Tournée des festivals d 'été : le Tour de France

18 juillet 2009

Tournée des festivals d 'été : le Tour de France

Le Tour de France... ça sonne comme un long voyage parsemé de rencontres et de découvertes.
Le Tour de France est une course cycliste de 3500 km qui sillonne les routes françaises et parfois étrangères du 4 au 26 juillet 2009.

Oui, oui, je te vois venir... Tu te dis : "Eh oh, le Tour de France, c 'est pas un festival ?!"
Eh bien, tu as raison ! Mais j 'en ai rien à foutre. Moi, j 'ai décidé de le placer dans les moments festifs de l 'été ; alors tu ne m 'emmerdes pas.
Ceci étant dit, serrons-nous la main, rigolons un bon coup comme si de rien n 'était et intéressons-nous à nos moutons !

Aaaah, le Tour de France ! J 'en avais déjà parlé il y a de cela deux ans... Ohlalalala, qu 'ça file ! Deux ans déjà ! Michael Jackson était toujours en vie ! Nicolas Sarkozy venait d 'être élu président de la République et on y croyait tous ! Il n 'y avait pas encore d 'histoire de dopage dans le cyclisme, etc.
Souvenons-nous :
TOUR DE FRANCE 2007 !

Cette année, autre Tour, autre étape, autre moeurs, autre ambiance !
Déjà, rien que quand tu vois la carte 2009, tu te demandes :

Qu 'est-ce que c 'est qu 'ce bordel de Tour qui ne passe pas du tout à l 'Ouest et dans le Nord ?! Alors voilà, la France, c 'est ça, hein ?!
Monaco ! Barcelone ! Andorre ! Verbier ! Hein ? Et pourquoi pas Londres aussi ? Et pourquoi pas Amsterdam pendant qu 'on y est ?! Ou Dakar aussi, tiens !
Mais où sont passés les Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Brest, Roscoff, Barfleur, Caen, Omaha Beach, Deauville, Le Havre, Berk, Boulogne, Lille, Arras, Metz,... ? Hein ? Hein ?
Et Villequier ? Et Ambléteuse ? Et Cabourg ? Et Saint-Vaast-la-Hougue ? Et Camaret-sur-Mer ? Et Erquy ? Penmarch ? Coulon ? Cognac ? Saint-Palais-sur-Mer ? Soulac ? Talmont ? Bergerac ? Bergues ? Cassel ? Morcenx ? Itxassou ?... Hein ? Hein ?

C 'était la première chose à savoir : le Tour de France 2009 ne faisant pas vraiment le tour de la France, il fallait choisir un endroit où j 'étais sûr qu 'il passerait.

Je me suis alors dirigé vers le Centre où,
pour toi, cher lecteur,
j 'ai suivi l 'étape reliant...

Vatan

Vatan était encore au XIXème siècle un village de sorciers.
Redoutés par la population, ces 'magiciens' étaient à l 'époque
nombreux dans tous les villages berrichons.
Aujourd 'hui, la magie à Vatan se place sous le signe
du chapiteau, au musée du Cirque.

Saint-Fargeau

Photo Wikipedia
Dès les années 1000, Héribert, le frère d 'Hugues Capet,
décida de bâtir à Saint-Fargeau un château fort imprenable,
nanti de profondes douves et de cinq solides tours.
Deux siècles plus tard, le château perdit largement de son
caractère défensif... Il faut dire qu 'il passa alors entre des
mains plus féminines. Anne Marie Louise d 'Orléans,
cousine de Louis XIV, fut en effet exilée à Saint Fargeau,
après avoir eu la mauvaise idée de se rallier aux révoltés et
d 'aider au soulèvement d 'Orléans durant la Fronde.
Trouvant la demeure dans un terrible état, la Grande
Demoiselle demanda à l 'architecte Le Vau d 'y effectuer de
multiples transformations, donnant au château l 'aspect
qu 'on lui connait aujourd 'hui.
Après la mort de la Grande Demoiselle, le château fut hélas
ravagé par un incendie, avant de sombrer dans l 'oubli.
Plusieurs ventes font passer le domaine aux Le Pelletier
dont le plus connu: Michel, va devenir au cours de la tourmente
révolutionnaire député puis "montagnard" et voter la mort du roi.
Il sera assassiné la veille de l'exécution de Louis XVI.
Ses héritiers feront construire une aile au château et la grande demeure
passera de génération en génération jusqu'aux Ormesson
qui se verront contraints de revendre le château
(ceci donnera lieu à l'écriture, par Jean d'Ormesson, du célèbre roman :
Au plaisir de Dieu).

