ZUGARRAMURDI (Espagne)

Alors, je ne sais pas si tu te souviens, mais il y a quelques jours, voire quelques semaines, Jénorme nous avait parlé ici même d'une petite randonnée dans le Pays Basque, entre le village de Sare et la commune de Zugarramurdi. Hein ? Hein ? Non ? Bon, c'est pas grave.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Mais si enfin, ça s'appelait : DE SARE à ZUGARRAMURDI !

Des photos ?
Fastoche !

Après quelques quatre kilomètres, composés de forêts aux arbres mystérieux parfois traversées par un ruisseau agile ; tout en suivant un petit sentier marqué par un pottok bleu, j'arrivais à Zugarramurdi, souvent appelé "Village des sorcières".
Et quand on dit "sorcière", notre esprit se comble de ces images...

     
©Illustration/Pixabay  et    Disney

Mais nous avions vu que les sorcières de Zugarramurdi avaient une toute autre histoire que celles des contes et autres récits halloweenesques, suite aux méandres tortueux de l'Histoire, de la politique, de al religion et des cultures.

L'objectif de cette randonnée était quand même, à la base, d'atteindre et de visiter l'extraordinaire grotte de Zugarramurdi. Un lieu mystique, plein de légendes, que nous allons découvrir... MAINTENANT !

Après une petite visite du village de Zugarramurdi, je reviens sur mes pas pour accéder à l'entrée de la fameuse grotte.

Eh, hein, énigmatique, non ?
C'est une entrée, certes, mais si on décortique un peu le lieu, que voit-on ?
Une route avec des pavés étrangement encastrés. Des piquets métalliques avec une chaine dont on se demande la fonctionnalité. Un banc au loin qui semble vouloir se faire discret. Une poubelle en bois qui, par sa posture, n'est pas à sa place. Un panneau avec poteau d'un rouge flamboyant sur lequel sont affichés quelques mots en espagnol et en basque. Et cette grille ouverte. Cette grille qui fait penser à une cellule de prison. C'est par elle que je m'en vais maintenant passer pour découvrir la fameuse grotte de Zugarramurdi. Le suspense est à son comble.

Une fois la grille passée, un guichet sur la droite avec une personne dedans. Souriante. Avenante. "Egun on, buenos dias, bonjour". Oui, cela va plus vite de le dire en trois langues, en rapport avec la population touristique du lieu. Je réponds "Hello".
L'entrée est à 5,50 euros. Un dépliant reprenant l'histoire de la grotte est fournie avec un plan du parcours pédestre à suivre pour découvrir le domaine.

LA GROTTE DES SORCIERES
"La grotte des sorcières se trouve près du centre de Zugarramurdi, sur la route qui menait à Sare, à l'Ouest.
La cavité principale de ce complexe karstique superficiel est né d'Infernuko Erreka  -la rivière de l'Enfer- , toujours active aujourd'hui. Cela a créé un site long de 120 mètres et large de 10-12 mètres, du nord vers le sud-ouest. Au-dessus de la grotte se trouvent deux galeries, dans la même direction que la cavité principale.
On y trouve des vestiges archéologiques. Par exemple, des morceaux de silex magdaléniens découverts en 1935 par Joxe Migel Barandiaran, ou quelques céramiques préhistoriques.

Cependant, c'est son essence même qui donne son nom à cette grotte, son essence de grotte des sorcières.
Qui étaient donc ces sorgin-sorcières ?
Il existe deux versions quant à l'origine du mot Sorgin.
Selon la première version, c'est sortze-gin (naissance-agir), c'est à dire sage-femme. L'autre version préfère zorte-gin (sort-agir), diseuse d'avenir, faiseuse de sorts, oracle. Tout comme la Rivière d'Enfer a usé les rochers, l'utilisation du mot sorgin en a usé le sens. La légende des sorcières nous est parvenue, mais pas la vérité intérieure ; les histoires de sorcières, mais pas l'Histoire.

Au début du XVIIème siècle, à Zugarramurdi, la vie était liée à la terre et donc, les connaissances, les usages et le monde magique de l'époque étaient principalement païens. Ces personnes appelées sorgin avaient la connaissance de la nature, des plantes et des plantes médicinales -certains étaient des hommes mais la majorité était des femmes. Elles savaient également beaucoup sur la fertilité, la reproduction et la contraception de l'époque. La grotte était le lieu de leurs fêtes, rituels sacrés ou cérémonies, l'intérieur symbolique de la terre-mère.

