Voici le mois de mai (64)

C'est Bourvil qui chantait "Joli joli joli mois de mai".
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Si, si, oui, oui, c'est Bourvil et c'était pas bien joyeux.
Ecoute.

Mouais. Pas ben la pêche l'André !
Pourtant, le mois de mai, c'est sympa quand même. Les jours rallongent, les températures s'adoucissent, tu commences le mois avec du muguet... Bon, quand il y en a parce que, ici, dans le Pays Basque, c'est pas trop le cas.
La faute, entre autre, à Nisca qui adore se vautrer dans ce genre de plante en murmurant ce mot incompréhensible :"Onf !".
Pas "Zuul !", non : "Onf !".

Du coup, pour fêter ça, je lui ai monté une petite page Facebook...

Bon, voilà. On a bien avancé là.
Euh, alors... Le mois de mai. Après avril, mai. OK, normal, tout va bien, pas de changement de ce côté là.
Il y a aussi cette chanson traditionnelle là... "Voici le mois de mai"... Tu sais, ce genre de chanson un peu casse-couilles qui te reste dans le crâne après sans trop savoir pourquoi. Ce genre de chanson où tu ne comprends pas toutes les paroles, un peu "Une souris verte"... Tu l'as ? "Une souris qui courait dans l'herbe, je l'attrape par la queue, je la montre à ces messieurs, ces messieurs me disent, Trempez-la dans l’huile, Trempez-la dans l’eau, Ça fera un escargot Tout chaud !"
Hein, voilà, on est bien là avec ces paroles. Alors, parait-il que la souris verte fait en fait référence à un soldat vendéen traqué par les soldats républicains pendant la Guerre de Vendée (1793-1795) et soumis à différentes tortures. D'où l'escargot tout chaud... Et les gamins chantent ça en se fendant la gueule ?! Bizarre.
C'est comme la chanson "Fais dodo" ! "Fais dodo Colas mon p'tit frère, Fais dodo t'auras du lolo ; Maman est en haut qui fait du gâteau, Papa est en bas qui fait du chocolat". Quelle idée ! Ils peuvent se mettre tous les deux dans la cuisine ?!

Bon, allez, on va continuer maintenant.
DONC le mois de mai.
Aaaah, c'est le mois où les oiseaux reviennent et chantent dès le lever du jour...

Bon, ils le font depuis la fin février, mais c'est toujours agréable à entendre au mois de mai car leurs chants se sont arrangés, bonifiés. Tu vois, au mois de février, ils débutent, ça siffle un peu n'importe comment, c'est le début de la tournée, ils ne sont pas chauds. Puis, le mois de mars, c'est un peu délicat parce qu'il pleut, c'est des grosses giboulées, t'as pas envie de mettre le bec dehors, quoi, surtout pour siffloter. Le mois d'avril arrive et les températures sont plus agréables, il pleut un peu moins, les terrasses des bars sont de sortie, tu commences à maitriser tes sifflements. Et voici le mois de mai "où les fleurs volent au vent, où les fleurs volent au vent si jolie mignonne, où les fleurs volent au vent si mignonnement".
Alors t'es content et tu siffles dès que le soleil pointe le bout de ses rayons.

Une fois que le soleil est bien levé et qu'il fait à peu près beau, allons contempler, scruter, observer la nature. S'arrêter, s'émouvoir devant une plante, uen fleur, un brin de vent faisant osciller une tige. Oui, le mois de mai, c'est aussi l'occasion de s'émouvoir du moindre souffle émis par la nature.
C'est donc  -une fois n'est pas coutume... deux fois non plus-  le long du Gave d'Oloron que je suis allé marcher pour naviguer dans cet environnement sans cesse changeant en cette saison cherchant son souffle entre printemps et été.

DES FLEURS !

         

     

      

ET DES FEUILLES !

       

     

Tiens, de l'orge. On n'en parle assez de l'orge.
En ce mois de mai, elle est belle cette céréale, ondulant sous ses épis non maturés au grès d'une légère brise. C'est tout un champs qui s'anime délicieusement avec ces contrastes de lumières provoqués par un soleil jouant à cache-cache avec les nuages.

        

Magnifique champ d'orge. Il y a une sorte de sensation de trouble lorsque l'on tente de se concentrer sur les épis. Tout ce mystère peut  -pourquoi pas-  inspirer la future sage de l'été à TF1. J'ai tenté de fabriquer une bande annonce sans scénario, pour voir, comme ça, si ça peut fonctionner...

