Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LE VOYAGE DE JéNORME
LE VOYAGE DE JéNORME
Visiteurs
Depuis la création 1 073 334
Archives
6 juin 2023

Direction la Nièvre

Quinze jours de vacances en juin. Quittons le sud-ouest pour retrouver le centre de la France.
Quand soudain, ne voilà-t-il pas...


Maaaaaaiiiisss, ça ne se fait pas comme ça le trajet de Bayonne-Nevers. Aaaaaah que non ! Y'en a des kilomètres à parcourir, y'en a du bitume à fouler, y'en a des départements à emprunter et des villes, des villages à traverser. Et les paysages, on en parle des paysages ?
Depuis presque quinze ans maintenant, je fais ce trajet deux à trois fois par an pour aller passer quelques jours en famille et retrouver quelques vieux amis.
Mais à chaque fois, je tache/m'efforce de ne jamais (ou presque) prendre les mêmes routes. Oui, je dis "les" car il y a plusieurs chemins possibles pour joindre Bayonne à l'agréable... à Nevers. Et dans ce blog, nous en avons déjà testé quelques-uns, comme...

DE BAYONNE à NEVERS EN EVITANT BORDEAUX
HagetmauLabastide d'Armagnacle cyranoPech bardat

 

SUR LA ROUTE : NOËL ET CLOCHER TORS
Tercis les bainsDoyetSaint Bonnet de FoursSaint Bonnet de Fours

 

SUR LA ROUTE : DU PAYS BASQUE AU NIVERNAIS
l'AdourGout RossignolLa PougeChez Mamie

 

DU PAYS BASQUE à LA NIEVRE
casse crouteoradourviccluis

 

Et tout cela sans parler des intrigantes Pierres Jaumatres,
du village abandonné de Courbefy,
des magnifiques fresques de l'église du Menoux,
des lacs bleus de Guizengeard,...
CourbefyGuizengeardLe MenouxLes Pierres Jaumatres

 

Maaaaaaaiiiissss, au bout de quinze ans... Petit calcul : 15x3=45.... DONC trouver 45 trajets différents sans pour autant se retrouver à faire quinze heures de voiture... T'as vu : le chiffre quinze est omniprésent dans ce début de billet... Je ne sais pas pourquoi, y'a des choses dans la vie, comme ça, tu sais pas... Le 15, numéro du SAMU ; le 15, l'âge de la majorité sexuelle en France, du passage du permis de conduire aux States. Le 15, le Cantal. Le 15, noces de cristal... Ouais bon, on va pas faire le billet là d'ssus !

BREF : à chaque nouveau départ pour la Nièvre depuis le sud-ouest, je tente de trouver un nouvel itinéraire, un nouveau lieu à visiter, insolite ou historique. Mais cela devient de plus en plus compliqué. Mais c'est comme ça : je ne veux jamais passer par les mêmes routes. Je ne veux pas revivre le même voyage...
Tiens, cela me fait penser à cet article que j'ai lu dans le journal La dépêche :

le jour de la marmotte
Source : Un phénomène fascinant

Et moi, je n'ai pas envie de revivre le même trajet ; même si ce n'est pas tous les jours.

Je me suis posé la tête sur le bureau face aux cartes car  -je ne sais pas si tu sais-  mais j'adore les cartes.
Par où je pourrai passer sans pour autant faire 10 heures de routes ? Où est-ce que je ne suis pas passé ? Qu'est-ce que je n'ai pas vu d'insolite, de curieux, d'historique entre Bayonne et Nevers ?
Je dresse un itinéraire aléatoire en tentant de prendre des routes que je n'ai pas prises.

