De Nevers à Krk, Prologue

29 juillet 2010

Je venais juste de terminer de composer sur papier mes divers itinéraires pour effectuer le trajet menant de Nevers à cette petite île croate qu 'est Krk, en passant par la Suisse et l 'Italie...

Alors, avec ma mère et mon père, on s 'est dit comme ça, hein, bon, voilà : "Et si on faisait un barbecue avant le grand départ ?!"
Hop, c 'est parti !
Il était là, il était prêt, il était beau. Qui ça ?

LE BARBECUE FAMILIAL

C 'est du brut, c 'est du solide, c 'est du lourd ! Différent des fameux barbecues Raymond.

Mais la question se pose : "N 'y a t-il pas quelque chose de singulier dans cette photo ? N 'y a-t-il pas un objet qui ne semble pas à sa place ?"
Vas-y ! Joue et gagne peut être ton poids en merguez, qui te sera remboursé si la Corée du Sud remporte la Coupe d 'Europe de foot 2012.

Alors, déjà des réponses !

LA PELLE BLEUE !
Non, la pelle bleue sur le côté, c 'est normal. Elle est là pour s 'assortir avec le récipient rouge et la chappe blanche afin de donner un air français à l 'ensemble.
LA FORET DE THUYAS !
Non, elle est là pour le côté champêtre du barbecue plein air.
LA PLANTE VERTE !
Non plus, c 'est pour... euh... pour le... de... ben... la... t 'sais... Non, c 'est pas ça !

Regarde d 'un peu plus près et ne voilà-t-il pas que tu découvriras ceci...

Prenons cette chose étrange dans nos mains et regardons-la de beaucoup plus près...

Je demandais explications à mon père.
L 'histoire de cette plaque en caoutchouc dur gravée "Morvan" passe par le Pont Bertrand ; cet endroit même où je décidais de me rendre aujourd 'hui, sur la route de Krk, pour illustrer les propos de mon père.

LE PONT BERTRAND

L 'entreprise Morvan a été créée en 1946, juste après la Seconde Guerre Mondiale qui n 'avait pas épargnée la région. Une région qui s 'était toutefois distinguée par son esprit de résistance et ses nombreux maquis (Ouroux, Dun-les-Places, Anost, Chaumard,...).
C 'est Louis Gallois qui était à l 'initiative de cette nouvelle activité industrielle morvandelle. Sa société prend forme en deux temps.
Tout d 'abord, il construit le moulin d 'Yonne, un moulin à eau qui, par ses fonctionnalités, transformait certaines matières premières en composants nécessaires à la fabrication de semelles, talons et plaques en caoutchouc ; produits vendus ou utilisés par la suite dans une autre usine, Morvan, située à Château-Chinon, quelques kilomètres plus haut, rue Jean-Marie Thévenin. Parmis les produits phares, on peut citer la confection de talons et de semelles de chaussures, telles que les célèbres Pataugas ou encore les brousses.

Mon grand-père paternel a travaillé plus de vingt-cinq ans pour cette société, de 1950 et 1975 ; neuf heures par jour, en 3/8.
Les conditions de travail étaient pénibles. Il travaillait sur des presses qui cuisaient le caoutchouc dans des moules pour réaliser semelles, talons,... Une fois la presse soulevée, les vapeurs
s 'exaltaient pour heurter son visage et venir se loger dans ses poumons.
C 'est sans aucun doute ce qui l 'a fragilisé par la suite.
Mon père a également travaillé pour les usines Morvan pendant deux mois. Ce petit boulot
d 'été lui a ensuite permis de payer une bague de fiançaille pour ma mère.

Pour se rendre à son travail, l 'hiver, mon grand-père ne pouvait pas toujours prendre son vélo de par la vétusté des chemins, recouverts de glace et de neige. Il devait alors chaque jour effectuer quatre heures de marche aller-retour par ce sentier appelé "chemin de la Varnée", nom désignant une ferme appartenant à la famille Gallois et exploitée par un couple.
Le Pont Bertrand était alors un endroit périlleux, séparant les deux rives de l 'Yonne qui, à cette période, pouvait être en crue. A l 'époque, ce pont n 'était composé que d 'un tronc d 'arbre et
d 'un autre plus petit servant de rembarde pour passer d 'une rive à l 'autre. N 'étant pas surélevé comme aujourd 'hui, cela le rendait dangereux l 'hiver. Il devenait glissant et le fort courant qui animait la rivière étaient un véritable danger pour chaque marcheur qui pouvait glisser, tomber et se faire emporter par le fort courant. Ajouté à cela la nuit et ce passage devenait un véritable cauchemar.
En 1955, ce système archaïque et dangereux fut remplacé par un pont en bois, composé de deux grosses poutres avec des planches clouées, mais sans rembarde.
Puis, vers 1965, le pont fut reconstruit d 'une manière plus solide, dans la configuration actuelle.

Aujourd 'hui, le Pont Bertrand n 'a plus rien de cauchemardesque.
Puis, avec l 'essor du VTT à la fin des années 1980, le parc naturel régional du Morvan dessina plusieurs parcours de randonnée et décida de baliser certains endroits, comme celui-çi.

Ce lieu a toujours été une sorte de repère pour moi. J 'ai vu le pont changer. J 'y suis venu à plusieurs moments de ma vie ; notamment pour ces grands pique-niques que nous faisions, la grande famille au complet, chaque année, à la fin de l 'été, pour se retrouver tous ensemble avant de reprendre le travail ou l 'école.

En ce mois de juillet 2010, mon grand-père paternel nous a quitté depuis plus de dix ans. Nous faisons plus de grands pique-niques car la famille est dispersée. Quelques fois, j 'y viens avec mes nièces et nous passons quelques heures à faire des ricochets tout en écoutant les chants de la nature.
Mais le Pont est toujours là, sous une forme différente...