BAYONNE, à la recherche des fresques du festival Street Art Point de Vue, périple 1 (64)
Après le succès de la première édition l’an dernier, Spacejunk Art Centers a lancé la seconde édition du Festival de street-art Points de Vue dans les rues de Bayonne du 17 au 21 octobre dernier. Pendant 5 jours, 20 artistes internationaux sont ainsi venus peindre leurs fresques sur différents murs de la ville basque.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...
Alors, où qu'on en est là ?
L'actualité de ces derniers jours est dense,
et pas seulement parce que le Beaujolais Nouveau est arrivé
avec son cortège de pains, de charcuterie, de fromages
et d'haleine qui sent le pneu...
Ces derniers jours sont surtout agités sur les routes et ronds-points des villes de France, de Navarre et des Dom Tom (surtout La réunion) grâce à la présence des gilets jaunes. Ces derniers ont installé et installent encore des barrages ici et là pour sensibiliser l'opinion publique sur cette politique suivie par le gouvernement depuis quelques mois. Une politique qui entretient les très grosses richesses des uns pour affaiblir encore d'avantage la "pauvreté" des autres.
Oui, c'est la merde ! La hausse des taxes sur les carburants, la baisse du pouvoir d'achat, l'augmentation du prix des denrées alimentaires, l'ISF supprimé, la baisse du régime des retraites,...
Mais eh oh, il y a quatre mois, n'oublions pas que les Français descendaient aussi dans la rue pour fêter la victoire des millionnaires en short lors de la coupe du monde des sponsors.
Ce paradoxe m'intrigue.
Bien sûr qu'il faut prendre les moments de joie et de partage, mais n'y a-t-il pas là un abus ?
Pourquoi des joueurs de foot peuvent-ils être rémunérés à coups de millions d'Euros pour taper dans un ballon alors que leurs spectateurs payent une place à 30 euros minimum après avoir acheté un maillot à plus de 70 euros ?
Comble de ce paradoxe, l'émission Envoyé spécial a révélé que certains joueurs d'une autre équipe étaient même payés pour applaudir leurs supporters... et pas au SMIC.
Perte des repères financiers. Autant d'argent ici, et si peu ailleurs ! Une information récente, -l'arrestation pour fraude fiscale présumée de Carlos Ghosn, PDG de Renault, touchant 45 000 euros de salaire par jour-, n'a fait que confirmer le dégoût des gens pour les grands patrons, qui semblent en vouloir toujours plus.
Dessin : Mykaïa Tramoni Caparros
Pourquoi tant de différences salariales ? Comment en est-on arrivé là ? Un patron touchant 45 000 euros par jours pendant qu'un employé lambda de chez Renault touche 1500 euros par mois ?
ATTENTION ENCHAÎNEMENT :
dessin → fresques !
Fresques → Festival street art Point de vue !
PAF !
Eh oui, je en sais pas si tu te souviens, l'année dernière, nous nous étions lancés à la recherche des différentes fresques et créations artistiques effectuées lors de la première édition du festival Street art Point de vue organisé par le centre d'art Spacejunk de Bayonne. Périple que tu peux retrouver en cliquant sur : BALADE ET STREET ART POINT DE VUE.
Mais le festival, ce n'est pas que cela. Ce sont aussi des rencontres, des initiations, des expositions, des concerts, des films, des conférences, des jeux,... Tout ceci dans le but aussi "de diffuser les artistes et les héritiers de la contre-culture internationale.", comme le rappelle Alban Morlot, directeur du Spacejunk Art Center. Mais est-ce toujours évident de créer une dynamique artistique dans une ville, notamment comme celle de Bayonne ?
"Aujourd’hui la ville manifeste son intérêt pour cet événement par un soutien important pour le faire évoluer. Mais il faut des étapes car du street art au Pays basque n’est pas forcément quelque chose qui coule de source. Il y a une histoire du graffiti très intéressante, mais de là à l’institutionnaliser il y a un cap important à franchir. C’est une belle région qui n’avait peut-être pas besoin de sortir de sa zone de confort pour être attractive. Mais des problématiques de grandes villes se posent aujourd’hui aux principaux centres urbains du littoral, avec une sociologie qui a beaucoup évolué et entraîné dans son sillage de nouvelles attentes, y compris culturelles. Avoir un centre d’art Spacejunk sous la main à ce moment là s’est avéré être une aubaine !" ALBAN MORLOT pour KINDABREAK
Cette année, seconde édition de cette magnifique initiative qui permet de jumeler art et découverte d'une ville car, oui, pour trouver les fresques, il faut marcher, chercher, parfois se perdre dans Bayonne. Dans tout Bayonne ! Du petit Bayonne au Grand Basque, du Nord au Sud, de l'Ouest à l'Est en passant par le centre ! Petites rues et grandes avenues ! Centre-ville et quartiers périphériques !
