DÉCOUVRIR MERS-LES-BAINS (76)

6 août 2015

Souvenons-nous : il y a quelques semaines de cela, c'était en août, j'avais parlé ici d'un périple que nous avions fait en juillet avec Mélanie, Maître Arnaud et Ludo du côté de la Normandie. Après avoir visité Dieppe en se perdant puis Le Tréport en allant chercher le pain, il était grand temps à présent de se rendre à Mers-Les-Bains pour...pour...pour.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Lors du précédent épisode, nous nous étions quittés sur Le Tréport où j'avais erré pendant 2h30 pour aller chercher le pain. Non pas que je m'étais perdu ou qu'il n'y avait pas de boulanger, mais tout simplement pour faire une visite matinale de cette bourgade de bord de Manche, bien positionnée sur ce que l'on appelle ici la Côte d'Albatre, tirant son nom de la blancheur de ses falaises s'étirant sur plus de 120 km.
Je revenais donc à l'appartement loué par Maître Arnaud sur le quai de la République, faisant face à l'ouverture de mer. Il n'était pas loin d'être 17h00 lorsque nous décidassiames de nous rendre à Mers-les-Bains pour des raisons personnelles.

Dehors, le temps est changeant, alternant éclaircies et ciel gris,
puis soleil et nuages effilés...

Pour rejoindre Mers-les-Bains depuis Le Tréport, nous devons, dans un premier temps, emprunter le quai Édouard Gelée ; personnage qui n'a rien à voir avec le fait qu'il ait pu inventer la gelée. D'ailleurs, je n'ai pas trouvé qui était cet Édouard Gelée. Par contre, c'est bel et bien Pline-l'Ancien, en 73 après J.C., qui serait à l'initiative de l'invention de la confiture par la cuisson de fruits dans du miel, du sirop ou du vin. D'accord, ce ne sont là que les prémices de la confiture, mais déjà, l'idée de la gelée apparaît. Ce n'est finalement que vers l'an mil, et grâce au monde arabe, que le sucre sera introduit en Europe et que les confitures connaîtront alors un nouvel essor. Au Moyen Âge, l'appellation "confitures" désigne... Eh mais oh, on s'en fout là ! C'est pas le sujet !

Nous quittons le Quai Édouard Gelée pour emprunter un petit pont de ferraille insalubre et peu rassurant, enjambant ce qui reste de la Bresle avant qu'elle ne jette dans le port puis dans la Manche. C'est l'un des rares fleuves -eh oui car est fleuve tout cours d'eau se jetant dans la mer ou l'océan- à avoir pur se frayer un passage dans la masse calcaire des falaises de la Côte d'Albâtre. C'est d'ailleurs à cet endroit que la Côte d'Albâtre cesse d'être. À partir d'ici, la côte est Picarde. Cela ne saute pa aux yeux d'emblée. Non, ce qui nous interpelle pour le moment, ce sont ces bébés goélands que nous croisons sur la passerelle. Ils sont plein de poils et surtout, ils sont encore muets.

Ben oui, c'est mignon. Mais dans quelques années, ça va gueuler toute la journée au-dessus de la ville, chier de la fiente sur les toits et sur les bagnoles. C'est horrible !!!!
Et nous voici dans la rue Albert Cauet. rien à voir avec ce fabuleux humoriste-animateur radio des années 1990-2000 à qui l'on doit notamment cette blague extraordinairement drôle, dont nous ne mettrons aucune image, ni aucun texte ici, car faut pas se foutre de la gueule du monde, on a autre chose à faire !
Albert Cauet, pareil qu'Édouard Gelée, impossible de savoir qui c'est DONC nous continuons notre progression par l'Avenue du Maréchal Foch. Oui, lui ça va : on connaît, mais on ne va faire sa biographie ici. Empruntons plutôt l'Esplanade des Congès Payés -ça aussi, on sait ce que c'est... surtout quand on travaille- pour nous poser devant la première vue sur Mers-Les-Bains.