Quelques minutes plus tard,
j'arrive à ceci :
Carte

Et bing : 666km (ohla ?!) pour environ 8h30 de route sans s'arrêter.
Oh merde, c'est long.
Voyons le détail des villes traversées :

BAYONNE → BORDEAUX → PERIGUEUX → NEGRONDES → THIVIERS → SAINT-YRIEX-LA-PERCHE → PIERRE-BIFFIERES → SAINT-HILAIRE-BONNEVAL → SAINT-PAUL → SAINT-LEONARD-DE-NOBLAT → SAUVIAT-SUR-VIGE → BOURGANEUF → AHUN → GOUZON → MONTLUçON → NEVERS   666km

 

Allez, c'est parti !

Bon, pour commencer, pas grand chose à signaler. C'est de l'autoroute, c'est chiant, on roule.
J'arrive à Bordeaux.
Au mois de juillet 2022, j'avais fait un petit arrêt dans la préfecture girondine pour faire le tour... des cimetières. Et je me rends compte que je n'en avais pas parlé sur ce blog. Qu'est-ce qui s'est passé là ? Comment se fait-il que je n'en ai pas parlé ici ?

Bon. Vite fait.
Nous étions fin juillet et je remontais sur Nevers. Nouveau trajet. Pour ne pas faire la route à vide, je m'étais dit que j'allais faire un détour par le cimetière des Pins où repose Mort Shuman...


Ben oui, Mort Shuman, compositeur-chanteur-parolier et acteur d'origine américaine, né à Brooklyn le 12 novembre 1938 et décédé le 2 novembre 1991 à Londres. On lui doit des chansons, telles que Papa Tango Charly, Sorrow, le lac majeur ou encore Un été de Porcelaine qui fut la chanson titre de ce magnifique film de 1978 qu'est L'hôtel de la plage, réalisé par Michel Lang.


Se retrouver dans un cimetière à chercher la tombe d'un artiste, ou autre, c'est aussi se souvenir.

Mort Shuman

Mort Shuman est donc né à Brooklyn. Des parents juifs polonais amateurs d'art et de musique. Après avoir entamé des études de philosophie, il lâche tout pour se lancer dans la musique. Il écrit ses premières chansons à 18 ans, se passionne pour la langue française qui deviendra sa troisième langue après le yiddish et l'anglais.
Il fréquent les clubs avec son ami Doc Pomus avec lequel il travaillera de 1958 à 1965. Les deux artistes écrivent et composent des morceaux pour les Drifters, Dion and the Belmonts, Andy Williams et... et... pour Elvis Presley ! Eh ouais, le King, quoi ?!
Malgré ce succès, Mort quitte New York. Des envies de voyages. Il s'arrête à Londres pour écrire quelques chansons pour des artistes britanniques, puis se rend en France tout en écrivant quelques titres pour Janis Joplin avant de faire la connaissance de Jacques Brel et d'adapter quelques-unes de ses chansons en anglais.
Il s'installe à Paris, créé une comédie musicale sur Jacques Brel, "Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris", puis enchaine les succès publics avec des titres comme Papa Tango Charly, Sorrow, Le lac majeur,... Il écrit également quelques titres pour Eddy Mitchell, Michel Sardou et Johnny Hallyday. Mais très affecté par la mort de Jacques Brel en 1978, sa production musicale ralentit et il renonce à la scène. Il n'apparaitra plus que dans des émissions télé, tout en composant encore quatre albums qui ne connaitront pas le succès des années 1970.
Très grand buveur de whisky, il subit une opération du foie au printemps 1991 et meurt quelques mois plus tard, le 2 novembre 1991, dans un hôpital de Londres des suites d'un cancer du foie à l'âge de 52 ans.
Il est enterré dans le cimetière juif de Golders Green à Barnet, dans la banlieue de Londres. De nombreuses personnalités du spectacle sont là, dont Johnny Hallyday qui déposa sur sa tombe une cassette audio avec l'enregistrement de Dans un an ou un jour, sa dernière composition qu'il n'a pu écouter, la maladie l'ayant emporté avant la sortie de l'album Ça ne change pas un homme. Quelques années plus tard, le cercueil de la dépouille de Mort Shuman est transféré en France au cimetière des Pins de Cauderan, là où vivait sa dernière femme Maria-Pia Vezia.