"C’est aussi gratifiant de voir tous les jours des personnes s’arrêter devant les œuvres, prendre des photos, partager un moment en famille et faire des détours dans des quartiers périphériques pour chasser une œuvre de tel ou tel artiste. On sent qu’il y a un engouement spontané pour ce type de pratique artistique, car elle est accessible au plus grand nombre et s’impose dans le paysage publique avec bienveillance." ALBAN MORLOT pour KINDABREAK
Le Street art Point de vue festival organisé par le centre d'art Spacejunk ne fait pas de préférence et ne tente pas d'amener le touriste à découvrir seulement une fois de plus les rives de la Nive, les couleurs rouge et blanche des façades du Petit Bayonne, les arcades des chocolatiers de la rue Port Neuf, les alentours de la cathédrale Sainte-Marie,... Cette quête aux différentes fresques m'a ainsi une nouvelle fois permis de me rendre dans des quartiers de Bayonne que je ne connaissais pas.
Pour être sûr de ne rien louper, il est important de se munir d'une carte-plan répertoriant les lieux où ont été peintes les fresques avec le nom des artistes.
Cette année, ce n'est pas moins de 20 artistes internationaux qui sont venus colorer les murs de la ville.
"Je construis le line-up en fonction des murs. C’est un contexte, une forme, une histoire qui va me conduire à sélectionner un artiste que j’ai déjà en mémoire. Il m’arrive de vouloir travailler avec un artiste en particulier, mais tant que je n’ai pas le support qui lui permettra d’exprimer pleinement son talent, je ne le contacte pas. Ça demande de connaître assez bien les artistes, leurs attentes… C’est un métier !" ALBAN MORLOT pour KINDABREAK
Je voulais me rendre sur ces lieux à vélo ; cela permettait ainsi de faire un peu d'exercice, de découvrir au mieux la ville, d'avoir une plus grande liberté de mouvement et de moins polluer. Mais... eh... Bayonne, c'est pas plat ! Bon Ok, autour de la Nive et de l'Adour, c'est bien, c'est agréable, mais si tu veux monter vers les Hauts-de-Sainte-Croix ou Beyris-Saint-Amand, eh bien il y a du dénivelé ! J'ai donc pris la voiture et le GPS après m'être concocté un parcours.
FESTIVAL STREET ART
POINT DE VUE 2018
Les fresques
Je commence mon aventure par l'avenue du Capitaine Resplandy, au numéro 22.
Difficile de louper l'oeuvre réalisée par l'artiste Mantra.
Il s'agit d'un portrait de la femme de Mantra, Véra, elle aussi artiste. Peint dans des tons sépia évoquant une certaine nostalgie parce qu'il aurait aimé qu'elle soit avec lui à Bayonne pour le festival. Le mur était une surprise pour elle qui ne connaissait pas ce projet. Elle a adoré.
Ce portrait géant fait "écho" à celui que l'on peut voir quelques mètres plus loin, réalisé l'année dernière par Sismikazot.
Le plan du festival indique qu'il y a une autre fresque un peu plus loin, au n°11 de l'avenue, mais je ne trouve rien.
Je reprends la route en direction du centre-ville de Bayonne, et plus précisément du Petit Bayonne.
Après m'être garé au parking des allées Boufflers, je me plonge dans les petites rues et ruelles de Bayonne dans le but de rejoindre la place Patxa. Mais au passage, je vais marquer un arrêt dans la rue des Visitandines puisque le collectif Anonymouse a laissé son empreinte. J'arrive rue des Visitandines. Je remarque de suite cette fresque très basque.
Vu son "engagement" et son état quelque peu abîmée par le temps, je ne pense pas que cela soit cette oeuvre que je cherche pour le festival Street art Point de Vue 2018. Mais cela fait partie de l'art de la rue avec ses couleurs et ses revendications. Herriak Bizi behar du peut être traduit par Le pays doit vivre. Pour en savoir plus et comprendre ce que cela signifie, tu peux aller lire ce texte de Xiberoa : Herriak bizi behar du.
Il doit y avoir autre chose à voir dans cette petite rue dont je m'interroge sur l'origine du nom. Visitandines ? Allons voir le dictionnaire.
VISITANDINES
1) Une visitandine est une sœur de l'Ordre de la Visitation de Sainte-Marie.
2) Une visitandine est l'ancêtre du financier, une pâtisserie française à base de poudre d'amandes et de blancs d'œufs.
Ah ouais, pas pareil, là, hein !
Bon eh oh, ça m'énerve c'te rue ! Je suis sûr qu'il y a quelque chose. J'avance, je tourne, je traverse la route... non pas pour trouver du boulot... je regarde devant, derrière, en haut, à gauche, à droite, puis en bas...
