LES CABANES ET LE LAC D'ANSABèRE, partie 1 (64)

La montagne est belle ! La montagne se mérite ! La montagne est silencieuse ! La montagne est haute ! La montagne... oui d'accord.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Dans notre précédent billet, nous avions vu que le monde chrétien était suspendu à une cheminée qui crachait de la fumée dans l'attente de la nomination du nouveau Pape.
DONC ça y est : la fumée est devenue blanche et nous savons que Jorge Mario Bergoglio.. François 1er... François est le nouveau pape ! Les gens se sont alors massés... Aaaah, c'est dégueulasse... sur la place du Vatican pour accueillir la nouvelle idole.
Même s'il est contre l'avortement, contre le port du préservatif, contre le mariage gay, contre les caricatures, qu'il a fermé les yeux et n'a rien dit durant la dictature argentine (de 1976 à 1983), beaucoup ont l'air de se réjouir de cette nomination car c'est un pape proche des pauvres.
Célébrons cet évènement médiatico-chrétino-religieux comme il se doit...

...en revenant sur nos précédents mots qui reposaient surtout sur cette future randonnée dans le cirque de Lescun.
Oui, alors, bien sûr, lorsque nous parlons de cirque, dans le cas présent, il ne s'agit pas de clowns qui font "Ohlalalalalalalalalala pouet pouet meuh meuh !!", de trapézistes en moule-burnes, d'éléphants qui marchent sur des ballons, de lanceurs de couteaux sur nains, des cracheurs de feu sur jongleurs en monocycle, etc.

Non, ici, le cirque,
c'est ceci :

Et le cirque de Lescun est sans doute l'un des plus beaux de la chaîne pyrénéenne.
Situé aux portes de l'Espagne, à une trentaine de kilomètres au sud d'Oloron-Sainte-Marie, ville de poètes et de rugbymen, le cirque de Lescun présente son majestueux amphithéâtre montagneux couronnant un paysage  naturel varié et sauvage, traversé par le gave de Lescun. Montagnes de calcaire blanc ("arres") aux sommets acérés, des silhouettes massives du Billare aux contours déchiquetés des orgues du Camplong.
Je n'avais jamais encore tenté de le gravir et de l'harpenter jusqu'à ce jour où, avec l'ami Greg, nous décidassiâmes de se lancer à l'assaut de ses sommets.

Photo : J.P. Dugène

Alors peut être que tu te demandes : "Mais qui est Greg ?".
Eh bien, pour répondre à ta question, peut être l'as-tu vu dans cet excellent film d'anticipation française, mêlant horreur et nature, et qui a pour titre...

LE MIMOSA
 

LE PITCH : C'est le printemps, il fait beau, les oiseaux chantent, et pourtant, tout ne semble pas être aussi simple. Urbain, jeune homme d'une trentaine d'années, aime la nature. Alors qu'il se prépare à faire une grande marche dans la campagne autour de Poitier, un étrange homme à pull rouge tente de lui offrir un bouquet de mimosa. D'abord récalcitrant, puis franchement contre, Urbain tente d'échapper à cet étrange individu très insistant. Il continue sa route, mais l'individu au pull rouge réapparaît encore et toujours...
LA CRITIQUE : Que dire de ce film si ce n'est qu'il est  sponsorisé par Interflora.
Ici, à la rédaction, nous préférions de loin le précédent film de Patchek Oglav, "Purée !", reprenant l'histoire de Maurice Poney, qui, après avoir rêvé toute la nuit qu'il préparait trois tonnes de purée en flocon, se réveille au milieu de la banquise, loin très loin de toute urbanisation. et qui n'avait alors plus qu 'un seul objectif : trouver du sel. Peut être un "Purée 2 !" en préparation. Nous le souhaitons de tout coeur.

Voilà t'es prévenu maintenant !

