LES LACS D'AYOUS, partie nord (64)

Allez, quittons un peu la Bourgogne avant de la retrouver plus tard pour nous rendre dans les montagnes pyrénéennes. un endroit que nous avons déjà parcouru ici plusieurs fois : les lacs d'Ayous.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Mais pourquoi retourner dans un endroit où nous sommes déjà allés plusieurs fois ?
Eh bien tout simplement parce que le monde change, la nature change, notre regard change et tout ça et tout ça.
La nature, ce sont les aléas climatiques avec, tour à tour, la pluie, la neige, le soleil, des nuages, la canicule, un coup de froid, la sécheresse, les inondations,...
La nature, ce sont les changements de saisons avec des couleurs et des paysages différents.
La nature, c'est la faune, c'est la flore.

BREF : il y a plein de raisons pour retourner à un endroit déjà connu  -qui plus est quand celui-ci est magnifique, reposant et... hors saison estival.
Car oui, je me suis rendu aux lacs d'Ayous au début du mois de mai dernier.

Quelques heures avant les évènements...

      

       

Eh oui : la montagne se casse la gueule, en parlant poliment.
A quoi sont dus ces éboulements ? Plusieurs réponses : zone "à très mauvais potentiel géologique", pluies abondantes sur terres très sèches et risques sismiques. En somme, les phénomènes météorologiques, climatiques et géologiques sont responsables de ces accidents rocheux.

BON, allez !

La veille, je me trouve à Mouguerre pour boire une petite bière avec l'ami Fred qui m'offre un truc que je ne connaissais pas et qu'il ramasse sur les plages avec ses deux fils : un œil de Sainte-Lucie.

Attends, on voit plus la Paix Dieu
que l'Oeil de Sainte-Lucie.

C'est le petit coquillage blanc dans la paume de ma main. A droite, par contre, c'est ma bière, la Paix Dieu, brassée en période pleine lune dans un verre "rond comme la lune".
Mais revenons à cet œil de Sainte-Lucie.
Egalement appelé "Œil de Vénus" ou encore "oeil de la Vierge", l'oeil de sainte-Lucie est le petit opercule minéralisé d'un mollusque de la famille des Turbinidae (ordre des Archaeogastropoda), le Bolma Rugosa. Ah oui, ça fait beaucoup de noms que je ne connais pas d'un coup. Mais c'set aussi ça la nature, hein.
On le trouve surtout en Corse et autour de la mer Méditerranée. Mais alors, qu'est-il donc venu faire sur les plages basques de l'Atlantique ? Je ne sais pas.
Toujours est-il que l'Œil de sainte Lucie serait un porte bonheur, protégeant sont porteur du mauvais œil. Sa légende païenne (puis reprise par l'église chrétienne lors de l'évangélisation de la Corse) trouve son origine dans la vie de sainte Lucie.
Dans la légende Sainte Lucie ayant réalisé de nombreux miracles fut répudiée par son mari car elle refusa de renier la vierge. Pour lui prouver son amour malgré son refus de renier sa religion, Sainte Lucie s’arracha les yeux et les offrit à son mari.
Une autre légende raconte qu'en réponse à la dévotion de Lucie, la Sainte Vierge ramassa deux opercules du Turbo Rugosa lui rendit la vue et lui donna des yeux plus beaux et plus lumineux. N'appréciant pas que tous les biens soient dilapidés (ni la virginité), son fiancé la dénonce comme chrétienne. A l'époque, 300 après JC, la chrétienté n'était pas religion d'état. Lucie fut alors suppliciée : tirée par des cordes attachées à ses pieds, puis couverte de poix et résines que l'on enflamme, et enfin transpercée au cou par l'épée.

Bon. Après cette petite bière,
je rentre en passant par quelques petites rues bayonnaises
où je trouve une poubelle avec un parapluie dedans.
     
Cela peut paraitre étrange,
mais j'ai pris cette scène en photo
car Mélanie fait la collection
des parapluies dans une poubelle.

C'est comme ça. on pourrait faire un rapide inventaire des collectionneurs de l'étrange avec celui qui collectionne les agrafes retirées de documents, celui qui collectionne les autocollants de pneu, ou encore la collection de cailloux en forme d'oeuf, de moustiques écrasés, de gommes en forme de nourriture, etc. (cf : Collections insolites). Mais je vais plutôt rentrer sur Mouguerre pour dormir et être d'attaque demain. Ça tombe bien, c'est la pleine lune. Ça va brasser de la Paix Dieu !