Ah !
Devant, en bas !
Y'a un truc là !
Tu as vu ?
Non ?
Approchons-nous !
Magnifique travail de délicatesse et de finesse pour reproduire deux commerces.
Me voyant prendre des photos de l'oeuvre en m'allongeant par terre, une passante du quartier me dit : "Et la nuit, l'intérieur des petites boutiques s'éclaire. C'est magnifique."
Cette oeuvre est réalisée par Anonymouse qui ne sont pas un, mais plusieurs artistes composant un collectif suédois. Ils cassent avec le gigantisme des autres fresques réalisés lors du festival. Leur "spécialité" : réaliser des échoppes miniatures à partir d'objets récupérés (boutons, allumettes, morceaux de canettes, abat-jour, timbres...).
"C’est tellement génial d’imaginer un monde parallèle au nôtre où les souris pourraient vivre juste un peu à l’écart des regards indiscrets." ANONYMOUSE
Un vrai petit monde poétique de lilliputiens. Anony Mouse, petit monde de souris, dont on reconnait la signature par ce mini tag sur la droite de l'échoppe.
Je reprends mon périple pédestre urbain pour rejoindre la place Patxa où se trouve une autre fresque, plus grande peut être cette fois-ci, réalisée par Reskate Studio.
Au bout de la rue des Visitandines se trouve la place Patxa, facilement reconnaissable à son identité basque prononcée sur les murs qui l'entourent. Il y a beaucoup de fresques, de tags, mais ceux-ci n'ont pas non plus été réalisés pendant le festival.
Ici, les murs ont la parole, comme lieu de militantisme. Autrefois place du Trinquet, la place a été 'rebaptisée' Place Patxa dans les années 1980 par des militants anarco-abertzale. Le groupe n’est plus, mais la dénomination est restée. Patxa, diminutif du mot Patxaran -cet alcool basque fait à partir de la macération de prunelles sauvages dans de l'alcool anisé- , avait la réputation pour certains du quartier d'être un groupe "antifasciste, antiraciste, antisexiste... antitout".
Je m'arrête devant une fresque qui me rappelle quelque chose.
Elle a été réalisée en 1993 et fait référence à une célèbre image de la bande dessinée "Astérix et Obélix" : les autorités française et espagnole regardent le Pays basque à la loupe, elles y voient des symboles d’insoumission.
Je fais le tour de la petite place enclavée carré. beaucoup d'écrits et d'autres peintures sur les murs, mais je ne vois pas de fresque susceptible d'avoir été réalisée il y a quelques semaines. Celle-ci a été réalisée par Reskate Studio, collectif basque et catalan. Influencé par la culture populaire et le graphisme, leur travail véhicule un message qui évolue selon l'éclairage. Autrement dit : la fresque est différente le jour et la nuit grâce à l'utilisation d'une peinture en photoluminescence.
Ben merde : je ne la vois pas le jour ! Peut être faut-il que j'attende la nuit ? Je regarde un peu partout. Je ne trouve rien.
Ce n'est qu'en consultant le site du festival un peu plus tard que je découvrirai la fresque. Elle se trouvait bien plus haut que là où je regardais.
Photo : Reskate Studio
Je continue.
Il me faut quitter le Petit Bayonne pour rejoindre l'autre rive de la Nive. De la place Patxa, j'emprunte plusieurs rues qui, à l'heure où je passe, sont calmes. Cela me permet d'apprécier la beauté des devantures de leurs commerces.
Je coupe par la petite rue Charcutière.
Pour la peinture sur le rideau du bar La pétrolette, je pense au dessinateur Edika.
Au bout de la rue des Cordeliers, c'est la Nive et ses berges. Dans l'eau de la rivière qui n'est pas encore soumise aux flux et reflux des marées, les immeubles bayonnais se mirent.
Depuis le quai Galuperie,
vue sur la cathédrale Sainte Marie.
Sur le quai Galuperie,
scooter et fresque.
Je traverse la Nive par le pont Marengo, construit en 1857. Son nom célèbre la victoire italienne de Napoléon 1er face aux Autrichiens en 1800. Je remonte la rue de l'Argenterie ne direction de la cathédrale Sainte-Marie, puis la place d'Espagne, puis la rue Pasteur, puis la rue Deluc, puis la Montaut, puis la rue des Prébendes, puis la rue dces Gouverneurs... à la recherche de la rue Albert 1er avec mon GPS.
Écoute : ça m'aura fait faire un beau petit tour de la cathédrale et de la partie Ouest du centre-ville, mais ce n'était pas du tout par là que se trouve la rue Albert 1er que je finis par trouver quelques kilomètres plus tard. C'est au croisement avec la place Jacques Portes que je découvre la fresque réalisée par Taroe.