Bordeaux, cimetière des Pins-Francs, tombe de Mort Shuman

 

Je sors du cimetière pour... me rendre à un autre cimetière. Wouahou, c'est la tournée des grands ducs ! Quel beau début de vacances j'amorce là ?!
Cette fois-ci, direction la rue Judaïque, longue avenue bordelaise de 1400 mètres, tirant son nom du quartier juif qui s'était développé au Moyen Âge autour du prieuré de Saint-Martin. Une rue chargée d'histoires et d'Histoire avec tour à tour de beaux bâtiments et autres monuments culturels. C'set également dans cette rue que se trouve le cimetière protestant de Bordeaux au numéro 193.

Créé en 1826, le cimetière de la rue Judaïque vient apporter une solution stable aux besoins d’inhumation des protestants, longtemps perturbés ou empêchés.
Le cimetière abrite les tombes de familles et d’individus protestants qui ont contribué au rayonnement de la communauté réformée et de la ville de Bordeaux : négociants, hommes politiques, militaires, écrivains, artistes, militants et religieux.
Il est vrai qu'il y a des monuments mortuaires en ce lieu...

Bordeaux, cimetière protestant, chapelle Johnston (33)       Bordeaux, cimetière protestant, épidaphe (33)


Mais si je suis venu ici, c'est pour voir la tombe du clown Chocolat.

Eh oui, en fait, il n'y a pas de tombe du clown Chocolat.
Après sa mort soudaine en novembre 1917, il fut inhumé en pleine terre dans le cimetière protestant, carré M, rangée 7, numéro 2. C’est à sa mort également que l’employé de l’état civil lui attribue enfin un nom complet, une identité : Rafael Padilla.

chocolat

C’est à La Havane, entre 1865 et 1868, que le futur clown Chocolat naît de parents esclaves. Il grandit bercé par une culture afro-cubaine rythmée par la musique et la danse. A l’âge de 10 ans, il est vendu à un riche marchand espagnol. Avec lui, il traverse l’Atlantique pour devenir valet de ferme dans un village basque puis manœuvre sur le port de Bilbao en Espagne. 
C’est là qu’il décide de s’échapper sans être émancipé et sans recevoir de nom officiel. Il finit par être embauché comme domestique et homme à tout faire par un clown anglais alors vedette du moment : Tony Grice.
Il entre en piste en 1886 sur la scène du Nouveau Cirque. Il ne fait alors qu'apporter les instruments à son employeur, mais sa couleur de peau intrigue les spectateurs parisiens à une époque marquée par le racisme et pendant laquelle les gens de couleur noire sont exhibées comme des bêtes de foire.
"Miroirs de cette époque, certaines caricatures, notamment celles du peintre Toulouse Lautrec montrent Chocolat avec une tête de singe.  Au Nouveau cirque, il incarne alors le stéréotype du « nègre » rigolo, ridiculisé et souffre-douleur du blanc." TV5

field_media_image-32023-IMG_7604

La noce de Chocolat est le titre du spectacle dans lequel il triomphe en mars 1888. Surnommé El Rubio (le blond) en Espagne, il devient désormais le clown Chocolat. De simple noir, il commence à être reconnu comme un artiste de cirque. C'est à ce moment qu'il rencontre George Foottit, clown anglais. Pour la première fois, ils vont créer le spectacle du clown blanc autoritaire et de l'Auguste noir souffre-douleur, de 1895 à 1902.
Mais les stéréotypes sur les Noirs demeurent dans l'imagerie populaire bien que d'autres artistes américains noirs viennent en France.
Le cirque doit faire face  à de nouveaux spectacles concurrentiels, comme le cinéma. Foottit et Chocolat sont licenciés du Nouveau cirque en 1905 après qu'est- éclatée l'affaire Dreyfus et les questions raciales qu'elle a suscité.
Chocolat décroche le rôle principal pour une pièce de théâtre "Moise", mais celle-ci ne connaitra aucun succès. Pire, la critique est même insultante envers l'artiste. C'est ainsi que nait l'expression : être chocolat (=je me suis fait avoir).
En 1908, Rafael Chocolat se rend dans les hôpitaux de Paris pour redonner le sourire aux enfants. Pendant trois ans, deux fois par semaine, il va faire le clown pour faire profiter à de jeunes patients de cette thérapie par le rire. Il tente en parallèle de poursuivre une carrière théatrale, mais sans grand succès.
Il sombre dans l'alcoolisme et la misère après la mort de sa fille de 19 ans. Il meurt dans la misère à 49 ans vers 10h30 du matin, dans un petit hôtel du quartier Mériadeck au n°43 de la rue Saint-Sernin.
En 2010, plusieurs ouvrages biographiques remettront en valeur le travail de Rafael Padilla. Puis ce sera le film de Roschdy Zem en 2016.