LE LENDEMAIN
Réveil, sac à dos, j'oublie de me laver... Ça m'arrive souvent dans les grandes occasions... voiture, partir.

MOUGUERRE → A64 → BARDOS → BIDACHE → CAME → ESCOS → SAUVETERRE-DE-BEARN → NAVARRENX → OLORON-SAINTE-MARIE → OGEU-LES-BAINS → ARUDY → LARUNS → EAUX-CHAUDES → GABAS → BIOUS-ARTIGUES   146km

Le tout avec une petite musique
dans le lecteur de clé USB de la voiture.
 

On quitte l'océan pour les montagnes.

Deux heures et trente-six minutes très précises plus tard, j'arrive sur le parking haut de Bious-Artigues, vallée d'Ossau.
Impecc', pas grand monde pour le moment. Pas même un ours dans les alentours.

         

J'ai bien choisi mon séjour et ma saison.
En même temps, déjà que les montagnes s'effritent ; si en plus, je dois me faire courser par un ours... Pire : un ours qui te tombe dessus !
Préparation : sac, chaussures, appareils photos, casquette. On y va.

Tout de suite, des chiffres :
- 14 kilomètres de randonnée prévu dans des paysages merveilleux.
- 800 mètres de dénivelé sur cette longueur.
- environ 5h30 de marche pour réaliser la boucle des lacs.

Je quitte le barrage du lac de Bious-Artigues, dominé par le pic d'Houratatère (2182m). Des fois, tu demandes qui donne le nom aux pics et pourquoi.

Nous sommes à 1422 mètres d'altitude. Il fait bon, il fait beau, les oiseaux chantent, c'est calme, c'est vert. Je longe la rive sud du lac, cerné par les arbres.

       

Profondeur maximale est de 40 mètres.
Superficie de 32.6 hectares.
Le lac et le barrage furent "construits" entre 1953 et 1957,
engloutissant une partie du plateau.

Et quand on quitte les rives du lac, qui voit-on apparaitre au dessus des arbres en feuilles ?

Eh oui : le Pic du Midi de Jean-Pierre d'Ossau. Sa géologie particulière et ce sommet original ne va nous lâcher de toute la randonnée. Un cache-cache permanent.

Une fois les rives du lac de Bious-Artigues quittées, la montée commence dans la forêt. Je passe sur un pont en béton qui enjambe le Gave de Bious, alimenté par les lacs Gentau, Roumassot et Berseau que nous croiserons un peu plus tard.

Grosse montée très raide, puis arrivée à la croisée des chemins. Nous sommes à 1535 mètres d'altitude. Eh oui.
Soit tu continues tout droit, tu passes sur le pont de Bious et tu évolues sur un beau plateau où serpente le gave de Bious avant d'attaquer une sévère montée vers le lac Castérau.

Soit tu tournes de suite à droite pour continuer à grimper tranquille dans la forêt pour rejoindre la lac Roumassot.

Cette fois-ci, je choisis la seconde proposition, contrairement à la randonnée faite au mois de juillet 2018 (Le tour des lacs d'Ayous) ou en novembre 2009 (Les Pyrénées : lacs d'Ayous).

C'est parti pour une ascension tranquille dans la forêt. On y croise quelques panneaux, des arbres aux silhouettes inquiétantes et des parterres de fleurs naturels magnifiques en cette saison.

       

     

      

Après quelques mètres de montée bien agréable, je sors de la forêt pour traverser une clairière bien colorée par des centaines de jonquilles.

 Surprenant, étonnant. La nature.
Au loin, on distingue le pic de Ger (2613m) et, au premier plan, la cime pointue du Pic Lavigne (2018m).
Sur la gauche, une cabane de berger.

Et juste derrière moi,
après une brève absence lors de la traversée de la forêt,
il apparait à nouveau...