Et cela tombe bien que l 'on parle de ces deux localités séparées par 192 km puisque nous
n 'allons aller.. N 'allons aller... c 'est beau ça... nallons naller... on dirait une chanson de Frankie Vincent...
Bref : nous n 'allons aller dans aucune de ces deux localités au demeurant forte sympathique.
Oui, oui, oui...
Je t 'ai repéré un petit coin bien sympa où nous pourrons voir le Tour de France avec ce qu 'il faut.
Prenons donc la direction de...

POUILLY-SUR-LOIRE

Ouaaaaaiiiiiissssssss !
Et comme le chantait le célèbre groupe Licence IV :
"Allez viens boire un p 'tit coup à la maison.
Y 'a du vin, y 'a du vin et y 'a du vin. Y 'a du vin, y 'a du vin et y 'a du vin.
Y 'a du vin et y 'a du vin et y 'a encore du vin !!!"
Ou un truc dans le genre. J 'ai bloqué sur les paroles.

Et j 'avais pas passé le panneau de Bienvenue à Pouilly...

... que de suite, j 'étais accueilli royalement
par la Confrérie des Baillis de Pouilly-sur-Loire

Casquette et verre de blanc bien frais, on parle de la météo ; puis on discute de l 'origine, de la situation et de l 'appellation de ce vin, ô combien merveilleux lorsqu 'il vient caresser affectueusement le garganet.
Résumé.

LE VIN DE POUILLY-SUR-LOIRE,
CETTE AVENTURE

"Chef-lieu de canton d 'un terroir de grande qualité, Pouilly-sur-Loire est un site de renom, situé entre la source et l 'embouchure de la Loire, dernier fleuve sauvage d 'Europe.
Le vignoble de Pouilly-sur-Loire est le seul survivant
de nombreuses vignes qui bordaient la Loire,
de façon régulière, au siècle dernier.
La culture de la vigne a été à l 'origine instaurée
par des religieux bénédictins aux environs du XIIIème siècle."

C 'est marrant : ce sont souvent les religieux qui sont à l 'origine du travail de la vigne ou autre élaboration à base de fermentation donnant vie à des produits à base d 'alcool. Citons les moines belges et leurs nombreuses bières d 'abbaye. Citons les moines de Dal Riada qui transmirent leurs connaissances sur l 'art de la distillation aux Ecossais afin qu 'ils produisent du whisky. Citons le Père Labat, missionnaire dominicain basé aux Antilles, qui inventa la distillation du sucre de canne (et créa ainsi le rhum) pour créer un remède aux fièvres.
Il n 'y a que l 'eau de vie qui semble avoir échappé aux mains et aux esprits religieux puisque ce sont les alchimistes qui l 'auraient élaborée au Moyen Âge en tentant de créer un élixir de longue vie.
Bon, allez, revenons à notre Pouilly.

"Pouilly fournit tout au long des siècles de grandes quantités de vins, vendus essentiellement à Paris. Malheureusement, le mildiou puis le phylloxéra, apparus à la fin du XIXème siècle, détruisirent rapidement toutes les vignes.
Les vignerons ont alors replanté, en greffant sur des vignes américaines résistantes, les anciens cépages. C 'est ainsi que le vignoble actuel put démarrer."

Putain de merde, encore les Ricains !

"Le bourg doit son renom à la qualité de ses vins :
pouilly-sur-loire (cépage chasselas) et pouilly fumé (cépage sauvignon blanc fumé).
Bien qu 'implanté dans le département de la Nièvre,
le vignoble de Pouilly-sur-Loire n 'a pas le droit à
l 'appellation 'Bourgogne'.

Obtenu par un pressurage du raisin à l 'état pur, le pouilly fumé est un vin de Loire, à ne pas confondre avec le roi des mâcons blancs : le pouilly-fuissé bourguignon."

Un petit peu ému par cette belle rencontre, mais encore vaillant, je décide de poursuivre mon chemin en direction d 'un vague sommet. C 'est bien connu : pour mieux voir les coureurs, il faut se placer au sommet d 'une côte ; pas dans une descente... Eh, hein, pas con !
D 'autres personnes préfèrent se mettre à hauteur du ravaitaillement pour récupérer des sacoches ; d 'autres choisissent de se poser à 5 km de là pour voir les coureurs s 'arrêter pisser... Chacun son Tour !

Ici, entre Pouilly-sur-Loire et une petite côte, les spectateurs sont visiblement là depuis un petit bout de temps. Accompagnés de glaçiaires, tables, chips, chaises, pliants, vin, bières, salade de riz, radio, journaux, jambon et mots croisés, ils ont pris leur journée pour associer Tour de France et bouffe en plein air.