Suite à ces écrits, à ce film et au travail d'une association "Les amis du clown Chocolat", petit à petit, on a mis en lumière la vie et la carrière de cet artiste oublié. Dans le cimetière protestant, une plaque a été apposée sur une murette pour rappeler que...

Bordeaux, cimetière protestant, plaque Chocolat (33)           Bordeaux, cimetière protestant, plaque hommage Chocolat

Bon, voilà.
Reprenons le fil de nouveau trajet Bayonne-Nevers.

Une fois le périphérique bordelais passé, je prends la direction de Périgueux.
Depuis quelques années maintenant, chaque fois que j'entends ce nom, je pense immédiatement à...

Joihnny crepp
Source : Sud-Ouest

Ben ouais, le sosie non officiel de Johnny Depp : Johnny Crepp.
Mais Périgueux, c'est aussi la commune la plus peuplée du Périgord, préfecture de la Dordogne. Périgueux, ce sont des places des ruelles, des musées, des monuments qui permettent de suivre le fil d'une histoire de plus de 2000 ans : quartier gallo-romain et ses vestiges d'amphithéâtre (l'un des plus grands de toute la Gaule), le quartier médiéval (avec la cathédrale), le quartier Moyen-Age avec la tour Mataguerre !
Périgueux, c'est la cathédrale Saint-Front (modèle du Sacré Coeur de Paris), mais aussi plusieurs autres lieux de culte protestant, israélique, islamique et mormon.
Périgueux est aussi la capitale du timbre ! Ben ouais. depuis 1970, date de l'installation de l'imprimerie nationale des timbres postes dans la cité. Bon... Il est vrai qu'aujourd'hui, les envoies de courrier et autres cartes postales se font de plus en plus rares à l'heure d'internet et des smartphones.

Une anecdote sur Périgueux a retenu mon attention.
À partir du 1er septembre 1939, à la suite de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie, le gouvernement français ordonne l'évacuation de 375 000 Alsaciens et 210 000 Mosellans. Les habitants de ces deux régions sont évacués puis répartis dans le Centre-Ouest et le Sud-Ouest de la France. Périgueux accueille ainsi, dès le 5 septembre, des milliers de Strasbourgeois ; la mairie de Strasbourg s'installe au 2 rue Voltaire, dans les locaux de la Chambre de commerce et y restera jusqu'à juillet 1945.
Périgueux fut également une grande ville de résistance face à l'envahisseur nazi. Plusieurs faits d'armes en témoignent et la population en a payé le prix, notamment le 10 mai 1944, lorsque la milice et la police de Vichy arrêtent et regroupent 211 personnes dans la salle du Palace pour les transférer vers les chantiers du mur de l'Atlantique, afin d'y effectuer des travaux forcés, ou les interner dans la Haute-Vienne ou les déporter vers l'Allemagne.

Je traverse Périgueux sans m'arrêter, même si cette ville semble gorger de curiosités diverses.
Direction le nord-est.
J'aurais pu aller au sud-est, mais ce n'était pas la route.
µEt puis, je suis déjà passé par là il y a quelques mois lors d'un petit séjour en Dordogne.
Je n'en ai pas parlé ici ? Ah ? Ben merde.