De son vrai nom Nicolas Materson, Taroe est un Bayonnais, né en 1981. Pur produit de la "street culture", autodidacte et passionné, il a façonné son art dans la rue, sur les murs des hangars désaffectés, les wagons de train… Il poursuit une œuvre qui emprunte aux codes de la pop culture sur le thème de la jungle urbain. Il a également réalisé une fresque à la plage du Port-Vieux de Biarritz.
De la rue Albert 1er, je dois me rendre à la place de la Liberté, au café du Théâtre, où doit se trouver une oeuvre de Udatxo.
Malheureusement, je n'ai rien vu... si ce n'est cette saloperie de trambus à la con, fièrement exposée sur la place de la Mairie.
Oui, je n'aime pas le trambus ! Cela fait plus d'un an que Bayonne-Anglet-Biarritz est en travaux pour recevoir ce truc qui ne servira à rien. Ici, nous n'avons pas la mentalité transport en commun. La ville est trop petite et les gens habitent en campagne. Qu'est-ce que tu veux qu'on se fasse chier à payer un ticket de parking, puis un ticket de trambus pour aller bosser ou faire nos courses ?! La vie est assez chère comme ça ! "Je suis trambus"... Il faut dire que "Je suis celui qui vous casse les couilles en bloquant la circulation dans Bayonne et Biarritz" ne tenait pas sur la carlingue de ce suppositoire géant qui stoppe le transit urbain.
Sinon, j'apprendrais un peu plus tard que la fresque d'Udatxo se trouvait à l'intérieur du Café du Théâtre, dans l'escalier.
Allez, je vais rejoindre ma voiture au parking des Allées Boufflers en repassant par le Petit Bayonne et la rue Bourgneuf où je passe devant la belle vitrine du bouquiniste Kontrapas, ainsi que devant une plaque apposée au-dessus de l'association humanitaire Euskadi Sénégal.
"Et quelle est cette plaque", me demanderas-tu. Hein ? Hein ? Hein ? Mais si ! Pourquoi est-elle là ? Que s'est-il passé dans cette rue ? Qui est né, qui est mort ? Qui a été exécuté ? Hein ? Hein ? Hein ?
Alors, bon, eh : ok, on est là pour voir des fresques, de l'art, tout ça, mais ça n'empêche tout de même pas de faire une petite pause Histoire et sciences quand on tombe sur une annonce comme celle-ci.
Personnellement, je ne sais qu'une chose de la quinine, c'est qu'il y en a -ou avait- dans la boisson baptisée Gini. Ne pas confondre avec le coefficient de Gini qui est utilisé pour mesurer l'inégalité des revenus dans un pays. Le Gini était une boisson gazeuse à base de citron. Je ne crois pas qu'elle existe encore... Hein ? Ah si, ça existe encore ? Ah bon. Elle faisait partie de ces boissons soda gazeux avec plein de sucre que l'on buvait dans les années 1980 avec les Ricqlès, Force 4, Brut de pomme, Canada dry, Banga et autres Atlon. C'est Gainsbourg qui avait réalisé les premières publicités télévisuelles pour Gini avec un slogan "La plus chaude des boissons froides".
Ah oui, j'avais oublié. Pierre Cosso, acteur de La boum 2... Ménage à trois, c'est pas grave du moment qu'il y ait du Gini... Bon...
Je me souviens également que ma tante ne pouvait pas boire de Gini car elle était allergique à cette même quinine. Elle se mettait à gonfler à la moindre gorgée avalée par inadvertance. Mais sinon, à part donner un goût amer au Gini, à quoi sert la quinine découvert par ce Bertrand Pelletier né au 30 rue Bourgneuf, le 31 juillet 1761 ?
QUININE : "La quinine est un alcaloïde naturel antipyrétique, analgésique et surtout, antipaludique. Extraite du quinquina, un arbuste originaire d'Amérique du Sud, elle était utilisée pour la prévention du paludisme (ou "malaria") avant d'être supplantée par ses dérivés, quinacrine, chloroquine, et primaquine. La quinine peut également soulager les crampes musculaires et réguler le rythme cardiaque." WIKIPEDIA
De la rue Bourgneuf, je rattrape la rue des Jacobins jouxtant la paroisse Notre-Dame-de-l'Assomption. Les arbres entourant l'édifice ont revêtu leurs couleurs d'automne.
Les feuilles tombées se sont déposées de façon aléatoire sur les trottoirs, leur donnant une touche artistique naturelle.
Je retrouve le parking des allées Boufflers. Je reprends la voiture. Direction la prochaine fresque qui a été réalisée dans le sud de Bayonne, place du Polo Beyris.
DANS NOTRE PROCHAIN ÉPISODE
Nous quitterons le centre-ville de Bayonne, très touristique et très connu, pour nous aventurer vers un Bayonne plus lointain....