Car, oui, le Tour de France est une manifestation populaire
qui mérite un pique-nique le long du fossé !

Ou bien de poser le camping-car sur le bord de la route
pour regarder la télé par satellite.

Me voici au sommet d 'une petite côte. Je pose mon cul dans le fossé et j 'attends.

De toute façon,
j 'ai pris soin de mater le programme avant de venir.

A 13h38 précise, la caravane publicitaire doit passer.
Une heure plus tard, ce sera au tour des coureurs.

Il est 13h32...
Puis 13h34... Tout est normal.
13h35 : un silence oppressant s 'installe le long de la route...
13h39 : les spectateurs s 'impatientent... "Oh, Bon dieu, 13h38, c 'est pas 15 heures !"
13h42 : l 'attente est devenue insupportable... Certains sont prêts à appeler l 'organisation pour se faire rembourser, oubliant que le Tour de France est un 'spectacle' gratuit.
13h44 : au loin, des klaxons...
13h46 : des motards tout phare allumés !
13h48 : Le chien aboie et la caravane passe. Ce proverbe est d’origine arabe.
Il faut suivre son chemin sans s’occuper de ce que disent les calomniateurs.
La Côte d’Azur offre de multiples manifestations et un grand nombre de salons, il s’y passe toujours quelque chose de bien et de beau, été comme hiver. N’en déplaise aux esprits chagrins qui ne pensent qu'à nous calomnier… Le chien aboie et la caravane passe… — (Robert Verdoïa, D’un Salon à l’autre…, Le Petit Niçois, 14 septembre 2006).

A y est, c 'est parti pour le grand bordel !

Du klaxon ! Des phares allumés !
Des voitures, des motos qui roulent à grande vitesse !
Du gars qui gueule dans les hauts-parleurs pour dire que :
- Boire du panaché c 'est génial !
- Bouffer du sucre, c 'est incroyable !
- Laver du linge, c 'est fantastique !
- La gendarmerie, c 'est sympa !
- Les pneus, c 'est la fête !
- Prendre un crédit, c 'est fabuleux !
- Manger du saucisson, ouaaaah, c 'est trop dingue !
- Les courses de chevaux ? Prrrr, c 'est ce qu 'il y a de mieux !

Dix minutes plus tard, une voiture annonce la fin de la caravane publicitaire.
Retour soudain au calme de la campagne pouilloise.

Pendant cette cohue organisée, des choses semblaient tomber du ciel pour attérir dans ta tronche ou dans le fossé.

Il ets temps de faire les comptes :

De la casquette à pois !
De la casquette bleue !
Du porte-monnaie !
Du bonbec ! Du sausbac !
Du magnet !
Du journal !
Un bonnet de nuit !
Et...et...et un magnifique bracelet complètement tendance pour l 'été :

Le bracelet : Lisez !

Même si le mot et le concept sont des plus fachisants... Lisez, c 'est un ordre... Il est vrai qu 'on ne pense pas assez à la lecture.
Des fois, on est là, à la plage, ou chez soi, on sait pas trop quoi faire entre regarder
l 'enterrement de Michael Jackson, écouter Vincent Perrot sur RTL en repasssant du linge ou matter les maillots de bain féminins sur la plage.
Eh bien, là, HOP : tu regardes ton poignet et tu te dis : "Mais oui, merde ! Faut que je lise !
J 'suis trop con !"

Par exemple, moi, dans le fossé, entre deux bordels de klaxons, je me suis lu un petit extrait de 'L 'attrape-coeurs", que je trimballe un peu partout en ce moment :

"Je me mis à marcher vers Broadway car je n 'y étais pas allé depusi des années. Et puis, je voulais trouver un magasin de disques qui fut ouvert le dimanche. Il y avait ce disque que je voulais acheter pour Phoebé, un disque appelé Little Shirley Beans. C 'était un disque très dur à trouver ; ça parlait d 'une petite fille qui ne voulait pas sortir de chez elle parce que deux de ses dents de devant étaient tombées et qu 'elle avait honte. C 'est un morceau terrible, très vieux, que cette chanteuse noire, Estelle Fletcher, a enregistré il y a vingt ans. Elle le chante très Dixieland et bordel c 'est loin de faire l 'effet d 'un bâton de sucre d 'orge. Si une fille blanche chantait ça, elle en ferait quelque chose de sucré comme tout, mais Vieille Estelle Fletcher savait ce que diable elle faisait, et c 'est un des meilleurs disques que j 'aie jamais entendus." Jerome D. SALINGER

