Plages dans la brume (64)

Il faisait beau, il faisait chaud en ce début de mois d'octobre dans le pays basque. C'set sous un soleil radieux que je décidais de me rendre sur les plages de Biarritz et Bidart pour marcher un peu, entre la Milady et Erretgia.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...

Aaaah oui, il faisait beau en ce mardi 4 octobre 2022... surtout dans les terres basques, que ce soit à Mouguerre, à Villefranque ou encore bien plus loin comme à... à... Came. Ouais, Came. Tu connais ?
Came, c'est une petite commune qui se trouve dans...

Tout le monde debout !!!!

Un temps avenant et agréable qui donne envie de sortir, de prendre l'air. Surtout qu'il ne fait pas encore trop froid en cette période où il est conseillé de ne pas mettre le chauffage pour faire des économies d'énergie et de ne pas trop trainer pour éviter de choper la Covid qui en est à son huitième retour.

Quelques fois, on ne sait pas trop comment se comporter face à toutes les recommandations actuelles où il est demandé d'économiser les énergies (électricité, eau, essence, pétrole,...). Toutes les énergies ! Si tu as une voiture roulant à l'essence, tu peux te dire : "Bon ben je vais acheter un vélo électrique." Ah ben non, faut économiser l'électricité aussi. Bon.
De mon côté, j'ai tenté des trucs.
Par exemple, dans les toilettes, pour économiser l'eau,
j'ai décidé de ne plus tirer la chasse !
J'utilise l'aspirateur !

Bon, là aussi, problème :
ça consomme de l'électricité.

L'autre fait de ces derniers jours, c'est le manque d'essence dans les stations services.
Dans le sud-ouest, il semblerait que l'on soit moins touché qu'à Paris et sa région.
Maaaaaaaaaaiiiiissssss, méfions-nous !
J'ai donc commencé à créer un nouveau super(non)-héros et à écrire une scénario... toujours dans les toilettes.

Et voici :

Ben ouais. Y'en a des solutions...
Mais je vais quand même prendre la voiture pour profiter de cette belle météo d'automne.

Et cette fois, j'ai décidé d'aller prendre un peu l'air en allant marcher sur les plages côtières, entre Biarritz et Bidart ; et plus précisément de la Milady à Erretegia.
C'est une mini randonnée improvisée qui doit m'amener de la plage de la Milady à Erretagia, et plus précisément au bar-restaurant le Kanttu qui reste ouvert cette année jusqu'à fin novembre. Le tout entre falaises et océan. Distance : 2,6 km aller-retour. Dénivelé : 0 m.

Je pars de Mouguerre sous le soleil avec un petit Dean Martin dans le poste-radio-lecteur clé USB de la voiture.
Ben oui, c'est fini les cassettes audio et les CD. Maintenant, si tu veux ta musique, il faut composer une clé USB ou parvenir à connecter en Bluetooth ton portable à ton poste radio. Tout fout l'camps !

J'arrive à Biarritz quelques minutes plus tard sur le parking dominant la plage de la Milady. Et là, ô surprise !

LE BROUILLARD !

Etonnant ! Surprenant ! Inattendu ! Et plein d'autres mots du même genre évoquant la surprise.
Bon... C'est pas grave.
Je démarre la balade en descendant les escaliers pour rejoindre le sable et les rochers de la Milady. Cette plage biarrote doit son nom à Lady Mary Caroline Bruce.
"Descendante des Rois d’Ecosse, elle était l’épouse du marquis d’Ailesbury qui présida durant 12 ans le British-Club de Biarritz. En 1863, elle fit construire la Villa Marbella (d’où le nom de l’avant-dernière plage de Biarritz), magnifique villa de style mauresque perchée sur des rochers.
Les Biarrots lui donnèrent l’affectueux surnom de « Milady ». Puis à son décès, on nomma les deux plages à proximité de sa Villa, Marbella et Milady." BIARRITZ INSPIRATIONS

La particularité de cette plage  -entre autres-, ce sont ses rochers.
Posés là sur le sable, ils ont parfois des formes originales, sculptés par l'air océanique. Avec cette brume épaisse, ces rochers arborent des allures fantomatiques.

       

        

On se met à imaginer des animaux, des objets. Là, par exemple, ci-dessus, un éléphant... Si, si !
Je quitte ce lieu lunaire  -même si je ne suis jamais allé sur la lune et que je n'ai pas l'intention d'y aller car il faut faire des économies d'énergies- 
Je quitte ce lieu terrien pour en rejoindre de suite un autre. A deux mètres. Le petit passage en béton, partant de la promenade pour aller se perdre dans l'océan.

Quelques petits oiseaux sont venus piquer leur bec dans les algues déposées sur ce passage.