PREMIÈRE VUE SUR MERS-LES-BAINS

Mers-les-Bains, vue depuis l'Esplanade des Congès Payés

C'est étrange non ? Ce gris bitumesque au premier plan et ces touches colorées en fond de champ.
L'Esplanade des Congés Payés est un endroit de transition. Ici, il n'y a pas de commerces, ni de bâtiment. Une sorte de no man's land sur lequel passent quelques trains en partance ou en arrivance de la gare du Tréport. Il y a là de l'herbe haute, un vaste espace goudronné et vierge de constructions, quelques barrières métalliques,...

Photos : Le Tréport.com et Google Street view

Il faut dire que c'ici, c'est la gare du Tréport. C'est à cet endroit que Les trois Villes Soeurs - que sont Le Tréport, Mers-les-Bains et Eus- ont vu arriver les milliers de touristes dès 1870, venus pour profiter de l'air marin et de la nouvelle mode des bains de mer.

Cartes postales : Wikipédia et Le Tréport.com

Aaaah oui, les temps ont bien changé depuis 1872 !
Les cartes postales aussi d'ailleurs !

Carte postale : Actuacity

Hop hop hop ! On évite de sombrer dans les pamphlets "C'était mieux avant ! " et tout ça et tout ça !
Attention, après l'Esplanade des Congés Payés, nous arrivons à présent sur l'Esplanade du Général Leclerc. Et c'est d'ici que nous découvrons une seconde vue sur Mers-Les-Bains.

SECONDE VUE SUR MERS-LES-BAINS

Seconde vue sur Mers-les-Bains depuis l'Esplanade du général Leclerc

Et qu'est-ce que tu remarques sur cette photo ?
Oui Ok, c'est vrai : il y a des nuages gris qui annoncent une sale pluie bien froide et violente ! Mais encore ?
Oui Ok, y'a des goélands, on l'a déjà dit, y'en a partout, tout le temps, ils crient en permanence, c'est pénible ! Mais encore ?
Oui Ok d'accord, y'a une belle Clio Rouge au premier plan, elle est propre tout ça ! Mais encore ?
Oui Ok d'accord, on voit bien la falaise de craie là-bas, au fond de l'esplanade ! Mais encore ?
Oui Ok d'accord, il y a plein de cabine de plage blanches...

Oh, ça va être long :
regarde un peu ces façades là, oh eh, hein !!!!!

Façades colorées, avec des balcons ouvragés, loggias,
auvent, console, mosaïque, faïence,...
Voici l'un des attraits de cette petite station balnéaire de Picardie.

Ah oui, au fait, en passant du Tréport à Mers-les-Bains, nous avons également franchi une frontière : la frontière normando-picarde.

À notre droite, c'est Le Tréport, la Seine-Maritime et la Normandie.
À notre gauche, nous voici à Mers-les-Bains, dans la Somme et donc en Picardie.

Voici aussi pourquoi tout à l'heure, lorsque nous avons franchi la Bresle, je te disais que nous n'étions plus sur la Côte d'Albâtre, mais sur la Côte Picarde qui s'étend du nord de Fort-Mahon à Mers, soit 35 kilomètres en bord de Manche.
Alors, bien sûr, quand on prononce le mot "Picardie", de suite, on pense à la baie de Somme, à Amiens, à Jules Verne, Compiègne, châteaux, Abbeville (pourquoi pas), cité du cheval, Beauvais, le circuit du souvenir de la Première Guerre Mondiale avec Albert, Peronne, Thiepval,...

Mais on pense aussi à VRP et à...

Eh oui hein quand même parce que bon eh oh !
Alors, et ces façades sinon ?
Petit rappel historique.

LES FAÇADES DE MERS-LES-BAINS

Jadis petit village de pêcheurs de quelques âmes, la station balnéaire a connu un essor fulgurant dès 1860, notamment avec l'explosion de la mode des bains de mer.
Dans un premier temps, ce ne fut pourtant pas évident pour la ville de se développer. Par la loi du 27 juin 1837, le roi Louis Philippe 1er annexe une partie du territoire de Mers et empêche, par la même occasion, son développement en front de mer jusqu'au casino. Ce ne sera que cinquante ans plus tard et après de féroces luttes politiques et administratives que la ville retrouvera en mai 1891 presque totalement son territoire d'origine, à l'exception de quelques parcelles laissées au Tréport pour faciliter et accélérer les négociations.
Et c'est avec l'ouverture en 1872 de la ligne de chemin de fer Paris-Le Tréport que des familles entières de Parisiens aisés vont venir s'adonner aux bienfaits des bains de mer. Mers-les-bains n'étant qu'à trois heures de train de la capitale, ce qui ajoute à l'attrait de la ville dont les élus locaux prennent vite conscience. Ils décident alors de lotir Mers grâce aux multiples terrains présents. Séduits, les riches propriétaires font alors édifier la plupart des villas actuelles du front de mer, rues adjacentes et centre-ville.