BANDE ANNONCE
EN PHOTOS
carte postale Périgord
Audrix, Gouffre de Proumeyssac, entrée (24)Audrix, Gouffre de Proumeyssac, musée, objets insolitesAudrix, Gouffre de ProumeyssacDSCN8856
DSCN8872Jénorme est au musée de la Préhistoire, Les Eyzies (24)Le Bugue, la VézèreSarlat, restoLes Eyzies, par la petite ruelle sous les falaises (24)

Hein, bon, voilà.
On verra ça un autre jour. 

 

 

 

BREF : je vais donc direction nord-est.
La route empruntée me fait passer par Sorges, capitale de la truffe (reconnaissable à son rond-point avec une grosse truffe dessus), puis Négrondes et sa fontaine-lavoir originale... que je n'ai pas trouvée.
Quelques kilomètres plus tard, nous quittons le Périgord noir pour entrer dans le Périgord vert.

périgords

La première ville traversée est Thiviers, terre de foie gras. Aaaah oui, le Périgord et sa gastronomie.
Thiviers a conservé de belles maisons à colombages et est sillonnée par d'anciennes ruelles aux noms poétiques, telles que la rue des parfums ou encore la place des Trois-Coins. Jean-Paul Sartre vécut ici ses années de jeunesse et revint plusieurs fois dans la maison de ses grands parents sur la façade de laquelle on trouve aujourd'hui une plaque rappelant cette présence.

J'entre dans le parc naturel régional Périgord Limousin en passant par de petites routes étroites et sinueuses m'amenant à découvrir subitement le château de Jumilhac-le-Grand.

Jumilhac-le-Grand, le château, allée (24)

Jumilhac-le-Grand, église Saint-Pierre-ès-Liens (24)         Jumilhac-le-Grand, le château, entrée (24)

On en voit que lui... et son église accolée.
Bati du XIIIème au XVIème siècle, il a eu de nombreux propriétaires aux gouts divers ; ce qui se ressent dans ses aménagements quelque peu hétéroclite. Mais ça, je n'ai pas pu m'en rendre compte car le château était fermé... alors que le site internet (château de Jumilhac) annonce que c'est l'un des rares sites en Dordogne à rester ouvert toute l’année. Bon... C'est pas grave, je n'aurais pas eu le temps de le visiter. 
Toutefois cependant pourtant si bien même encore que, parait-il que la plupart des pièces du château sont dissymétriques, sans angle droit. On découvre également la chambre de la fileuse, construite dans l'épaisseur des murs et voûtée en plein cintre. Une légende raconte que le mari de Louise de Hautefort, jaloux, y tenait enfermée sa femme. Celle-ci filait à longueur de journée et cachait des messages d'amour dans son fuseau pour son amant, le berger du château.
Le château a également servi de décor pour le film "Le pacte des loups" en 2001.
En restant à l'extérieur, je reste tout de même interloqué par le nombre de cheminées et de tourelles sur le toit.

De Jumilhac-le-Grand, je prends la D78, puis la D18 pour rejoindre Saint-Yriex-la-Perche. Nous avons quitté le Périgord, qu'il soit noir, vert, blanc, pourpre, indigo. Routes étroites, mais slalomant au milieu de la verdure. Les bas côtés aux herbes hautes. Des champs traversés par quelques maigres, mais importantes, rivières.

Je traverse Saint-Yriex-la-Perche. Pas grand chose à signaler si ce n'est deux ronds-points...

Saint-Yrieix-la Perche, rond point (87)         Saint-Yrieix-la Perche, rond point

Je sors de Saint-Yriex-la-Perche pour prendre la D19 jusqu'à la commune de Pierre-Buffière. On remarque de suite en traversant le centre ville l'étonnante façade de l'hôtel des Trois-Anges, puis, un peu plus loin, le panorama sur les viaducs.