Dans le même temps, j 'écoute les discussions qui battaient bon train autour des fossés. Des brides d 'infos en tout genre que je te livre en une sorte de cadavre exquis de Tour de France :

"Dans une eau à 30°, tu rentres pas comme ça. La pêche aux thons, ça s 'fait plus. T 'sais, y 'en a qui font un peu bonbonne en rosé, là. 18 à la radio. 19 dans le journal. DONC 18,5 ! Nathalie, je suis sûre que si tu te fous à poil sur un pied de vigne, ils vont te filmer avec les hélicos. Ils ont dit que vendredi, ils rouleraient pas sans oreillettes. Dans les bagnoles de la télé, ils sont un ! M 'étonne pas que la redevance est si chère. Faudra qu 'ils jettent leurs bidons, les coureurs, merde ! Putain, on est dans la Nièvre et y 'a pas un coureur français dans l 'échappée."
Moments en vrac depuis un fossé du Tour de France

Fasciné par tous ces propos, je décide de relâcher ma lecture exhaustive pour me concentrer sur un journal que la caravane avait pris soin de m 'envoyer dans la tronche.

A la page festivals de l 'été de ce grand quotidien parisien, ceci :

En haut, au centre :
"Des petits plaisirs à Poil" démontrent que tout peut concourir à l 'élaboration d 'un festival.

Attention ! Nouveau compte-à-rebours pour le passage des coureurs !
Annoncés à 14h38, il est maintenant 14h32. Des voitures et des motos diverses passent. On ne sait pas trop à quoi elles servent.
14h36 : un spectateur crie : "Là-bas : LES HEEEEELLLLLIIICCCOOOOOS !!!" ; tout le monde se lève qui de son fossé, qui de sa chaise pliante. Le vague silence fait de conversations en tout genre laisse peu à peu la place à une petite frénésie faite de suppositions sentant le stress.
"Tu crois qu 'on est bien placé ?", "Ils sont à l 'entrée de Pouilly là ?", "Où j 'ai mis mes espadrilles, bordel ?", "Mais puisque je te dis que je ne l 'ai pas ton tire-bouchon de merde ?!", "C 'est pas Armstrong qui va gagner cette année quand même !", "Il en faut pour tout le monde.", "J 'espère qu 'ils vont balancer leurs bidons.", "Aaaah, ils sont pas en avance quand même !".
14h42 : toute sirène hurlante, les motards de la garde civile font de grands gestes avec les bras pour que les gens s 'écartent de la route.
14h46 : une voiture rouge avec les phares allumés...

... laisse échapper des mots bruyants, comme "Frrre te la pas prrrreeeuuu tu ladon... fon de lai tou ra ta grrrreeeuuu."

14h49 :
excitation, débordements, folie !
Les premiers coureurs passent...

Des mots s 'échappent de partout ! Des klaxons ! Du bruit !
"C 'était qui, c 'était qui ?", "Merde, ils vont trop vite ces enculés !!"
"Oh putain, j 'ai pas vidé la carte mémoire !!!!",
"Pousse-toi de d 'vant meeeerrddeee !" ,
"Elles sont où les caméras de la télé ?????"

14h50 : ça enchaine avec le peloton :

14h50 et 30 secondes :
Des voitures, des voitures, des voitures, des voitures...

14h51 :
Plus rien ! Le retour au grand calme.

Les oiseaux chantent. Le vent souffle dans les blés.
Les gens repartent en silence.

"Après, le Tour fini, les jours glissaient, semblables. La radio marchait par habitude, on ne l 'écoutait pas. C 'était comme si l 'été s 'était enfui avec les coureurs. D 'ailleurs, la nuit venait plus tôt."
Annie Hernaux, 1990

Impression étrange : les gens se sont peut être préparés depuis des semaines à cet évènement.
Puis ils se sont levés tôt ce matin pour tout élaborer : le pique-nique, la radio, les tables et les chaises avec ce qu 'il faut d 'exaltation.
Ne pas partir trop tard pour avoir la meilleure place.
Et puis, ils ont attendu toute la journée le passage de ces coureurs qui n 'a finalement duré que vingt secondes ; l 'espace d 'un flash inaccessible et insaisissable.

Tu sais quoi : le Tour de France, c 'est un peu comme la vie !
On a si peu de temps pour vivre les choses pleinement qu 'il faut en profiter l 'instant présent. Rencontrer, bouger, se cultiver, voyager, découvrir !
Oh merde, je vais me faire chialer tout seul si ça continue...

Dans notre prochain épisode

Le festival Partie de campagne à Ouroux-en-Morvan où, notamment, nous tenterons d 'expliquer ceci...