Tu rajoutes un peu de meurtres, de l'enquête qui n'avance pas, du présumé innocent, de l'hypothétique coupable et voilà ! Les gens, ils aiment ça les meurtres dans les séries télé ou les téléfilms. Ils bossent toute la journée, ils souffrent, ils n'en peuvent plus, ils veulent la retraite à 60 balais, mais pourquoi ? Mais pour pouvoir regarder peinard des sériés télé et des téléfilms à base de meurtres ! Bien sûr ! Regarde les programmes télé... "Meurtres au paradis", "Commissaire Magellan", "Mongeville", "New York section criminelle", "Témoin à charges", "Hawai 5-0",...
Et pis d't'façon, si c'est pas les séries ou les téléfilms, il y a les supers reportages : "90 enquêtes", "100 jours avec la police de la route", "Au coeur de l'enquête", "Enquête d'action", "Au coeur de 90 enquêtes d'action",...

BON EH OH !
Personne n'est obligé de regarder, personne n'est obligé de critiquer.

Personnellement, ce champ d'orge m'a donné envie de prendre la route pour... pour... aller voir à quoi ressemble le nouvel hôtel-restaurant qui s'est ouvert à Canfranc-Estation.
Ah ben ouais, c'est comme ça ! Quand je vois de l'orge, j'ai envie d'aller dans un palace. Mais avant d'être un palace, la gare de Canfranc (Canfranc-estacion) était... une gare... Ben ouais.

Je quitte Navarrenx pour parcourir les quelques 80 kilomètres qui me sépare de ce lieu assez unique.
Pour cela, je passe par Gurs, Oloron-Sainte-Marie, entrée dans la vallée d'Aspe en traversant la commune d'Asasp-Arros où trône fièrement le bar-restaurant...

...qui rappelle la chanson de Renaud...

Passé Asasp-Arros, la Nationale 134 s'enferme dans la vallée creusée par les montagnes. Sarrance, Bedous, Accous, Cette-Eygun, Borce, Urdos,...

Ah, écobuage !

Passons dans la fumée, non loin des flammes sur le bord de la route. Arrivée au Col du Somport, entrée dans le tunnel du Somport...

...sortie du tunnel du Somport, tourne à droite, Canfranc-Estation ! 

Elle est là, on ne voit qu'elle : la gare de Canfranc.

Ah ben oui !
241 mètres de long, avec 150 portes d’accès et environ 350 fenêtres !

Je suis déjà venu ici à plusieurs reprises.
Souvenons-nous.

Il y a quelques années de cela, nous nous y étions rendus avec Maitre Arnaud et Yanou.

Hein ? Oui... Quoi ? Bon... C'est vrai : là, nous sommes en 2013 et la gare n'est plus trop active.

      

LA GARE DE CANFRANC, partie 2

CANFRANC-JACA (Espagne)

Je ne vais pas refaire ici l'historique de cette gare mythique située pratiquement sur la frontière franco-espagnole dans un lieu mystérieux, au milieu des montagnes, à 1195 mètres d'altitude. Juste pour rappeler que la gare de Canfranc, c'était une gare monumentale, aussi grande que la gare Saint Lazare à Paris.

Bon, allez, on va quand même ne parler un peu... avec les nouvelles photos que j'ai faites.

UN PEU D'HISTOIRE ET D'HISTOIRES
Bien que le nom puisse de prime abord faire penser à ce composé organique bicyclique qu'est le camphre, force est de reconnaitre, pourtant, que Canfranc vient plutôt de Campus Franci, "le champs des étrangers".

         

Oui, un champs ! Oui, des étrangers ! Remettons tout cela en place et imagine, maintenant, une gare internationale abandonnée avec un bâtiment rétro de plus de 500 mètres de long où gravitèrent des milliers de voyageurs venus du monde entier et voilà : tu as l'explication à ce nom de village perdu dans les montagnes aragonaises espagnoles.
Relier Pau à Saragosse par le train, tel est l'objectif ! Entre les deux villes, on décide la construction d'une gare monumentale, symbole de ce franchissement des Pyrénées, jugé impossible en 1825.
La convention franco-espagnole du 18 août 1904, relative aux chemins de fer transpyrénéens, avait fixé l'emplacement d'une gare internationale côté français aux Forges d'Abel, dans la vallée d'Aspe ; c'est finalement sur le versant espagnol qu'est construite la monumentale gare internationale de Canfranc.
Après six ans de travaux, la gare est inaugurée le 18 juillet 1928 par le président Gaston Doumergue et le roi Alphonse XIII.