Pierre-Buffière, viaducs

Pierre-Buffière, viaducs

Je sors de la ville en suivant les panneaux directionnels très précis sur les destinations à suivre.

Pierre-Buffière, panneaux (87)

 

Je continue de suivre la D19 en passant par les villages de Saint-Paul, Eybouleuf et... Saint-Léonard-de-Noblat.
Oui, c'était prévu que je passe par cette charmante commune de la Haute-Vienne. Pour une raison précise. On va encore dire que je suis un peu glauque. Mais non.
Pourquoi suis-je passé par Saint-Léonard-de-Noblat ? Voyons, voyons.

Pour ses bars et restaurants ?
Saint-Léonard-de-Nobalt, un bar-restaurant(87)

Ce nom m'a intrigué. Qu'est-ce que c'est donc que ce "Miaulétou" ? J'ai cru que c'était un animal local, puis une légende, puis un plat typique de la région. Mais non. Rien de tout cela. Le Miaulétou, ce n'est pas le cri d'un chat déformé, c'est le nom des habitants de Saint-Léonard-de-Noblat. Eh oui. On aurait pu penser qu'ils se prénommeraient les Saint-Léonardiens-de-Noblassou, mais non. Ce sont les Miaulétouses et les Miaulétous. Pourquoi une telle dissonance entre le nom de la commune et le nom des habitants ?
Pour le savoir, il faut revenir au Moyen-Age. Autour du clocher de l’église, volaient des espèces d’oiseaux (buses ou corbeaux) qui avaient un cri très particulier. En patois, on les appelaient alors des ’miaules’. D'autres explications sont apportées pour dire que le "miaule" est le "milan" en occitan limousin.

Eh ouais. Après, nous pouvons aller encore plus loin en nous demandant mais pourquoi Saint-Léonard-de-Noblat s'appelle ainsi.
Aaaaah bonne question.
Remarquons qu'il y a deux noms distincts : Saint-Léonard et Noblat.
La ville aurait été fondée au VIème siècle par Saint Léonard, le "briseur de chaines" ou patron des prisonniers. Selon la légende, le saint homme, ayant sauvé de la mort par ses prières une reine d'Austrasie lors d'un accouchement difficile, se vit offrir par le mari reconnaissant une parcelle de la forêt de Pauvain où il s'était retiré. Il appela cette terre "Noble lieu" (Nobiliacum, devenu Noblat). Il y accueillit des esclaves qu'il avait lui-même libérés, des captifs, des condamnés. Il voulait les réhabiliter par le travail sur son domaine agricole. Après sa mort en 559, l'ermite devint très populaire. Sa terre fut transformée en lieu de pèlerinage et une bourgade se développa autour de son tombeau.
La collégiale romane édifiée au XIème siècle et agrandie un siècle plus tard, abrite le sarcophage du saint, surmonté du fameux "verrou" dont la tradition veut qu'il délivre les femmes qui le touchent de la stérilité.
C'est le 16 aout 1919 que Saint-Léonard est devenue Saint-Léonard-de-Noblat.


Mais revenons à notre question initiale : pourquoi suis-je venu ici ?
Peut être pour assister à ce rassemblement appelé les Ostensions et qui donnent à la ville un air de fête colorée.

Saint-Léonard-de-Noblat, une rue, après ostensions (87)

Saint-Léonard-de-Noblat, une rue, après ostensions         Saint-Léonard-de-Noblat, une rue, après ostensions

Mais qu'est-ce donc encore que ceci les Ostensions ?
Eh bien, tous les sept ans  -et ce depuis 1960-  Saint-Léonard-de-Noblat reçoit tous les fans... des délégations de pays européens ayant le culte de Saint Léonard.
Diverses animations ont lieu dans la commune avec des défilés, une messe en plusieurs langues, la sortie des reliques et une grande procession à travers la ville.
Voilà. Bon... Je ne connaissais pas... Mais l'évènement est déjà passé.

