vide !
La montagne s'arrête ici. De hautes falaises ont remplacé le plateau herbeux.
En bas, c'est la vallée d'Espélunguère. J'aperçois la route du col du Somport, ainsi que la cabane de berger d'Espélunguère à côté de laquelle passent les traces du sentier de randonnée partant du parking d'Espélunguère pendant que les eaux de la rivière d'Espélunguère se faufilent entre pâturages et rochers sous la présence dominante du Signal d'Espélunguère, facilement reconnaissable à sa couleur ocre.

          

Oui, là, en bas et en face, tout porte le nom d'Espélunguère. Bon, il arrive que la montagne dite du Signal d'Espélunguère soit aussi appelée Pic de Gadebaille ; ce qui apporte une touche d'originalité aux cartes puisque, nous sommes bien dc'accords, Espélunguère et Gadebaille, ce ne sont pas tout à fait les mêmes noms, hein. Bon. Voilà.
Derrière ce sommet situé à 2258 mètres d'altitude se trouve le pic d'Aillary d'où l'on a une magnifique vue sur un autre lac : le lac d'Arlet.

Nous nous y étions rendus en août 2019 pour fuir le G7 qui se tenait à Biarritz et qui amenait la police à nous contrôler tous les 100 mètres (cf : En route pour le lac d'Arlet).

C'est également au Nord du lac d'Estaens qu'arrive -ou part- le sentier de randonnée dit du Pas de l'échelle.
Il s'agit du sentier qui relie le lac d'Estaens au parking d'Espélunguère en 3h30 avec un passage par une échelle métallique ; d'où son nom.
On le voit juste en dessous...

C'est également par ce sentier que l'on peut rejoindre en 5 kilomètres le magnifique paysage d'Aguas Tuertas, ou Aigues Tortes en français... même si il est préférable d'emprunter le sentier passant au-dessus du lac, au sud, non loin du Sentier de Camille.

Et pour ceux qui ne connaissent pas Aguas Tuertas, voici très rapidement à quoi cela ressemble...

 Aaaaah oui,
la montagne est belle !

Mais revenons au lac d'Estaens. Nouveau panorama. Le lac, vue du nord.

Et petite révision des noms de sommets
qui dominent le lac.

Le lac offre également des rives variées, de la plagette colorée aux criques rocailleuses...

Après être passé à hauteur du sentier du Pas de l'échelle, j'amorce une descente vers les rives avec une alternance de premiers plans.

J'arrive à hauteur du barrage.

Construit en 1912, il s'agit d'un barrage à voûte simple avec prise en profondeur. La hauteur de l'édifice est de 15,1m. La hauteur de chute de 485m et sa capacité de retenue de 2.800.000m3. 

Maintenant, je retourne en direction du sentier par lequel je suis venu, mais, cette fois-ci, en longeant les rives colorées du lac d'Estaens.

               

J'arrive côté Est où une petite rivière de montagne vient se jeter dans le lac. Je pense que cette eau provient du petit lac de Viejo, situé à 2130 mètres d'altitude et bien implanté face au beau cirque d'Olibon dans la vallée de Los Sarrios.

           

 
Je passe à côté d'une petite cascade...

           

Et puis... je m'éloigne du lac... Doucement...
Je me retourne de temps en temps...

...jusqu'à ce que le lac disparaisse.

C'est parti pour la descente.
Ce fut une agréable première sortie de déconfinement. Je n'ai pas croisé un seul humain et... Ah... ça bouge là-bas...

 Zoom !

Zoom !

Je m'arrête. Je ne bouge plus. Ils me regardent. Tournent la tête comme si de rien n'était. Puis me regardent à nouveau. Bon... Je ne vais pas rester là pendant des heures, il faut que je redescende malheureusement. J'avance doucement ; ce qui provoque de suite des mouvements rapides de leur part...

       

En moins de deux, les isards galopent sur les flancs de montagne, sautant de rocher en rocher avec une aisance remarquable.

               

Le nom isard vient du mot pyrénéen izardo ; ce qui ne nous avance pas des masses. Plus lourd d'une dizaine de kilogrammes que son confrère le chamois des Alpes, il en diffère également par un pelage d'été plus roux et un pelage d'hiver plus clair agrémenté d'un collier de poils noirs au niveau du cou. Les cornes forment un crochet plus ouvert (souvent > 45°) que celui du chamois. Son espérance de vie est de 22 ans. Il se déplace par hardes souvent sous la conduite d'une femelle. Les mâles adultes vivent en solitaires. Ils ne se rassemblent qu'en octobre et en novembre, à l'époque du rut, qui provoque une activité menant certains d'entre eux au seuil de l'épuisement. Herbivore, il se nourrit de plantes herbacées, de jeunes pousses et, l’hiver, de bourgeons, d’aiguilles de conifères, de feuilles sèches et de lichens.

Les isards ont gagné les hauteurs. Je reprends mon chemin jusqu'au parking.
C'était une belle journée.

Récapitulatif en vidéo !