          

La gare de Canfranc, c'était la seconde plus grande d'Europe après celle de Leipzig en Allemagne. La plate-forme des installations mesurait 1200 mètres de long sur 170 mètres de large, parcourue par un faisceau de 27 km de voies ferrées ; soit une superficie couverte de 20 000 m2.

C'est l’ingénieur d’Alicante, Fernando Ramírez Dampierre, a conçu le spectaculaire bâtiment moderniste de 241 mètres de long, avec 150 portes d’accès et environ 350 fenêtres.
Un bâtiment mêlant classicisme et Art nouveau, empreint du style Beaux-Arts parisien, dans la droite lignée de l'exposition universelle de 1900, pour laquelle fut construite la gare d'Orsay à Paris.

     

     

Plus de huit millions de résineux ont été plantés pour stabiliser les parois rocheuses et annihiler les risques d'avalanche. Pour évacuer l'eau de fonte des neiges, la gare a été surélevée d'une dizaine de mètres.

Mais la gare de Canfranc, ce sont aussi des histoires, des mystères.
Un incendie ravage d'abord la gare en 1931. En 1936, Franco mure le tunnel du Somport. La guerre civile lui fait craindre l'arrivée de républicains en provenance de France. La ligne ne sera rouverte que pour un drôle de trafic. À partir de 1939, des tonnes de lingots (dont la quantité est impossible à estimer) transitent par Canfranc, rétribution allemande pour l'apport en fer et en tungstène de Franco et Salazar, qui sert à l'armement nazi.
Le village de Canfranc fut incendié en 1944. Franco y fit une collecte nationale pour rouvrir la ligne... et ne reversa jamais la somme.
La ligne a aussi permis de sauver de nombreux juifs.
Plusieurs centaines de Français menacés sous l'Occupation sont passés par la gare, aidés par Albert Le Lay, chef français des douanes. Une action qui lui valut l'emprisonnement d'abord, puis la décoration.

        

La guerre terminée, les trains ont pu circuler de nouveau, reliant les 310 kilomètres qui séparent Pau et Saragosse en une longue journée. Jusqu'en 1970, et l'accident fatal à la ligne. Le 27 mars, côté français, un train chargé de maïs patine sur les rails gelés, alors qu'il tente de monter jusqu'au tunnel du Somport. Les cheminots l'immobilisent pour trouver une solution, mais les freins lâchent. Il dévale les pentes en marche arrière, avant de s'encastrer dans le pont de l'Estanguet et se précipiter dans le gave. Heureusement, il n'y a aucune victime. Mais cet accident met définitivement fin à cette ligne qui n'a jamais été rentable.

Longtemps surnommée "le Titanic des montagnes", la gare de Canfranc renait aujourd'hui après des années de restauration pour devenir... un hôtel de luxe, 5 étoiles, avec une centaine de chambre.

      

     

Celui-ci est ouvert depuis fin janvier 2023. On y accède par le grand vestibule Art déco. L'édifice conserve également ses couloirs souterrains, qui permettaient de changer de quais, entièrement carrelés et également de style Art déco. La rotonde destinée à garer les locomotives sera pour sa part transformée en musée.

         

Ah oui, c'est beau. Enfin, disons, c'est majestueux, monumental, extravagant.
Ma mission est de boire un coup dans ce magnifique bâtiment. Malheureusement, si tu n'es pas client de l'hôtel  -c'set à dire si tu n'as pas une chambre à 160 euros la nuit-  , tu n'as pas accès au bar. Ben merde ! Fait chier, en parlant poliment.
A Biarritz, à l'Hôtel du Palais, on a accès au bar, même si on n'a pas de chambre... Pareil pour le Grand Hôtel à Cabourg.

Bon... En plus, ça leur ramènerait du monde car l'hôtel n'a pas l'air bien plein. Il faut dire qu'il y a quelques jours, le bar de l'hôtel a eu l'idée de proposer un cocktail au nom quelque peu... comment dire... déplacé.