Nous sommes le matin.
Oui, c'est comme ça depuis très longtemps, mais effectivement, force est de constater qu'une nouvelle journée commence toujours par le matin.
Alors, bien sûr, il y a toujours dans ce bas monde des récalcitrants, des révolutionnaires, des anarchistes ou, tout simplement des gens contrariants qui affirmeront que non... mais si !
On n'est pas dans une nouvelle de F. Scott Fitgerald, ni dans une citation de Woody Allen qui disait ceci :

Soyons sérieux merde !
Comme chaque début de journée, nous sommes le matin. Il fait un temps de chiotte dans la vallée d'Aspe. Brouillard, humidité, bruine. Un vrai temps à ne pas aller faire de la randonnée en montagne. Mais il en fallait plus pour nous retenir !
Nous préparons nos sacs avec ce qu'il faut de rosé, de saucisson, de jambon, de pâté, de chips et un couteau ; puis nous prenons la direction du village de Lescun. La route suivie est également celle sur laquelle nous pouvons croiser quelques marcheurs munis d'une coquille dans le dos. Si on ne connaît pas bien le principe, on pourrait se dire : "Mais qu'est-ce que c'est que cette secte ?!"
Par contre, si tu portes attention aux pancartes signalant que nous sommes sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, tout s'éclaire... presque. Car, tout de même, quel rapport entre une coquille et un marcheur ?

UNE COQUILLE,
POURQUOI ?

Dans l’Antiquité, la coquille est symbole d’Amour (coquille de Vénus). Elle protège des mauvais sorts et des maladies. On place des coquilles au côté des dépouilles mortelles en guise d’ornement ou d’offrande mortuaire.
D’après les récits, Saint Jacques partit du Proche-Orient prêcher la foi chrétienne dans la péninsule ibérique. Mais, malgré ses efforts, il ne réussit à convertir que quelques personnes. Déçu, il repartit à Jérusalem où il fut décapité. Jacques fut ainsi le premier apôtre à subir le martyre.
Après sa mort, deux disciples auraient embarqué de nuit son corps sur un navire et le bateau, guidé par un ange, serait revenu à Iria Flavia… Le corps de l’apôtre aurait alors été déposé dans un ancien compostum (cimetière) romain : on l’y oublie…

Le tombeau aurait été retrouvé quelques centaines d’années plus tard, au IXè siècle par l’ermite Pelayo qui eut une révélation dans son sommeil.
En 813, un ermite, nommé Pélage, est conduit par la clarté d’une étoile miraculeuse à l’emplacement de la sépulture. Le cimetière romain devient alors le "Campus Stellae", le Champ de l’Etoile. Le roi Alphonse II, prévenu de cet événement, fait édifier trois églises à cet emplacement. Le contexte politique d’alors est constitué de guerres incessantes entre chrétiens et musulmans pour la maîtrise de la péninsule, et Saint-Jacques va devenir rapidement un symbole pour l’Espagne chrétienne. C’est en 1884, que le pape Léon XIII, officialisa la reconnaissance du tombeau de Saint Jacques.
Pour atteindre ce tombeau, on découvre qu’au Moyen Âge, quatre chemins auraient existé pour se rendre à Saint-Jacques à partir de la France, des itinéraires bien précis, jalonnés de sanctuaires riches de précieuses reliques.

Les quatre itinéraires drainent toutes les régions du pays. Curieusement, leur tracé dessine les doigts d’une main ou, si l’on veut prendre une image encore plus symbolique, les stries d’une coquille Saint-Jacques !

Autre interprétation : les deux valves du coquillage représentent les deux préceptes de l’amour du prochain auxquels celui qui les porte doit conforter sa vie, à savoir aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même… les valves qui sont disposées à la façon des doigts désignent les bonnes oeuvres dans lesquelles celui qui les porte doit persévérer.
Récemment, l’interprétation du sanctuaire a subi une évolution doctrinale : le mot « tombeau » a disparu des discours des deux derniers papes. Jean-Paul II parlant du « mémorial de saint Jacques », sans utiliser le mot « reliques » et Benoit XVI disant simplement que la cathédrale de Compostelle «est liée à la mémoire de saint Jacques».
Toujours est-il que la coquille Saint-Jacques symbolise le renouveau, la jeunesse de coeur, la pureté auxquels parvient le pélerin de Saint-Jacques de Compostelle au terme de sa marche et indique qu´à l´issue du voyage c´est un homme nouveau qui rentrait au pays. En plus de son pouvoir protecteur, elle permettait de se distinguer des autres voyageurs, de boire dans les fontaines ou de demander l'aumône car à la vue de la coquille, la charité devient devoir.

Sur ce, nous arrivons à Lescun, lieu plongé lui aussi dans le brouillard le plus complet. Tout en pente, nous le traversons en suivant les panneaux nous indiquant la direction de "Masousa/Ansabère". Nous roulons sur cette petite route, étroite et sinueuse qui s'enfonce dans la montagne pour atteindre le pied des sommets du cirque.
Arrivés à un parking qui n'en est pas un, nous laissons la voiture pour emprunter un chemin tout d'abord assez large et montant.
Ca y est, c'est parti ! Un seul but : atteindre le lac d'Ansabère, situé à 1895 m d'altitude. Cela devrait être possible après 2h15 de marche, sur un dénivelé de 700 mètres.