Mais cette "omniprésence" ne doit pas nous faire ignorer la beauté des jonquilles. Qui sont-elles ? D'où viennent-elles ? Ont-elles une légende ?
"La jonquille est une fleur originaire d’Europe Centrale, d’Afrique du Nord et d’Asie. (...)
Le terme jonquille vient du mot espagnol « junquillo » qui signifie petit jonc. Il a fait son apparition en France en 1596, d’abord au masculin avec “jouquille”. 
Le mot jonquille est ambigu : il provient d’une espèce bien précise, le narcisse. Cette fleur a poussé à l'état sauvage jusqu'en 1629, date à laquelle les Anglais ont pris la décision de les cultiver à nouveau. (...)
Le narcisse tient son nom de la mythologie grecque et de la célèbre légende de Narcisse, fils de la nymphe Liriopé et du dieu fleuve Céphise. Après être rejeté par Narcisse, la nymphe Echo a décidé de lui jeter un sort au moment où il se rafraîchissait à une source. Il admirait son reflet dans l’eau, et se mit à l’aimer passionnément jusqu’à en mourir. À l'endroit où son corps fut retrouvé, des fleurs blanches ont été découvertes ; on les appela « narcisses »." MEILLEURES POMPES FUNEBRES

       

Allez, même si c'est très beau, on continue.
Je re-rentre dans la forêt pendant quelques minutes avant d'en ressortir définitivement. Le sentier se dessine sur le flanc de la montagne faisant face au pic Castérau (2227m).

Et derrière moi, le pic du Midi de Jean-Pierre...

Toujours là avec sa cime si particulière.

Vestige d'un volcan surgi à l'ère primaire il y a environ 290 millions d'années, il surplombe la vallée d'Ossau de ses 2884 mètres. Un phare. Une dent. Des parois de dacite, aiguisées au quaternaire sous l'action des glaciers. Un air redoutable qui lui va bien car il a la réputation d'être le sommet le plus difficile d'accès de toutes les Pyrénées. Loin pourtant d'être le plus haut. Le pic, c'est aussi un nom, une légende. Jean-Pierre, géant de pierre.
"Il y a fort longtemps vivaient Jean et Pierre deux frères jumeaux, bergers dans les montagnes d’Ossau. Comme ils avaient la réputation d’être courageux, on leur avait donné pour mission de surveiller les frontières pour empêcher l’invasion des barbares. Jean était petit et joyeux, tandis que Pierre était un colosse taiseux.
Une nuit, Pierre entendit un bruit épouvantable venant des entrailles de la terre. Affolées, toutes leurs brebis s’enfuirent. Il se douta d’un mauvais tour joué par les brouches (sorcières), nombreuses dans cette région. Il appela son frère Jean pour l’aider à patrouiller. Soudain, ce dernier se fit attaquer par un bouc noir, qui le mordit et le fit tomber. Alors que Pierre lui venait en aide, une brouche surgit des profondeurs pour les précipiter tous les deux dans son antre souterraine.
Aidés par les sorcières, les barbares avaient à présent le champ libre pour anéantir les hommes et les bêtes de la vallée. On dit que les eaux de la rivière de Pau se colorèrent de sang.
Pendant ce temps dans le fond des enfers, les deux jumeaux parviennent à terrasser la sorcière au bout de trois jours de combat. Ils ressortent des profondeurs avec deux épées forgées de feu. Équipés de leurs armes maléfiques, les deux frères embrochèrent les barbares sanguinaires jusqu’au dernier.
Les sorcières, dans un dernier mauvais tour et pour punir les deux frères d’avoir volé les épées des enfers, pétrifièrent Jean et Pierre en montagne. C’est ainsi que pour l’éternité le Petit Pic (Jean) et le Grand Pic d’Ossau (Pierre) demeurent côte à côte, gardiens de la vallée d’Ossau." MASHERBRUM

Quelques mètres plus loin, j'arrive au premier lac de ce que l'on appelle les lacs d'Ayous. Il s'agit du lac Roumassot.

Les quelques jonquilles partagent le lieu avec des centaines de renoncules des Pyrénées.

Nous sommes à 1845 mètres d'altitude. 5,1 hectares d'eau claire dans lesquelles vient se mirer le pic Castérau. Profondeur : 16 mètres.
"Grande originalité, ce lac se vide directement dans un gouffre situé exactement au milieu de la rive sud. Depuis peu ce gouffre a été exploré en scaphandre par José Pellegrin et ses amis. Ils y ont trouvé de magnifiques salles souterraines. Ils ont pu aboutir à la résurgence, sur le versant opposé, qui forme un affluent du gave de Bious. Ils ont pu faire une observation moins poétique: ces salles souterraines ont été transformées en véritables dépôts d'ordures où s'accumulent toute sorte de déchets."  Extrait du rapport de M. Hamonet

        

Je continue de suivre le sentier en direction d'une cascade, là-bas, au loin, dans la roche.

       

Et du haut de la cascade, la vue est sublime ; une fois de plus.