Alors, pourquoi suis-je ici ?
Pour la porcelaine ? Pour le cuir ? Pour les châtaignes ? Pour voir les vaches de race limousine (puisque Saint-Léonard-de-Noblat en est le berceau) ? Pour le massepain -cette spécialité sucrée fondante mélangeant amandes finement moulues, blancs d'oeufs et sucre, peut être importés par les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle ?
Eh bien non.

Un indice ?
Fastoche.
Il faut se promener dans le centre-ville pour découvrir la présence d'un Miaulétou bien connu...

Saint-Léonard-de-Noblat, une vitrine

Hein ? Hein ?
Alors non, il ne s'agit pas d'un hommage à Joseph-Louis Gay-Lussac, chimiste et physicien, né ici en 1778.
Il ne s'agit pas non plus d'un hommage à Denis Dussoubs né ici en 1818 et connu pour être mort sur les barricades lors d ela Révolution en 1851 (son acte inspira Victor Hugo pour son Histoire d'un crime).
Est-ce une allusion à Serge Gainsbourg qui a passé six mois de son adolescence pendant l'Occupation, en 1944, ici, en pensionnat en classe de seconde dans le lycée local, inscrit sous le pseudonyme de Lucien Guimbard pour échapper aux persécutions antisémites allemandes ? Non plus. A Gilles Deleuze, le célèbre philosophe enterré dans le cimetière de la ville ? Non plus.

Allez,
un autre indice en vidéo.

Eh oui, Saint-Léonard-de-Noblat n'a pas oublié un de ses habitants les plus célèbres : le cycliste Raymond Poulidor.
C'est ici que Poupou avait choisi d'habiter jusqu'à son décès en novembre 2019. Adopté comme un véritable enfant du pays, ce Creusois d'origine a même donné son nom au stade de la ville. Cette force de la nature a eu bien besoin de toute l'affection de ses concitoyens de Saint-Léonard pour supporter la malchance qui s'est acharnée sur lui tout au long de sa carrière. Sur quinze (ah : le 15 !) participations aux championnats du monde cyclistes et 14 tours de France, jamais il ne l'a emporté, se contentant de places de deuxième et de troisième. Poupou, fils de métayers, était connu ici pour son exceptionnelle gentillesse et sa modestie.
Natif de Masbaraud Mérignat où il naquit le 15 avril 1936, c'est en 1977 que Raymond Poulidor est venu s'installer à Saint-Léonard-de-Noblat après avoir mis fin à sa carrière sportive. Et quelle carrière !