"Le style des villas (anglo-normand, flamand, picard, mauresque, Renaissance, Louis XIII, Napoléon III, années 30, ...), leurs couleurs, les balcons ouvragés, bow-windows et loggias, ferronneries, auvents, baies, frontons, consoles. Le décor en briques émaillées à dominante bleu-vert, carreaux de grès émaillés, céramiques, faïences, mosaïques, frises, clous, cabochons, mascarons, rosaces, cartouches, médaillons,…
La plupart des constructions d’habitation ont été qualifiées de villa lors de l’édification du quartier balnéaire, pour les distinguer des autres constructions, tel les hôtels ou les maisons de rapport.
Ces villas portent généralement un nom en façade, pour les identifier et les distinguer des immeubles, ce sont des prénoms (souvent féminins) ou des termes empruntés à la nature (principalement les fleurs et les éléments tels la mer)." SOMME TOURISME

Mais quelques conflits demeurent. En 1904, par exemple, il faut interdire le pâturage sur la prairie pour permettre aux estivants de jouer au tennis et au croquet.
Depuis un arrêté datant du 7 août 1986, Mers-les-bains a obtenu la possibilité de classer cette partie de la ville en "secteur sauvegardé".
Mers a également vécu l'époque des premiers congés payés de 1936 en accueillant sur sa plage les premières familles d'ouvriers et de vacanciers venues par le train de la gare Le Tréport-Mers.
Bon nombre de célébrités sont venus ou viennent encore profiter de ce charme balnéaire. Citons l'écrivain Eugène Dabit, natif de Mers et auteur du roman "L'Hôtel du Nord. Sa maison se trouve d'ailleurs rue Jules Barny. Le peintre Antoine Vollon venait séjourner ici, ainsi que Jules Verne, Victor Hugo, Jules Noël, Fernand Fabre, Gustave Eiffel ou encore Bernard Lavalette.
Mers-les-Bains est aussi connue pour avoir été une ville de résistance à l'ennemi lors de le Seconde Guerre Mondiale. Ces hommes et femmes ont contribué à l'échec de bon nombre de projets de l'occupant allemand. Les ouvrages "Histoire de Mers" de Jacques Maquet (1986) ou "Mers l'insoumise" de Roland Jouault (2004) permettent de faire leur connaissance et de réaliser l'importance de leurs actions.

Reprenons notre promenade !

Sur l'Esplanade du général Leclerc, quelques panneaux nous rappellent
qu'il est interdit de donner à manger aux goélands et aux mouettes.

De toute façon, ces oiseaux parviennent très bien
à se nourrir tout seuls.

Au bout de l'Esplanade, le trottoir s'arrête brusquement nous laissant face à cette immense falaise de craie et sa plage déserte.

LA FALAISE DE CRAIE DE MERS-LES-BAINS

Quitter subitement toutes ces couleurs, ces façades, ces maisons, ces commerces pour se retrouver face à cette nature imposante et silencieuse est troublant. On ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'histoire et l'existence de ces "montagnes blanches".

"Nées des variations du niveau de la mer et des innombrables dépôts sédimentaires obtenus durant le Crétacé supérieur (- 88 millions d'années), les falaises de craie du littoral picard sont un prolongement vers le nord, sur près de 6 km entre Mers-les-Bains et Ault-Onival, de celles du pays de Caux. Ces falaises sont constituées de couches plus ou moins régulières de craie et de silex et sont recouvertes à plus de 60 mètres en moyenne d'une couche d'argile. Ces deux roches, aux propriétés très différentes ont pour origine des restes de micro-organismes et d'animaux à coquilles calcaires (craie) ou d'animaux à squelette silicieux (silex).
Avec les périodes de soulèvements et d'érosion que nous connaissons encore aujourd'hui, les falaises continuent de subir un profond bouleversement de leur morphologie. Sans doute le plus visible, le recul des falaises résulte principalement de l'infiltration des eaux de pluie et de la solubilisation de la roche calcaire. Aidés par le ressac des vagues, des blocs entiers de craie et de silex tombent chaque année. Seuls les silex perdurent au gré des marées et donnent naissance aux galets."
AVIFAUNE PICARDE