Sources : BFM

Pas moyen de savoir ce qu'il y a dans ce cocktail. Je reste à quai.
  
Et je repars.

Trajet inverse.
Entrée dans le tunnel du Somport, sortie du tunnel du Somport, col du Somport, écobuage, Urdos... Tiens,  je vais aller voir cette gare abandonnée, là, au bord du Gave d'Aspe... Je ne pense pas qu'ils servent un quelconque cocktail... En fait, juste à côté, il y a un grand hangar abandonné lui aussi.

      

Je reprends la route. Un peu plus bas, c'set une double vision fantastique qui apparait : d'un côté le fort du Portalet, enclavé dans la roche ; de l'autre, l'étonnant chemin de la Mature, creusé dans la falaise. Je décide d'aller jusqu'à Etsaut, puis de remonter par la rue d'en-bas pour arriver au départ des randonnées autour et sur le chemin de la Mature.

Stop. Parking. Petite marche de quelques minutes pour arriver à l'étonnant panorama sur le fort de Portalet.

Pour la petite histoire et la grande Histoire, le fort du Portalet a été construit en 1842 sous ordre de Louis Philippe pour garder la frontière des Pyrénées. Il était chargé de protéger la route du col du Somport contre des incursions espagnoles. Il était conçu pour abriter 400 hommes, capables de résister à un siège d'une semaine au moins. 
En 1925, il est abandonné par l'armée et loué à une colonie de vacances jusqu'en 1939 ; date à laquelle il va servir de prison pour des personnalités politiques sous le régime de Vichy : Daladier, Reynaud, Blum, Mandel, le général Gamelin, etc. qui, après 1943, sont envoyées en Allemagne.
Le fort est repris par les maquisards en 1944. Le maréchal Pétain y est détenu 3 mois du lendemain de son procès le 15 août 1945 jusqu'à son transfèrement à la forteresse de l'île d'Yeu le 16 novembre 1945.
Occupé par le 18ème régiment d'infanterie jusqu'en 1952, puis démilitarisé, il est racheté par un particulier en 1966 pour 171 000 francs, les projets immobiliers ne voient pas le jour et il est laissé quelque peu à l'abandon jusqu'à être racheté par la communauté de communes de la Vallée d'Aspe en 1999. Des travaux de restauration sont effectués afin d'ouvrir le site à la visite. Aujourd'hui, l'office de tourisme et l'écomusée de la vallée d'Aspe organisent des visites guidées sur réservations.
Depuis juin 2021, une passerelle himalayenne permet aux piétons de passer du chemin de la mâture au fort du Portalet.

Et puisque l'on parle du chemin de la Mature, il est temps d'en parcourir quelques mètres. 

J'ai déjà parlé de cet extraordinaire prouesse humaine sur ce blog. Petit récapitulatif.

Chemin de 1200 mètres de long, il est taillé dans le rocher d'une falaise de la vallée encaissée du ruisseau La Secoue. Formant une gouttière de 4 mètres de haut pour 4 mètres de large dans la falaise sur plus de 900 mètres de son parcours, il surplombe les gorges d'Enfer de 200 mètres.
Il doit son nom aux arbres relevés ici de 1772 à 1778 pour la fabrication des mâts, poutres et poulies des navires.

       

"À partir de 1660, le roi Louis XIV et son ministre Colbert décident de doter la France d'une grande marine de guerre.
Devant les difficultés pour s'approvisionner en bois du nord à cause des guerres et du coût, Colbert décide d'exploiter les forêts de l'ouest pyrénéen riches en grands arbres de qualité et en voies d'acheminement par les gaves jusqu'au port de Bayonne. (...)
Les forêts s'épuisant, il faut alors exploiter d'autres forêts ou bois, plus difficiles d'accès amenant l'ingénieur Leroy à exploiter la forêt du Pacq, au-dessus de l'Etsaut.
Pour cela, il faut pouvoir faire franchir aux troncs un ravin étroit et à pic connu sous le nom de "gorges de l'Enfer ".
On va alors mettre à contribution des bagnards pour creuser à flanc de la falaise abrupte un passage suffisamment large et haut pour le passage de bœufs tirant des troncs qui fut achevé en 1772." GRAND SUD INSOLITE

Après ce petit passage sur le chemin de la Mâture, je rejoins le parking où est garée la voiture.
Prenons la direction d'autres horizons dans les prochains jours...