Pique-nique au Moulin de l'Enfer (Espagne)
Après avoir vu Les Tambours du Bronx en concert à L'Atabal de Biarritz, c'est équipé d'une bonne gueule de bois à base de rhum arrangé au gingembre et à la vanille que la résolution fut prise :"Et si on allait dans la vallée de l'Enfer faire un pique-nique !"
Mais tout d'abord une question : quelle est l'origine du mot pique-nique ?
Qui, par un jour incertain, peut être, a dit comme ça : "Et si pour bouffer dehors sur une nappe, on disait pique-nique comme ça pour déconner parce que eh oh, hein, c'est marrant ! Hein ?"
Au début, j'ai de suite pensé à Pit et Rik...
Mais non. C'était juste les noms qui me rappelait le mot pique-nique.
Recherchons plus en profondeur.
PIQUE-NIQUE :
Définition : Un repas où chacun emporte sa nourriture.
Origine : Si déjà au Moyen-Age on appréciait les repas à la campagne, les premiers pique-niques sont réellement apparus au XVIIème siècle. À l'époque, on pouvait pique-niquer dans un jardin, mais également dans une maison, l'essentiel étant que chaque convive apporte son repas. Dans cette expression, le verbe "Piquer" signifie "Picorer", donc "manger par ci par là", et une 'nique' est une chose sans grande valeur. L'Internaute encyclopédie
Autre recherche avec Alain Rey :
"Du point de vue étymologique, le terme 'nique' qui date de la fin du XIIème siècle et qu'on retrouve dans l'expression 'dire nic', c'est à dire 'ne pas soucier de', signifie 'chose de peu de valeur'. L'expression 'picnic' serait passée en Angleterre, puis revenue en France au milieu du XVIIIème siècle."
Bref : il est déjà midi et il faut aller faire les courses... Et d'ailleurs, d'où vient cette expression 'Faire les courses ' ?
Ouais OK, on n'a plus le temps.
J'oublie mon appareil-photo (c'est le rhum), mais Maître Arnaud, compagnon de cette virée espagnole, a pensé à prendre le sien...
... pour nous offrir toutes les magnifiques photos qui vont suivre pour ce billet. Et je te conseille de voir ses oeuvres sur son blog :
ARNOFOTO
Par contre, il a oublié les sacs à dos pour foutre la graille dedans.
Et la graille, on l'achète où ?
Eh bien, à Dancharia ; plus communément appelée Danche.
DANCHARIA-DANTXARRINA
Pas d'église, pas de mairie, pas d'hôpital !
Danche, paradis des soiffards qui veulent du Ricard, mais moins cher !
De la viande vendue au quintal, mais moins chère !
De l'essence qui bousille ton moteur, mais moins chère !
Du parfum pour madame ? OK, mais moins cher !
De la clop qui a le goût de foin ?
Bien sûr que c'est possible et en moins cher !
Oui, Danche, c'est vraiment l'endroit où la vie est moins chère... mais la vie plus courte.
Ah ben oui, on peut pas tout avoir !
Quand tu erres dans ce discount-village, tu en viens à te demander :
Mais où sont les petits fermiers qui nous vendent des bons produits, merde !!!
Où sont les boulangers qui se lèvent à 4 heures du mat pour foutre les mains dans la pâte fraiche ?!
Où sont les petits commerçants qui t'accueillent avec le sourire ?
Où est le boucher tout tâché qui découpe son beefsteak en te disant simplement : "Y'en a un peu plus, je vous le mets quand même ?"
Où est le coiffeur qui te parle de la météo pendant deux heures en pensant qu'il y a que ça qui intéresse les gens ?
Eh ben, ils ne sont pas là. T'as qu'à aller ailleurs.
Nous, on vient là pour faire de bonnes vieilles courses de post-cuite et d'avant pique-nique. Et le choix ne manque pas avec tout un tas de produits tous plus appétissants les uns que les autres, comme :
Mais non !
Nous nous concentrons uniquement sur la charcuterie bien huileuse et l'eau gazeuse.
Une fois que tout ce bordel de gras est dans le coffre, nous voilà partis pour l'Espagne !
La vraie ! La dure ! La pure !
Après avoir traversé les derniers villages basques
qui ne veulent voir aucun écriteau en français...
Après avoir traversé moult petits monts
typiquement régionaux...
Après avoir remarqué
ces quelques maisons isolées refaites...
... nous arrivons en Espagne...
...pays où 82,4% de la population se dit catholique.