Pour commencer, nous empruntons un large chemin traversant une forêt prospère de hêtres et de pins à crochet. Nous aurions pu croiser de ces fruits sauvages que l'on trouve dans les montagnes, tels que les myrtilles, fraises des bois et autres noisettes. Mais pour l'instant, c'est humidité et brouillard, rendant ce début de randonnée bien étrange et mystérieux, à la limite de l'énigmatique...

Une demi-heure plus tard, nous quittons la forêt pour nous retrouver, peut être, au milieu de grands espaces. D'après le guide lu la veille, il est possible que nous soyons à présent au milieu de ce qui est appelé "les pâturages de printemps".
Le brouillard domine toujours et cette vague blanchâtre dont il recouvre les paysages alentours nous fait avancer dans le flou le plus complet. Nous n'apercevons que quelques silhouettes ici et là, qui semblent elles-aussi attendre la levée du jour...

    

J'ai lu également que la petite dizaine d'ours des Pyrénées, qui survit entre vallée d'Aspe et vallée d'Ossau, s'aventure régulièrement en ces lieux, à l'instar du chevreuil, de l'isard (chamois des Pyrénées) et du sanglier. Peut être croiserons-nous aussi le pic à dos blanc (oiseau grimpeur) et le gypaète, redoutable rapace diurne, surnommé le "vautour des agneaux". Pour l'instant, pas d'ours, ni de criminel en col blanc, mais tout droit sortis de nulle part et fonçant directement sur nous en poussant quelques grognements retenus, cela...

Ben oui ! Deux cochons devant nous passant dans une sorte de furie retenue, mais constante. Ils poussent des grognements incessants et semblent chercher un chemin que jamais ils ne trouvèrent. Nous les regardons passer, puis disparaître à nouveau dans la brume.
Nous avançons pour atteindre une sorte de petit plateau sur lequel se trouve une magnifique cabane sans fondation, toute en pierres.

     

Vu comme ça, ça a à l'air vétuste, mais à l'intérieur, c'est carrément de la folie ! Sauna, hammam, piscine à vagues, jacuzzi, bar à mojitos, télé grand angle de 3 mètres de large,... Bref : tout le confort nécessaire pour rester chez toi quand il fait un temps de merde. Et c'est le cs aujourd'hui : nous avons beau regarder autour de nous, pas l'ombre d'une montagne, ni d'un repère naturel en vue ! Seul quelques chardons aux apparences de soleil bleu nous donnent un peu de lumière au passage...

Nous continuons de monter. Le chemin s'est rétréci et traverse à nouveau une forêt. Le brouillard semble se retirer peu à peu. Quelques rayons de lumière solaire font même leurs apparitions pour traverser le nuage de brume. Nous sortons à présent de la forêt. Les cabanes d'Ansabère ne sont plus très loin, mais un danger semble guéter quelque part...

 

Pourtant, le Patou avait l'air d'être l'animal de compagnie le plus extraordinairement sympa du monde.

LE PATOU

Majestueux dans sa fourrure blanche à poils mi-longs, c'est avant tout un chien de troupeau. Il garde les brebis dans les hauts pâturages, notamment contre l'ours, et participe aux transhumances. Le Patou a pour ancêtre le dogue du Tibet, venu dans nos montagnes au XIVème siècle. Son museau large et sa tête carrée à la truffe noire, son regard patient et doux, font du Patou l'ami idéal des enfants et le compagnon infatigable du berger.

Par contre, il n'est pas forcément l'ami idéal du randonneur de passage...

 
Après cette petite mésaventure, enfin le soleil apparaît !
En nous retournant, nous comprenons que les nuages se sont blottis dans la vallée pou ne pas en bouger...

Et c'est tant mieux !!! Car, à présent, face à nous se présentaient de magnifiques paysages...

Oui, nous faisons à présent face à la première étape de cette randonnée : les Cabanes d'Ansabère.
1171 m d'altitude atteint après 1H15 de marche.

 DANS NOTRE PROCHAIN EPISODE

Mais que se cache-t-il dans les mystérieuses cabanes d'Ansabère ? Et où se trouve le lac du même nom ? Le brouillard n'allait-il pas rejoindre les deux randonneurs ?