Ce sont des bécasseaux sanderling, reconnaissables à leurs corps rondelets et leurs becs droits qui leur permettent de fouiller la vase et les algues. Je reste un moment à observer leur ballet. Ils trottinent au rythme des vagues, font des allers-retours quand l'océan monte, puis descend. Ils courent après le ressac, recherchant frénétiquement de la nourriture, des petits invertébrés vivant dans la couche superficielle de sable.

Sans en avoir l'air, ces petits oiseaux sont de grands voyageurs. S'ils sont présents sur nos plages en été et au début de l'automne, arrivant de la Sibérie, ils migrent jusqu'en Afrique australe après leur séjour chez nous.
Je trouve cela fascinant qu'un tel petit animal puisse faire autant de kilomètres alors que l'humain ne parvient pas à se déplacer de quelques mètres quand il n'a plus d'essence dans sa bagnole.

C'est également de ce passage  bétonné qui ne mène nulle part que l'on peut apprécier une belle vue sur la plage d'Ilbarritz, dominée par le fameux château construit entre 1895 et 1897 par Gustave Huguenin pour l'excentrique baron Albert de l'Espée. 

Sauf que là, bon ben... On ne voit rien !
Pour te donner une idée, quand il fait beau la plage d'Ilbarritz ressemble plutôt à cela...

UN AUTRE JOUR,
UN AUTRE TEMPS...

La plage,
dominée par le château.
        

Mais là,
aujourd'hui,
eh ben...

        

C'est donc dans cette brume-brouillard persistant que je continue d'avancer pour passer, mine de rien, de Biarritz à Bidart. Eh oui, la plage de la Milady est biarrote alors que l'Ilbarritz est bidartare. Mais, de toi à moi, on en fait pas trop la différence.
La question est alors de mise : Comment se fait-il qu'à seulement deux kilomètres de distance entre océan et terre il y ait un tel contraste ?
Eh bien, nous parlons là d'un coup de galerne, encore connu dans le Pays Basque sous le nom d'enbata ou brouillarta.
Il s'agit d'un coup d'un vent de nord ouest froid et humide soufflant en rafale spécifiquement sur l'ouest de la France.
Ici, ce n'est pas vraiment un coup de galerne, mais plutôt un brouillard qui est venu se poser sur les côtes pour ne plus en bouger, comme réconforté et entretenu par l'air marin.
C'est assez courant à cette période de l'année, tout comme en février. On appelle ce phénomène "un brouillard côtier" ou "brume de mer".
Il se produit lorsque le temps est anticyclonique, avec un vent faible, et que de l’air plus doux arrive et surplombe l’océan encore bien froid. En clair, les températures de 25° dans les terres rencontrent celles de l’océan qui ne dépassaient pas les 14°. Ainsi au contact de ces deux masses d’air, s’est créée de la condensation sous forme de brumes et de brouillards.

Quelques personnes sont là,
tels des fantômes ou zombies
comme tu veux.
        

Quelques très rares baigneurs et surfeurs.
Ainsi qu'un pêcheur espagnol.

        

Tout est silencieux. Seul l'océan fait entendre ces vagues incessantes.
J'arrive à hauteur des "rochers suspendus" dans l'eau.

Je passe le panneau "Danger", marquant le passage de la plage d'Ilbarritz à la plage de Pavillon Royal.

         

La vue ne change pas beaucoup.
 

          

La plage du Pavillon Royal est la plus longue plage de Bidart. Elle s'étend sur plus d'un kilomètre. C'est également la plus excentrée car son accès se fait uniquement à pied.
Cette plage doit son nom au bâtiment qui la surplombe et qui s'appelle... et qui s'appelle... ben... le Pavillon Royal.

UN PEU D'HISTOIRE avec le site Pays Basque 1900
"En 1877 Haritzako sablia sur la commune de Bidart n'est qu'une lande isolée face à l'océan. La Société Anonyme des Bains de Mer y érige le Castel Biarritz regroupant un centre de balnéothérapie. malheureusement c'est un échec la magnifique propriété face à l'océan Atlantique n'attirera pas la riche clientèle.
En décembre 1883, le Castel Biarritz est vendu a Jules Moussempès pharmacien biarrot qui désire le transformer en casino. C'est l'échec.
Le roi d'Angleterre Edouard VIII, qui était un habitué de Biarritz, fut avisé de conseiller a la reine en exil Nathalie de Serbie (1859 - 1941) l'achat du domaine qu'elle rebaptisera Sacchino (le surnom de son fils le roi Alexandre Ier). Son immense fortune transformera en une résidence royale et ses œuvres de charité marqueront durablement le pays.
Elle ne quitta plus Sacchino jusqu'à la guerre de 14-18 et se réfugia ensuite à Paris dans la Congrégation de Notre Dame de Sion. C'est en souvenir de ce passage que le palais Sacchino fut nommé Pavillon Royal.
Par la suite le Cercle du Pavillon Royal fut présidé par M. Letellier qui organisa les activités mondaines en cette somptueuse propriété. Y furent données des fêtes durant les années folles parmi les plus prestigieuses de la Côte basque. 
Le cercle fit faillite en 1928 et fut racheté en juin de la même année par la Société Immobilière de Chiberta appartenant au banquier anglo-belge Alfred Lowenstein. Connu alors sous le nom de "l'homme le plus riche du monde", il disparut un mois plus tard, le 4 juillet 1928, lors d'un vol entre Londres et Paris dans son avion privé, dans des circonstances mystérieuses, non encore élucidées à ce jour.
De nos jours le "Pavillon Royal" est devenu "Les Ailes" et appartient à la famille du constructeurs d'avions Latécoère."
Sources : Bidart Tourisme - Côte basque les années folles de Edouard Labrune 