Poupou

Enfant, puis adolescent, sa vie quotidienne est rythmée par les travaux agricoles avec sa famille et semble destiné à devenir paysan. En même temps, il accompagne ses frères André et Henri lorsqu'ils disputent des courses cyclistes dans la région, le week-end, et roule avec des coureurs locaux, le soir, avec le vélo de sa mère. En 1952, un marchand de cycle lui offre un vélo de demi-course. Il s'entraine en le cachant à sa mère qui trouve ce sport trop dangereux. Très vite, il remporte des courses et est invité à participer au Bol d'or des Monédières, à Chaumeil, en tant que meilleur coureur régional, aux côtés de coureurs professionnels comme Géminiani et Bobet. Il effectue une partie de la course en tête avec Bobet et termine à la sixième place. Même s'il envisage de plus en plus sérieusement à faire une carrière de cycliste professionnel, il doit d'abord faire son service militaire. Il en revient en 1958 avec quinze kilos (15 !!! encore !!!) de plus. Il s'entraine dur, puis signe son premier contrat professionnel avec l'équipe Mercier en 1960, à 24 ans.
Les médias et le public ont beau le qualifier d'"éternel second", Poupou a remporté 189 courses, toutes compétitions confondues ; et "seulement" 92 fois second. Tout le monde retient ses "combats" avec Jacques Anquetil dans les années 1960, puis avec Eddy Merckx dans les années 1970. Exploits inachevés et infortunes rencontrées dans le Tour de France ont façonné son image ainsi que son statut de paysan limousin fruste et franc, sa santé physique et morale, fidèle. Il passera toute sa carrière dans l'équipe Mercier, soit 17 ans.
On retient bon nombre d'images, comme cette opposition au coude à coude avec Anquetil sur les pentes du Puy-de-Dôme lors du Tour de France 1964 ou encore sa victoire au Plat d'Adet au tour de 1974.
Raymond Poulidor n'a jamais remporté le Tour de France en quatorze participations (dont douze terminés) ni même porté le maillot jaune ne serait-ce qu'une journée. Il aurait pu le remporter à trois reprises : en 1964 sans l'oubli d'un tour de piste à Monaco ; en 1965 sans le secours "étonnant" d'Anglade à Gimondi dans le Ventoux ; ou en 1968 si une moto ne l'avait pas renversé le contraignant à abandonner alors que la victoire lui était acquise.
Il n'a jamais remporté le Tour de France, certes, mais il en détient toujours le nombre record de podiums : huit. Ajoutons un Tour d'Espagne en 1964, deux Paris-Nice, un maillot de champion de France, et quelques classiques.
Après avoir raccroché le vélo en décembre 1977, il sera tour à tour conseiller technique, animateur de vente, commentateur, consultant, agent de communication ; tout ceci en rapport avec le cyclisme. En 1987, Jacques Anquetil annonce la progression inexorable de son cancer en présence de Poulidor : "Raymond, tu te contenteras encore de la deuxième place. Je vais partir le premier."
Raymond Poulidor décède le 13 novembre 2019 des suites d'un état de fatigue générale. Après la crémation, ses cendres reposent au cimetière communal de Saint-Léonard-de-Noblat.

Saint-Léonard-de-Noblat, tombe de Raymond Poulidor (87)           Saint-Léonard-de-Noblat, tombe de Raymond Poulidor, détail (87)

 

Je quitte le cimetière sous une pluie soudainement battante.
Je suis la D941, belle départementale bordée de champs et de petits étangs, de Sauviat-sur-Vige à Bourganeuf.

La vacheresse, panneau (23)          Sauviat-sur-Vige, route

Sur la route, Sardent, étang privé (23)       Sur la route, vaches (23)


Un rond-point à Bourganeuf.
 Bourganeuf, rond-point (23)

Après Bourganeuf, je prends la direction de Pontarion, mais un panneau sur la gauche indique la présence proche d'un élevage de bisons. Cela m'intrigue, j'y vais voir.

Panneau élévage bisons        Panneau élévage bisons
Captures d'écran : Google maps

Il s'agit de l'élevage des Bisons du Palais. Les propriétaires des lieux proposent de "rencontrer" les bisons à bord d'un véhicule 4x4 sur rendez-vous et pour 7 euros. Il y a également possibilité ensuite d'acheter de la viande de bison et autres produits transformés (terrines et rillettes de bison).
Je continue ma route un peu au hasard. L'idée est de rejoindre Guéret, puis Montluçon, puis Nevers.
Ce trajet aléatoire hasardeux me fait passer par le monument aux morts de Janaillat posé en pleine campagne, puis par une auberge de bord de route abandonnée avant de traverser la ville la plus ronde de France : Sancoins. Tu l'as ? Sancoins. Ronde. Un cercle. Pas de coin.

Janaillat, monument aux morts (23)        Sur la route, ancienne auberge (23)

Sancoins, panneau (18)


Bon, après quelques kilomètres détournés, j'arrive à Nevers, en famille.
Et le jeu "Mais où est Mimine ?" peut commencer.

Où est Mimine


Eh, hein, pas facile !
La réponse dans un prochain billet.

 

 

Commentaires
L
Superbe promenade enrichissante sur le plan des humains connus qui nous quitté mais dont on se souvient!!!Vive POUPOU!!!Bisous Fan
Répondre