La société de cette époque détenait la mythologie et un mode de vie lié à la terre ; le propriétaire de la terre, en revanche, était Léon de Aranibar, abbé d'Urdax. Les paysans du village étaient ses métayers et locataires. L'église catholique voulait que ces gens qui vivaient tant liés à la terre se mettent à regarder vers le ciel. L'abbé d'Urdax, étant aussi l'émissaire secret de l'inquisition, révéla qu'il y avait des sorgin à Zugarramurdi et, sur sa demande, Valle Alvarado, représentant de l'inquisition, fut envoyé de Logrono à Zugarramurdi.
L'inquisition voyait d'un mauvais oeil ces communautés aux coutumes différentes, aux croyances et connaissances différentes, et qui plus est, qui parlaient une autre langue. L'incompréhension  -et la volonté de soumettre-  transformèrent ces rites et fêtes en akelarre (sabbat), les chants en conjurations, les mots en injures et les croyances païennes en magie noire.

Le pouvoir répandit la peur, la peur la suspicion, la suspicion et le silence rendaient les puissants encore plus puissants. On commença à montrer du doigt les gens au mauvais sort. Cette peur diffuse était un terrain efficace pour propager la méfiance en ces temps d'épidémie, de famine et de sécheresse. N'importe qui était suspect, n'importe qui pouvait être sorgin. Les voisins devenaient espions et délateurs.
L'inquisition arrêta 300 personnes à Zugarramurdi et aux alentours, jeunes et vieux, femmes et hommes. En 1610, ils emmenèrent 53 d'entre eux au procès de Logrono pour les juger. On les accusa entre autres de renier la chrétienté, d'orgies sexuelles, d'avoir le diable pour dieu, d'empoisonnement et de provoquer des tempêtes maritimes.
On brula 11 des accusés -six en chair et en os et on brula le portrait de cinq autres, morts de faim dans les geôles-  18 des accusés avouèrent et furent blanchis, les autres subirent des peines de prison et des expropriations.
La chasse aux sorcières, au-delà de Zugarramurdi, fut une croisade menée dans toute l'Europe avec comme objectif d'ancrer un savoir et une religion hégémoniques.

Le mot sorgin recèle bien des choses encore : malgré toutes les embuches de l'histoire officielle et au-delà de tous les balais volants des contes pour enfants, ce mot parle du harcèlement brutal subi par les habitants de Zugarramurdi.
Ce sont les sorgin qui se retrouvaient dans cette grotte qui ont fait connaitre Zugarramurdi. Vous allez commencer un voyage vers ce passé. Si vous prêtez attention, vous entendrez l'histoire conservée par l'écho des pierres."

Nous avions déjà parlé de ces histoires et Histoire dans le précédent billet avec, entre autres, la volonté du pouvoir en place de mettre au pas la population basque en la terrorisant dans la perspective de signer un traité de paix en France et Espagne. De plus, à cette époque, Henri IV veut obtenir le monopole du commerce avec le continent américain, mais les Américains, eux, n'acceptent de traiter qu'avec les pêcheurs basques. Enfin, le pouvoir en place ne supportait pas l'émancipation des femmes dans la région ; une émancipation féminine en rapport avec leurs conditions quotidienne. Les hommes partant de longs mois à la pêche, les femmes avaient en charge la vie de la famille restante et du village.

Allez, je me lance sur les sentiers. Pendant toute ma visite, un chien va m'accompagner. Il est rigolo : je suis entré, il était couché à terre. Je l'ai regardé, je lui souris. On s'est compris. Il s'est levé et ne m'a plus quitté durant presque toute la visite des lieux.
Je ne sais pas d'où il vient, ni à qui il est ; mais il est sympa, silencieux et m'attend à chaque fois que je m'attarde sur un lieu.

Dans un premier temps, je prends la direction du belvédère qui se trouve au-dessus de la grotte. Il ne faut que quelques minutes pour l'atteindre en suivant un chemin asphalté bien balisé devenant un petit sentier de terre allant jusqu'à une table d'orientation.

         

De là,
nous avons une belle vue sur Zugarramurdi.

Je fais demi-tour pour, à présent, descendre dans les profondeurs de la petite vallée creusée par la rivière Orabidea, dont le nom en basque Infernuko erreka, correspond justement à la naissance du cours d’eau, provenant de l’enfer. La descente est rude et périlleuse, mais bien retenue par les escaliers et rembardes.

Au bout des escaliers, je découvre la rivière ; cette même rivière qui est "à l'origine" de la grotte de Zugarramurdi.
Le sentier suit son cours. L'eau a donné des allures fantomatiques aux pierres et rochers alentours.

        

Quelques panneaux nous livrent quelques histoires en chemin, comme celle de la contrebande, autrefois présente en ces lieux secrets et reculés.