Quelle histoire... qui n'est pas sans rappeler celle du château d'Ilbarritz (cf : Bidart-Biarritz ou Lumière de mars).
Et là, tu me dis : "OK, d'accord, t'as pris une photo de ce bâtiment ?"
Et je te réponds : "Ben ouais, bien sûr, tiens !"

Voilà !
Bon, déjà, à la base, on ne le voit pas très bien depuis la plage. Mais, en plus, avec du brouillard...
Sinon, un autre jour, avec plus de soleil et d'un autre point de vue depuis le belvédère d'Erretegia.

        

Etrange palais, bien caché, mais qui doit une vue incroyable sur l'océan, bien cerné par la verdure renaissante de l'Espace naturel sensible d'Erretegia et le golf d'Ilbarritz.
Je repense dans la cette brume persistante à l'un de ses anciens propriétaires, disparu mystérieusement : Alfred Loewenstein.
Né le 11 mars 1877 à Bruxelles, il fut, dans les années 1920, la troisième personne la plus riche au monde, après Henry Ford et John Davison Rockefeller. Il avait bâti rapidement un empire financier et industriel, prenant des participations dans les industries des transports urbains, de l'électricité et de la soie artificielle.
Il meurt le 4 juillet 1928 en "tombant de son avion", le Fokker trimoteur, alors qu'il se rendait de Londres à Bruxelles. Sa mort est provoquée par une chute de 1 200 mètres dans la Manche. Le 19 juillet 1928, son corps est retrouvé en mer, au large du cap Gris-Nez, à proximité de Boulogne-sur-Mer. Les raisons et les circonstances exactes de sa chute demeurent mal éclaircies, quoique l'enquête civile menée par le juge belge M. de la Ruwière aient conclut à un accident, Alfred Loewenstien ayant confondu la porte des toilettes où il s'était rendu avec la porte donnant sur l'extérieur. Aucune enquête judiciaire n'est ouverte et l'avion est ramené dès le 5 juillet en Angleterre et vendu peu après.
"Soudain - d'après les passagers -, Loewenstein se lève pour aller aux toilettes, à l'arrière de l'appareil. Là, il y a deux portes : l'une ferme les w.c., l'autre, tournante, donne sur l'extérieur. Au bout de dix minutes, le majordome, inquiet, défonce la porte des toilettes : Captain Loewenstein a disparu." (DUNKERQUE MA VILLE)

En fait, les témoignages rapportés lors de l'instruction étaient parfois contradictoires et souvent nébuleux. De plus, les autorités françaises s'estimèrent peu concernées : Loewenstein était de nationalité belge, volant dans un appareil hollandais enregistré en Grande-Bretagne mais qui s'était posé en France... De même que Loewenstein avait disparu dans les eaux internationales...

Mystère, mystère... Comme cette plage du Pavillon Royal en ce jour d'octobre et sur laquelle quelques marcheurs continuent d'évoluer dans une ombre blanche...

         

Mais ce sont les falaises de cet endroit qui m'intriguent à présent.

A partir de la plage de Pavillon Royal, lorsque l'on arrive d'Ilbarritz, l'urbanisation a laissé place à de hautes falaises dont il ne vaut mieux pas trop s'approcher comme le rappellent plusieurs panneaux.

       

       

La plage du Pavillon Royal a cette autre caractéristique de se trouver sur la limite crétacé/tertiaire. Les falaises ont ici différentes compositions de roches : des marnes à gypse du Trias, des calcaires roses du Danien (du Paléocène) et des sables du Plio-Quaternaire.
"Les terrains les plus anciens de la Côte Basque sont du Trias. Ils sont constitués par les argiles rouges ou bariolées du Keuper qui affleurent sur la plage du Pavillon Royal. Cette formation de quelques dizaines de mètres est particulièrement instable. Elle contient du gypse, très déformé, qui constitue un important niveau de décollement pyrénéen, servant notamment de couche-savon pour des chevauchements." SIGES AQUITAINE 

     

        

         

 En géologie, c'est ce que l'on appelle les affleurements, c'est à dire la partie visible en surface d'un terrain géologique.