Suivons cette rivière-torrent sans nom...

J'arrive au lac du Miey. Nous sommes à 1914 mètres d'altitude.
Le lac de Miey, c'est un hectare d'eau cristalline avec un profondeur pouvant aller jusqu'à trois mètres en cette période de l'année.

Prenons un peu d'altitude.

Attention magie :
faisons disparaitre le Pic du Midi d'Ossau !

Puis faisons progressivement disparaitre le lac de Miey en suivant le sentier parallèle à un torrent-cascade...

      

      

Et au dessus de cette nouvelle cascade, voici qu'apparait soudain le magnifique lac Gentau.

Et hop,
un selfie pourri !

Ah oui, il y a encore un peu de neige.
Ici, nous sommes à 1947 mètres d'altitude. Cela fait un peu moins de deux heures que je marche dans ces belles montagnes de l'Ossau. Température toujours idéale. Reflets des montagnes environnantes dans une eau calme...

Mais...
que ne vois-je là-bas ?
Sous le refuge d'Ayous ?

Je m'approche.
Pas ou peu de monde sur les rives du lac...
sauf...

Hein ? Non, je ne veux pas parler de forte affluence ou de surtourisme, comme le fait la photographe Natacha de Mahieu avec ces instagrammables superposés avec la technique du Timelapse...

Article Télérama

Non, là, je parle de cette tente qui n'a rien à foutre ici à cette heure la ! Il est presque 12h30 et il est interdit de bivouaquer ou de laisser une tente monter dans le parc national des Pyrénées de 19h à 9h !!! Merde !
Je m'approche des rives du lac en direction de cette saloperie de tente d'où sortent, en plus, des sons de musique techno assez élevés.
Putain : tu te fais une belle randonnée en montagne pour être peinard, pour trouver le calme, loin de la civilisation et du bruit... ET PAF : des ruscofs, canettes de bière à la main, musique techno et cigarettes au bec ! Là, au bord du lac !!!! Merde !
Avec un autre randonneur de passage, nous décidons d'aller les voir pour leur parler un peu du pays, du parc régional et de la nature car ce n'est pas possible de laisser ça comme ça !
Après quelques mots vaguement compris ou pas, ils arrêtent la musique, font un peu de rangement autour de leur tente... Ils ne la démontent pas... Pas encore...
Pour ma part, je m'en vais m'isoler un peu plus loin pour admirer ce paysage sublime que j'ai déjà vu plusieurs fois, mais dont je ne me lasse pas.

        

Comme je le disais plus haut, il n'est pas loin de 13h.
Et qui dit "13h", dit "le journal avec Yves Mourousi".

Elle est incroyable cette vidéo car le gars qui l'a postée a monté une répétition de 10 heures non stop de "Bonjour" par Yves Mourousi... Ben oui... Voilà... C'est comme ça... Bon... Qu'est-ce qu'on disait ?

AH OUI :
qui dit "13h",
dit...

Eh oui : l'apéro !
Et là, j'ai tout prévu pour faire un super apéro compet' ! J'ai amené le barbecue démontable-portable, la tente trois pièces, le frigo, la chaine hi-fi, les bouteilles de rhum, eau gazeuse, glace pillée, menthe,... Je vais te déposer tout ça là, sur les rives du lac Gentau, face au Pic du Midi d'Ossau que ça va pas trainer !

Mais non, eh, j'déconne !
Attention, poème !

L'apéro,
Ici, au bord du lac Gentau
C'est du repos,
Pas de son démago,
Ni de concerto,
Ni de water-polo,
Mais juste quelques oiseaux
Dans le ciel très haut
Pendant qu'au bord de l'eau,
Une bière et un risotto.

Oui, bon, pour le risotto, on repassera.
En fait, vu que chips, ça ne se termine pas en O, j'ai donc choisi Risotto.

Pouah, ça m'a crevé cette poésie.
On n'est pas bien là, hein ? Qu'est-ce que tu veux de plus ?

Devant moi :
le Pic du Midi d'Ossau,
ses 2884m, son silhouette d'ancien volcan.

Derrière moi :
le pic d'Ayous,
ses 2288m, sa couleur rosâtre.

 
Sous moi,
quelques grenouilles évoluant
dans les eaux claires du lac.

 Et hop :
selfie bancal !

Je vais rester un peu ici. Quelque temps. Posé. Tranquille.

Avant de reprendre les sentiers en direction d'autres altitudes, vers le lac Bersau, un peu plus haut.