(Je ne sais pas si les chiens sont comptés dans ce pourcentage)
Pour l'instant, nous empruntons des routes grimpantes qui deviennent ensuite et sans raison de maigres lignes de bitume sinueuses descendantes. Un carrefour. Prendre à droite en direction d'Etxebertzeko Borda ; ce qui veut dire euh... je sais pas, mais une chose est sûre, c'est que nous allons pique-niquer à côté d'un resto.
La route de plus en plus étroite s'aventure solitairement dans une vallée jonchée d'arbres sans feuilles aux troncs noircis par on ne sait quel phénomène naturel.
Fin de la route. Une venta.
Un champ dans lequel viennent se garer les voitures des clients de ce restaurant perdu au milieu de nulle part.
C'est une des habitudes du dimanche pour les gens de cette région, que ce soit côté français ou espagnol : venir dans une de ces petites auberges au bout d'une route pour y manger de la truite au jambon, une soupe d'haricots rouges ou une omelette accompagnées d'une bouteille de rosé ou d'un rouge qui tâche.
Nous croisons des enfants qui, en trio, se sont simplement posés sur une pierre pour manger une glace en regardant l'eau de la rivière de la vallée s'écouler dans un clapotis affectueux.
Et là,
soudain,
là,
comme ça,
sans prévenir,
un panneau :
C'est par là que se situe notre objectif :
le moulin de l'Enfer.
Armés d'un sac recyclable Super U du plus bel effet, mais contenant le jambon, le pain, le chorizo, la galantine et l'eau gazeuse made in Danche, nous nous élançons sur un chemin de prime abord complètement... quelconque. Il y a de la terre, des cailloux... Normal quoi.
Et puis, nous nous enfonçons tranquillement dans la forêt. Le ruisseau nous accompagne jusqu'à ce que le sentier se mette à grimper. Je sais pas si c'est les efforts à fournir pour grimper ce foutu sentier à la con, mais, à partir de là, les arbres revêtissent des formes étranges qui tapent dans les tempes.
LES ARBRES
Bon, pis à un moment, vu que l'on commence quand même à avoir la dalle et que l'on aimerait bien vider le sac Super U recyclable à proximité de l'objectif à atteindre, on se dit : "Mais bordel, il est encore loin ce moulin de l'Enfer à la con ?"
Et là, comme par magie, un panneau nous rappelle que nous approchons...
Puis un indice, là, comme ça,
sur une branche...
Le moulin de l'Enfer ne devait plus être très loin.
Des fins fonds obscurs de la forêt semblent sortir une musique lancinante, rythmée par le vent soufflant dans les arbres menaçants.
C'est à ce moment précis et à cet endroit précis,
dans cette forêt précise située dans ce pays précis,
où nous n'avions croisé absolument personne,
qu'une chanson des Doors me vint en tête :
Deux minutes trente plus tard, le Moulin de l'Enfer est face à nous.
Étrange et captivante maison suspendue au-dessus d'une cascade bruyante, bloquée entre deux roches.
Quelle légende, quelle histoire pouvait bien avoir donné un tel nom à ce moulin isolé ?
L'intérieur du moulin
Mais quelle vie y'avait-il ici ?
Quelle secte ?
Quel crime, peut être ?
Quel acte mystérieux et paranormal ?
Et cette forêt qui l'entoure ?
Quels gredins avaient bien pu l'habiter
pour commettre on ne sait quel méfait ?
Etait-il seul ou avec d'autres sbires
venus d'on ne sait quelle contrée lointaine ?
Nous décidons d'ouvrir le livre touristique qui nous apprenait simplement que...
"On raconte que le Moulin de l'Enfer aurait été construit à cheval sur la limite des communes d’Etchalar et de la communauté du Bastan au moment de la première guerre Carliste, il y a plus de 150 ans. Il servit pendant la seconde guerre Carliste pour l’approvisionnement en farine des troupes stationnées sur les hauteurs avant la bataille d’Atxuria."
Bref, rien de plus normal finalement.
Il n'y avait plus qu'à se poser le cul au bord de la rivière et commencer à pique-niquer en se disant que, bon Dieu, ces Espagnols donnaient bien des noms d'enfer à tout et n'importe quoi.
Cependant, c'est en goûtant la galantine que nous remarquâmes que celle-ci avait un goût très étrange... Un peu comme l'odeur de la bombe odorante qui sert à parfumer les toilettes après avoir faire la grosse commission.
Peut être que l'enfer commençait...