"La division de ce pays en deux états, la frontière et les douanes, firent naitre un nouveau métier : la contrebande ou "le travail de nuit". Suivant l'époque, au nord ou au sud du pays, et en fonction des nécessités et des prix, la matière contrebandée pouvait aller du plus simple : du café, du sucre, du chocolat, du vin, de toiles... aux plus complexes : des machines, des outils, des brebis, des vaches, des chevaux et même des personnes.
Il y aurait existé un accord secret entre "carabineros" et "douaniers" d'une part, et contrebandiers d'autre part, selon lequel, en cas de rencontre dans la montagne, ces derniers abandonneraient leurs paquets et prendraient la fuite, et en échange les gardes ne tireraient pas (ou seulement en l'air), se contentant de saisir la contrebande.
Ces endroits ont été l'endroit rêvé pour réaliser "le travail de nuit", la frontière y est ample et truffée de de forêts, ruisseaux et sentiers, grottes comme celle-ci d'Akelarrea, ainsi que de petites cavernes où la contrebande se cache facilement. Le propre sentier qui unit les grottes de Sare, Zugarramurdi et Urdax, aujourd'hui aménagé pour le tourisme, nous évoque ce temps de la contrebande."

Plus j'approche de la grotte, plus le ruisseau creuse la roche dans des méandres magnifiques. La roche est d'avantage creusée. Mystique nature. Des siècles et des siècles d'eau ruisselant sur la roche calcaire.

       

Je lève soudainement la tête et là,
je la vois !

L'entrée sud-ouest de
la grotte de Zugarramurdi !

Impressionnante !

On dirait une énorme bouche grande ouverte, prête à te happer, te manger et te grignoter !!! Ah, ah, ah, ah !

Oui, d'accord, je me calme.

Ici, pas de stalactites, ni de peintures rupestres et encore moins de balade en barque sur la rivière. De toute façon, il n'y a pas assez d'eau.
"Simplement", naturellement, une gigantesque cavité.

      

Tout de suite, les chiffres !
Un tunnel naturel de 120 mètres de long, atteignant une hauteur de 12 mètres pour une largeur de 22 à 26 mètres et deux galeries élevées... que nous fait visiter siensien.

      

La roche calcaire est creusée à plusieurs endroits ; ce qui donne des airs inquiétants à la grotte.

            

Le lieu idéal — imposant et à l’abri de tout contrôle — pour se laisser envoûter par la frénésie du rite païen, autour d'un feu de joie. Nous en avons déjà parlé plusieurs fois avec ces légendes reprenant l'idée que des centaines de personnes, adoratrices du même diable, se réunissaient pour célébrer ces akelarres. La grotte leur offrait le vaste espace dont ils avaient besoin pour ces rituels. Des messes noires ? Plutôt des fêtes rituelles puisant dans la mythologie basque et rendant hommage à la nature.

       

De nos jours, au mois d'août a lieu ici chaque année une "bacchanale" gastronomique de viandes grillées, connue sous le nom de zikiro-jate (agneau grillé). Cette tradition vient des bergers Basques depuis leur voyage en Argentine.

"Le Zikiro, l'agneau rôti, est la star incontestée de cette fête gastronomique. Chaque année, environ 50 agneaux sont rôtis, insérés dans des bâtonnets et cuits lentement sur le feu pendant environ 3 heures. La tradition et la technique utilisée dans la préparation du Zikiro sont un héritage ancestral transmis de génération en génération à Zugarramurdi." CARNICEROS DE NAVARRE

Un regard sur l'extérieur depuis l'intérieur pour remarquer la grandeur et la hauteur de la grotte ; et comprendre pourquoi certains l'ont appelé la cathédrale du diable.

A la sortie Nord-Est de la grotte, on découvre le panneau sur lequel sont inscrits les onze femmes qui furent accusées de sorcellerie et condamnées au bucher.

C'est ici que je dis au revoir à ce gentil siensien accompagnateur
qui pose une dernière fois pour la photo.

Je sors de la grotte qui fait face à un autre lieu énigmatique...

       

Et voilà que se termine cette visite de la grotte de Zugarramurdi.
Je prends un sentier goudronné sur la droite de la grotte pour retrouver la sortie face au village ; non sans avoir longé un champ dans lequel paisse... un bouc. LE bouc... Aker... akelarre, lande du bouc, en basque.
"On dit que le mot Akelarre (lande du bouc) vient du pré qui se trouve à côté d'une des petites cavernes de Zugarramurdi où se tenaient les réunions de « sorcières ». Les participants appelaient ainsi ce pré où paissait un bouc qui était censé se transformer en divinité lors de ces cérémonies." WIKIPEDIA

Je quitte Zugarramurdi en reprenant le chemin par lequel je suis venu afin de rejoindre ma voiture garée sur le parking des grottes de Sare.

Allez, l'épisode 2 de cette petite randonnée en vidéo.

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[LE BLOG DE FANFG]

Merci à toi pour cette superbe promenade !!je me suis régalée et si j'étais plus jeune, je pense que je visiterai ce lieu magique!!! Bisous Fan