Plusieurs petites randonnées et balades sont proposées pour découvrir ces particularités géologiques. Il suffit de suivre le balisage PR de couleur jaune sur 4km. Celui-ci t'emmènera vers l'église Saint-Martin, puis te fera escalader la falaise de craie pour rejoindre la statue de Notre-Dame-de-la-Falaise, à 60 mètres de hauteur, d'où se dégage un magnifique panorama sur les Trois Villes Soeur, le ruban de falaises et, par temps clair, un aperçu de la Baie de Somme.

L'autre particularité de Mers-les-Bains, ce sont ses cabines de plage qui se trouvent -chose incroyable- sur la plage.

LES CABINES DE PLAGE DE MERS-LES-BAINS

Il y en a plus de 300, répartie sur les hauteurs de la plage. Elles appartiennent à des particuliers qui, l'automne venu, les démontent pour les remonter au mois de mai.

Et elles aussi portent des noms pour se différencier.

La plage de Mers-les-Bains s'étend sur un peu plus d'un kilomètre. Composée de galets à marée haute, le sable se découvre pendant les marées descendantes. Il n'empêche que même à marée basse, il y a toujours des galets... Beaucoup de galets... Énormément de galets !!!!!!!

LA PLAGE DE GALETS DE MERS-LES-BAINS

La question se pose alors : que faire sur une plage de galets ?
On ne peut pas faire de château de sable. On ne peut pas jouer au beach-volley sinon on se pète les pieds. On ne peut pas faire de char à voile sinon on s'embourbe.
Alors... ben... on peut jouer à vider la mer; Ou on peut éventuellement faire une bataille de galets, mas pas trop longtemps parce que ça fait très vite mal.

Et puis d'ailleurs : comment naissent les galets ?
"Âgées de plus de 80 millions d'années, les falaises de la Côte d'Albâtre, d'une hauteur de plus de 100 mètres, s'étendre sur 140 km, de la Baie de Somme à l'estuaire de la Seine. Créées à partir de sédiments marins, les falaises crayeuses vivent au rythme de l'érosion. Leur recul est variable selon les secteurs : de 0,10 m à 0,20 m par an. La dureté de la craie et la fissuration (infiltration des eaux de pluie) sont les éléments fondamentaux de cette usure. Une fois tombés sur la plage, les silex contenus dans la craie, sont brassés et concassé par les vagues. Il faudra attendre 6 mois à un an pour que les morceaux deviennent des galets." (Sources : Le Tréport.com)

Travaillés par la mer, le vent et le sel, ces galets proviennent des pan érodés des falaises qui s'affalent dans la Manche. Roulés et usés par l'eau, les fragments de silex noir se polissent et s'entassent pour former des bancs tout le long de la côte. Un champ de galets !

Jusqu'au début des années 1980, les galets étaient récoltés ici et sur la plage du Tréport. Cette récolte se faisait à la main, un panier posé à côté. Tous les paniers étaient chargés sur un cheval et l'équipage rentrait enfin au Tréport. Aujourd'hui, les galets de silex sont encore utilisés dans l'industrie pour broyer et filtrer, mais aussi pour réaliser des revêtements décoratifs.

Impressionnante montagne qui nous rend minuscules.

Nous nous posons face à la Manche. Puis...

Maître Arnaud ajoute un galet spécifique à cette plage.

Souvenir...

Nous remontons vers l'esplanade pendant que, derrière nous, le soleil, peu à peu, descend, donnant un autre éclat aux façades colorées de Mers-les-bains.

Nous rejoignons l'Esplanade du général Leclerc pour ensuite nous lancer au hasard dans les rues perpendiculaires et parallèle au front de mer.
Là aussi, en retrait, il y a de magnifiques villas de la Belle Époque.