         

On reconnait bien le calcaire rose du Danien sur la photo ci-dessus. Mais qu'est-ce que le Danien parce que c'est bien beau de faire des copier-coller d'articles de sites internet géologiques, mais bon.
"Le Danien, premier étage de l’ère Cénozoïque, est associé à la crise Crétacé-Tertiaire (K-T), à la fin des dinosaures non aviens et à l’apparition des premières faunes modernes." SCIENCEPRESS

En clair, le Danien est un étage géologique compris entre 66,0 et 61,6 millions d'années. C'est le premier étage du Paléocène, première époque du Paléogène, dans l'ère Cénozoïque (Tertiaire).
Voilà. Merci.

Une falaise étonnante et captivante, mais peu rassurante et inquiétante lorsque l'on constate le nombre de gros rochers dispersés sur la plage.

Hein ?
Oui, là, ce sont de petits cailloux.
Mais, un peu plus loin...
          

Je me demande même parfois comment cette terre tient en suspension...
             

Je suis maintenant à hauteur de la plage des 100 marches, facilement identifiable malgré le fait que je marche entre falaises et océan depuis plus de deux kilomètres et que les paysages se ressemblent.

          

Facilement reconnaissable au fait qu'il y ait des naturistes... Bon, là, il n'y en a pas...
Facilement reconnaissable au fait qu'elle se trouve au bout d'une petite vallée creusée entre deux falaises. Pour l'atteindre depuis la route, il faut marcher et, également, emprunter les fameuses 100 marches. Le sentier d'accès se faufile dans les buissons où, parfois, tu peux faire des rencontres "imprévues"...

Moi, je continue par la plage pour arriver à Erretegia.
Erretegia, sa plage, son espace naturel sensible préservé et son bar-restaurant le Kanttu que je rejoins très vite pour boire une bière.

Erretegia est  l'un des plus beaux paysages océaniques du Pays Basque.
Bon, là, aujourd'hui, avec ce brouillard des mers, on ne s'en rend pas bien compte.

Mais quand il y a du soleil et un beau ciel bleu dégagé, cela donne ceci. 

       

C'est même un des lieux incontournables
pour apprécier un beau coucher de soleil.

Ah oui, c'est pas pareil là.

        

Mais même sans soleil et avec la brume de mer, Erretegia reste un lieu bien paisible, loin de tout bruit urbain. Ici, il n'y a que l'océan et les oiseaux passant de temps à autre au-dessus de nos têtes.
Je bois une bière... Puis une seconde. J'ai un peu de mal à partir, mais il le faut pourtant.

Je repars donc par la plage pour effectuer le retour jusqu'à la voiture restée sur le parking de la Milady.

LE LENDEMAIN
Le matin se lève. Je fais un tour des informations locales où j'apprends par le journal La République des Pyrénées qu'une partie de la falaise s'est écroulée à hauteur de la plage du Pavillon Royal. 

"La falaise s’est éboulée à plusieurs endroits sur le littoral à Bidart. La circulation y est interdite jusqu’à nouvel ordre.
Un important éboulement a été constaté au niveau des plages de Bidart. C’est la falaise Nord de la plage Erretegia qui a été impactée ce mercredi, selon la mairie.
« Devant l’instabilité des falaises et le risque de nouveaux éboulements à tout moment, et pour des raisons évidentes de sécurité », le maire de Bidart a dû prendre un arrêté interdisant la circulation entre la plage du Centre et la plage du Pavillon Royal « jusqu’à nouvel ordre ».
Le maire de Bidart, Emmanuel Alzuri, s’est rendu sur place. « Le bloc le plus imposant mesure 20 à 30 mètres de long, 7 à 8 mètres de haut et autant de large. Il était situé en tête de falaise car ce sont les parties supérieures qui sont fragilisées. Le précédent éboulement sur cette plage, en novembre 2012, était plus important par la longueur mais ce qu’on voit des roches qui ont été découvertes aujourd’hui est bien plus impressionnant : la falaise est fracturée partout. Il y a des fentes entre chaque couche de roches. »" LA REPUBLIQUE DES PYRENEES Photo : Mairie de Bidart

Ah oui, je reconnais bien l'endroit. C'est là où j'avais remarqué ce panneau d'interdiction suspendu, accroché à la roche friable.
            

Suite à cet accident géologique, la plage est désormais interdit aux promeneurs.
            

A bientôt pour d'autres petites randonnées, mais dans un autre coin du sud-ouest.